Dialogue FMI- Jeunes Compte rendu de la table ronde tenue à l'American University de Sharjah (EAU)
Le 11 mars 2010Lors de la table ronde organisée dans le cadre du dialogue FMI-Jeunes, une quinzaine d'étudiants de l'American University de Sharjah dans les Émirats arabes unis (EAU) ont fait part de leurs points de vue sur toute une série de questions économiques. Les étudiants ont pris une part active à un débat sur le chômage, la gouvernance, le décalage entre la formation qu'ils ont reçue et les qualifications demandées par les employeurs, la compétitivité, le développement du secteur privé et le rôle du FMI.
Les étudiants ont cité la mise en valeur du capital humain comme grande priorité des décideurs dans les Émirats arabes unis. Ils ont débattu longuement des avantages et des inconvénients de l'émiratisation, c'est-à-dire l'ensemble de politiques publiques visant à atténuer l'impact du recours à une main-d’œuvre étrangère sur les possibilités d'emploi pour les travailleurs locaux. De l'avis de l'un d'entre eux, l'émiratisation est un facteur d’inefficience sur le marché du travail en raison du décalage entre les qualifications demandées par les employeurs et les compétences des travailleurs nationaux. Cela peut fonctionner en période d'expansion, a-t-il ajouté, mais, en période de ralentissement économique, c’est trop coûteux et oblige les entreprises à fermer.
Une étudiante a fait observer que le monde arabe devrait créer 100 millions d'emplois au cours des vingt prochaines années pour satisfaire la demande d'emplois des jeunes. Ces dernières années, a-t-elle ajouté, le schéma de développement économique des EAU s'est concentré essentiellement sur les activités du secteur privé, telles que le bâtiment et le tourisme, qui créent surtout des emplois peu qualifiés à long terme. La priorité du gouvernement devrait au contraire consister à créer des emplois hautement qualifiés dans les EAU par le biais d'efforts concertés du monde universitaire, du gouvernement et des employeurs.
Un autre étudiant a souligné qu'il était aussi indispensable d'accroître le taux d'activité des femmes, en faisant observer que le nombre d'hommes dans l'enseignement post-secondaire était en baisse et que ceux-ci ne représentaient que 19 % de l'ensemble du corps étudiant des EAU, contre 81 % de femmes. Or, sur le marché de l'emploi, les proportions sont inversées : 19 % seulement des femmes émiraties recherchent activement un emploi. La mise en valeur du capital humain a donc bien lieu, mais elle ne sert à rien.
Le gouvernement a pris des mesures pour ouvrir davantage le marché de l'emploi aux femmes, en allongeant par exemple le congé de maternité et en adoptant des conventions internationales sur l'égalité des chances, a fait observer cet étudiant. Mais il faut aller plus loin, en adoptant des politiques qui autorisent le travail à domicile et en assouplissant les horaires de travail hebdomadaire. C'est aussi l'avis d'autres étudiants, qui estiment dépassées les lois rigides des EAU obligeant les travailleurs à être présents physiquement sur leur lieu de travail. Cependant, ils sont conscients que les barrières culturelles, qui mettront du temps à évoluer, font encore obstacle à une plus grande présence des femmes sur le marché de l'emploi.
Les étudiants ont aussi eu un débat animé sur le rôle du FMI dans la crise financière mondiale. Selon une étudiante, le FMI a le mérite d'avoir joué un rôle central dans la lutte contre la crise et de n'avoir ménagé aucun effort pour remplir sa mission essentielle, qui est d'aider à stabiliser l'économie mondiale. Elle a aussi noté que le FMI avait plus que doublé son aide aux pays à faible revenu. Mais le FMI doit accomplir un travail de pédagogie auprès des pays membres afin d’expliquer le fonctionnement des marchés de capitaux, a-t-elle souligné, et instituer davantage de mécanismes pour en responsabiliser les intervenants.
Un autre étudiant a évoqué l'importance du rôle du FMI dans la promotion de la transparence, par exemple au moyen de sa norme spéciale de diffusion des données, que les pays utilisent pour fournir volontairement des données économiques et financières sur leur économie. Le FMI devrait jouer le rôle d'intermédiaire entre les pays pour que les informations concernant les marchés soient plus facilement accessibles, a précisé cet étudiant, en soulignant que «le FMI doit faire comprendre aux gouvernements qu’ils ne sont pas simplement responsables de leur propre secteur financier, mais aussi du secteur financier de l'ensemble de l'économie mondiale».
Les étudiants ont aussi soulevé la question de la politique d'immigration. L'un d'entre eux a fait valoir que les personnes qui viennent dans les EAU devraient avoir d'autres motivations que le seul désir de gagner de l'argent. Les gens doivent être encouragés à s'installer véritablement dans le pays afin de se sentir concernés par ce qui s’y passe. Selon cet étudiant, pour remédier au problème de demande auquel se heurte le secteur de l'immobilier, on pourrait peut-être commencer par repenser la politique d'immigration.
Plus fondamentalement, ont observé des étudiants, Dubaï doit choisir entre une croissance rapide et une croissance soutenable. Le pays essaie, en pleine crise, de financer de grands projets immobiliers. «Pourquoi financer la construction d'un hôtel alors qu'il y a des besoins plus pressants, comme l'aide à l'éducation des jeunes?», s'est demandé un étudiant. «Dubaï voudrait connaître une croissance exponentielle, mais cela hypothèque les sources de la croissance de demain pour les générations futures».