De gauche à droite : Hilda Moraa, Ray Kurzweil, Christine Lagarde, Leila Janah et John Chambers (photo : FMI)

Des politiques nationales avisées pour tirer pleinement parti de la technologie

le 6 octobre 2016

  • La technologie pourrait donner un coup de fouet à la croissance de l’économie mondiale durant la prochaine décennie
  • De nouveaux modèles d’apprentissage s’imposent pour aider les travailleurs à s’adapter
  • Les changements culturels et structurels doivent suivre le rythme des progrès technologiques

Les progrès technologiques pourraient transformer la vie des habitants de la planète mais ils devront aller de pair avec des politiques avisées, faute de quoi la fracture numérique risquera de s’aggraver. Telle est la conclusion des participants à un séminaire organisé en marge de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale, à Washington.

«Qu’elle prenne la forme des big data, de l’Internet des objets, de la numérisation ou de l’impression 3D, la révolution technologique est omniprésente dans tous les secteurs de l’économie», a déclaré la Directrice générale du FMI, Christine Lagarde, à l’ouverture du séminaire « Technologie, innovation et croissance inclusive».

«Elle aura de profondes répercussions sur les modes de vie, sur la façon d’apprendre, de gagner sa vie et de consommer», a ajouté Mme Lagarde.

«Le FMI doit s’associer aux experts pour mieux saisir l’impact des progrès technologiques sur l’économie dans le monde entier», a-t-elle précisé. Ce séminaire, qui rassemblait des leaders d’opinion dans le domaine technologique, constituait un grand pas vers l’établissement de ce dialogue.

Une transformation positive

La nouvelle ère numérique transformera l’ensemble de la société, a déclaré John Chambers, Président exécutif de Cisco Systems.

Durant la prochaine décennie, la croissance économique mondiale pourrait gagner 19.000 milliards de dollars, soit une progression du PIB supérieure de 2 à 3 % pour chaque pays de la planète. Cette croissance pourrait en outre se traduire par un relèvement généralisé des revenus moyens, à condition que les pays appliquent la bonne formule, a-t-il ajouté.

Leila Janah, fondatrice et Présidente de l’entreprise à but non lucratif Sama, a ajouté que, certes nombreux sont ceux qui ont beaucoup gagné, mais la stagnation économique est présente dans les populations à faible revenu, ce qui se traduit par des troubles sociaux. «Si nous n’assumons pas la responsabilité qui consiste à comprendre les difficultés que connaissent ces personnes, le prix à payer risque d’être très lourd», a-t-elle précisé.

L’entreprise de L. Janah, basée dans la Silicon Valley, recrute dans des pays en développement des personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté pour les employer dans des entreprises de pointe établies dans des centres informatiques. En morcelant les grands projets en petites unités de travail, l’entreprise parvient à employer des personnes ayant relativement peu de formation.

Selon L. Janah, l’accès à Internet à haut débit et à faible coût est l’un des outils de transformation les plus puissants.

Hilda Moraa, fondatrice de la startup kényane Weza Tele, a souligné que l’avènement de la technologie mobile a été un véritable tournant. Le téléphone portable, a-t-elle rappelé, est à l’origine d’une véritable révolution du crédit en Afrique; il a ouvert un accès à la finance dans des proportions jusque-là inimaginables.

Promouvoir les bouleversements ou les subir

Les intervenants ont fait remarquer que si la technologie est un vecteur de progrès économique, elle a également ses laissés pour compte.

L’ère numérique à venir «sera une période où il faudra promouvoir les bouleversements ou les subir» a déclaré J. Chambers, qui estime que 40 % des entreprises américaines, asiatiques ou européennes risquent de disparaître dans les dix prochaines années.

Puisque des emplois vont inévitablement disparaître, que faudra-t-il faire pour s’adapter, a demandé Mme Lagarde?

Les panélistes ont reconnu que l’éducation avait un rôle essentiel à jouer. «Il nous faut un nouveau modèle d’éducation car le système actuel est inopérant», a déclaré Ray Kurzweil, inventeur, auteur et futurologue. J. Chambers a ajouté que les idées créatrices en la matière étaient d’une importance vitale et qu’il n’y avait pas de temps à perdre : «Nous devons agir vite sur le front de l’éducation et ne pas suivre le modèle suranné de la pensée linéaire».

La partie facile

L’un des aspects les plus redoutables de l’ère numérique consistera à adapter les politiques et les incitations actuellement déployées par les gouvernements. La technologie change nos vies à un rythme qui ne cesse de s’accroître, or il arrive que les pouvoirs publics soient lents à réagir.

«La technologie est la partie facile», selon J. Chamber. «La difficulté consistera à faire en sorte que les entreprises et les pays changent la culture, les structures et les mécanismes d’incitation».

Selon L. Janah, la nouvelle économie exigera une nouvelle donne politique à beaucoup de niveaux. «Comme les ordinateurs accomplissent tellement plus de travail, nombreux seront les individus qui, pour la première fois, pourront vivre sans avoir à travailler». C’est là, selon elle, quelque chose de positif mais les États devront envisager de mettre en place un revenu universel de base pour ceux qui perdent leur emploi et qui ont du mal à en trouver un autre.

À la clôture du séminaire, les participants ont formulé des conseils à l’intention du FMI. H. Moraa a conclu en précisant qu’«investir dans les jeunes doit faire partie intégrante de la vision d’avenir. Les jeunes doivent être le moteur de l’économie dans l’intérêt des générations futures».