Bulletin du FMI : La politique fiscale peut aider les pays à surmonter le problème de la dette
le 9 octobre 2013
- L’endettement moyen des pays avancés devrait culminer à des maxima historiques
- L’essoufflement de la croissance et le renchérissement des emprunts entament la marge de manœuvre des pays émergents
- Des politiques fiscales plus équilibrées et plus équitables peuvent renforcer les recettes et améliorer les perspectives de croissance
À l’heure où l’assainissement des finances publiques reste à l’ordre du jour dans les économies avancées, et l’est de plus en plus dans les pays émergents, la question de savoir si les systèmes fiscaux peuvent contribuer au processus d’ajustement, et selon quelles modalités, revêt un caractère urgent.
MONITEUR DES FINANCES PUBLIQUES
Suite au durcissement budgétaire de ces dernières années, les pays avancés ont été en mesure de réduire les déficits budgétaires de 4 points en moyenne jusqu’en 2013, pour descendre à un niveau inférieur de moitié à ce qu’il était au plus fort de la crise — à l’exception notable du Japon. C’est ce qui ressort de la dernière édition du Moniteur des finances publiques du FMI.
Le rapport, publié en avril et octobre de chaque année pour dresser un bilan des dépenses publiques et de l’endettement et des déficits des États de par le monde, table sur une stabilisation de la dette publique dans la plupart des économies avancées en 2013-14.
À environ 110 % du PIB, l’endettement moyen des pays avancés dépasse encore de 35 points de pourcentage le niveau de 2007, et des efforts considérables seront nécessaires pour le faire baisser. Bien que la plupart des pays fortement endettés aient désormais assuré près de deux tiers de l’ajustement nécessaire pour réduire durablement leurs ratios d’endettement, l’histoire nous montre que le principal défi consistera à maintenir cette orientation budgétaire dans la durée — jusqu’à ce que les ratios reviennent à des niveaux plus commodes.
«Puisqu’il s’agit d’un processus qui s’inscrit dans la durée, il est particulièrement important d’étalonner la composition de l’ajustement budgétaire de manière à renforcer les perspectives de croissance à long terme et à préserver la cohésion sociale», a signalé Martine Guerguil, Directrice adjointe du Département des finances publiques du FMI. «Cela aidera à atteindre l’objectif plus rapidement et à réduire le risque d’une saturation face à l’ajustement et d’une inversion des politique».
En outre, le rapport signale que le niveau élevé d’endettement, l’incertitude de la conjoncture mondiale, les faibles perspectives de croissance et le manque de plans d’ajustement à moyen terme bien définis dans les principales économies, dont les États-Unis et le Japon, rendent la tâche plus complexe. Les perspectives de croissance mondiale se sont certes généralement améliorées, mais les yeux se tournent désormais vers les États-Unis où commence à se manifester une confrontation budgétaire. Dans un discours récemment prononcé à Washington, la Directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a averti que les incertitudes politiques aux États-Unis liées au budget et au plafond d’endettement n’aident pas le pays face aux autres défis budgétaires qu’il doit relever, comme par exemple la réforme des prestations sociales et le niveau comparativement faible des recettes. «Pour déplorable que soit la fermeture des services administratifs fédéraux, les conséquences d’un non relèvement du plafond d’endettement seraient bien pires, et elles pourraient être fort préjudiciables à l’économie américaine et à l’économie mondiale dans son ensemble», a-t-elle précisé. «Il est donc primordial de résoudre le problème dans les plus brefs délais».
Des vulnérabilités se manifestent dans les pays émergents
Dans l’intervalle, les facteurs de vulnérabilité budgétaire s’intensifient dans les pays émergents. Avant la crise, leur situation budgétaire était nettement plus solide que celle des pays avancés. Beaucoup d’entre eux ont mis à profit leur marge budgétaire durement gagnée pour accompagner la demande intérieure et atténuer l’impact du ralentissement de l’économie mondiale. Mais l’affaiblissement des perspectives de croissance et la montée des coûts d’emprunt pèsent désormais sur leurs budgets.
Tous les pays émergents ne se heurtent pas aux mêmes difficultés. Ceux dont la dette et les déficits sont élevés (et bien souvent augmentent) présentent les besoins les plus pressants d’ajustement. Mais tous les pays émergents dont la marge de manœuvre budgétaire s’est rétrécie ou a disparu devraient commencer à la reconstituer.
Les vulnérabilités budgétaires préoccupent aussi dans les pays à faible revenu en raison du repli éventuel des cours des matières premières et de l’aide. Dans beaucoup de ces pays les gouvernements vont devoir définir des sources alternatives de recettes et améliorer l’efficience de la dépense — y compris par le biais de la réforme des subventions à l’énergie.
Repenser la fiscalité
La deuxième partie du Moniteur des finances publiques examine le comportement des systèmes fiscaux dans le monde, les défis et les perspectives à venir et ce qui ressort en la matière des travaux d’étude les plus récents.
Selon le rapport des services du FMI, les mesures fiscales adoptées depuis le début de la crise ne se démarquent pas par leur qualité. «Les considérations tactiques ont été prédominantes, et trop souvent les gouvernants ont fait entorse au principe bien établi selon lequel il faut élargir l’assiette fiscale avant de procéder à une augmentation des taux d’imposition», a déclaré Michael Keen, Directeur adjoint du Département des finances publiques du FMI. «Par ailleurs, les occasions n’ont pas été saisies de mettre à profit la fiscalité pour faire face aux externalités et réduire les distorsions».
Des progrès ont été réalisés dans la fiscalité du secteur financier, plusieurs pays ayant adopté des prélèvements bancaires du type proposé par le FMI. Cependant, l’évolution vers une tarification efficace du carbone — que le FMI continue de juger cruciale face au changement climatique — a à peine commencé. En outre, les pays émergents et en développement continuent de s’appuyer sur les vastes recettes exceptionnelles tirées des ressources naturelles pour accroître les dépenses publiques, même si ces recettes se sont révélées être volatiles. Les possibilités de mobilisation davantage de recettes varient certes considérablement d’un pays à l’autre, mais le rapport conclut que presque tous pourraient et devraient imposer mieux. Il recommande par ailleurs de définir d’abord les lacunes puis de les combler dans la conception et la mise en œuvre des politiques et invite les gouvernements à insister davantage sur les impôts qui seront les plus propices à la croissance.
L’équité des systèmes fiscaux est également un thème de réflexion, ainsi que le montre le regain d’attention que reçoivent les montages fiscaux complexes qu’utilisent les multinationales pour réduire leurs obligations fiscales. De manière plus générale, les systèmes fiscaux sont devenus moins progressifs et les inégalités se sont intensifiées durant les dernières décennies. Le Moniteur des finances publiques examine les données sur la réaction des très hauts revenus à l’augmentation des taux d’imposition, et conclut que dans beaucoup de cas il est possible de mobiliser davantage de recettes en augmentant les taux d’imposition des tranches supérieures de revenu. S’agissant des impôts sur le patrimoine, les données disponibles mettent en évidence que les recettes potentielles sont très élevées, mais l’expérience passée montre que pour qu’elles se matérialisent il faut agir avec fermeté à l’égard des traitements particuliers. Le rapport est encore plus explicite lorsqu’il conclut que la fiscalité foncière demeure sous-utilisée dans bien des pays, alors qu’elle offre souvent la possibilité d’être plus propice à la croissance et qu’elle est plus progressive que d’autres prélèvements.
Les réformes fiscales durables sont le plus souvent appliquées dans des conjonctures économiques favorables, lorsque l’essor des recettes peut servir à dédommager les groupes lésés par la réforme. Compte tenu de la récente langueur de la croissance, les gouvernements ont fort à faire pour assurer l’équilibre des choses. La transparence, ainsi qu’une vaste consultation et une communication efficace peuvent contribuer à mobiliser le soutien politique. Mais pour mobiliser davantage de recettes, les contribuables doivent être convaincus que les fonds seront utilisés à bon escient, ce qui exige des réformes effectives pour accroître l’efficience des dépenses.