Dans le monde en développement, le dynamisme de la recherche face à des ressources limitées offre de précieuses perspectives mondiales
Pendant trop longtemps, les institutions occidentales ont façonné la recherche empirique et les recommandations de politiques. Les auteurs situés dans les pays en développement ont une empreinte bien trop faible dans les revues économiques de premier plan. Ils ne comptent que pour 7 % des articles dans les 10 principales revues de la profession, bien que le poids cumulé de leurs pays dans l’économie mondiale soit supérieur à 60 % (mesuré par leur part de PIB mondial à parités de pouvoir d’achat). La représentation des femmes parmi les économistes est encore plus faible sur tous les fronts.
Même lorsque les travaux sont publiés, les faire connaître reste un véritable défi. Promouvoir la recherche dans les cercles universitaires est une chose, lui apporter une plus large audience en est une autre. Traduire les résultats de la recherche en actions tangibles requiert des interactions soutenues avec les dirigeants et le public — un processus exigeant qui entre en conflit avec le temps et les ressources limités des chercheurs. Cela crée un équilibre précaire : alors que les chercheurs sont pressés de produire de nouvelles études, la tâche cruciale qui consiste à faire en sorte que les travaux existants influent sur les politiques publiques pâtit souvent d’un manque de financement et de considération.
Pertinence mondiale
Les travaux de recherche empirique produits dans les pays en développement ne présentent pas seulement un intérêt local, mais ils apportent également des connaissances essentielles pour relever les défis mondiaux. De l’adaptation au climat au règlement des conflits, les problèmes mondiaux urgents se manifestent d’abord vivement dans les régions en développement.
Par exemple, il est communément admis que le système bancaire formel est la meilleure voie vers l’inclusion financière. Pourtant, la recherche empirique dans les pays en développement a révélé que les groupes d’épargne informels et les paiements par téléphone mobile étaient parfois plus aptes à répondre aux besoins locaux. De même, alors que de nombreuses politiques de l’éducation visent à construire de nouvelles écoles, des études locales ont montré que, dans certains contextes, fournir des bicyclettes ou améliorer l’accès aux toilettes pour faciliter l’hygiène menstruelle pouvait être plus efficace pour améliorer la fréquentation scolaire.
Cette connaissance spécifique du terrain est essentielle pour l’efficacité de l’action politique. Lorsque les politiques sont conçues à partir d’éléments concrets, elles ont plus de chances de réussir. Par ailleurs, les chercheurs locaux ont accès aux communautés et au terrain, ce qui conduit à des points de vue plus riches et plus précis.
Au-delà de l’amélioration de la conception des politiques, la recherche empirique menée dans les pays en développement peut faire progresser les théories économiques. Elle nous permet de mettre à l’épreuve l’universalité des principes économiques et de découvrir de nouveaux mécanismes qui pourraient être moins visibles dans les pays développés. Cette diversité d’éléments probants et de points de vue renforce l’ensemble du champ économique, le rendant plus solide et plus pertinent au niveau mondial.
Femmes économistes
Les femmes économistes représentent les femmes du monde entier, soit près de la moitié de la population mondiale, et souvent, elles apportent des idées et abordent des thèmes importants qui ont toujours été trop peu explorés. En tant qu’économistes, elles se heurtent à des obstacles supplémentaires, naviguant entre contraintes institutionnelles et défis liés au genre.
De l’accès limité à l’éducation supérieure et au marché du travail à la conciliation de la vie professionnelle avec la maternité, elles se heurtent à des obstacles considérables pour produire en temps opportun des travaux de recherche sérieux et compétitifs, traitant souvent de sujets qui affectent directement la vie des femmes et améliorent leur niveau de vie. De nombreuses économistes sont des militantes et des activistes s’appuyant sur le raisonnement économique pour plaider en faveur d’un monde plus équitable, une cause qui reste plus que jamais cruciale.
L’initiative « Women in Leadership in Economics » de l’International Economic Association (IEA-WE) vise à amplifier la voix des femmes économistes et à les aider à surmonter certains des obstacles auxquels elles sont confrontées. Depuis sa création, en 2023, le projet a soutenu la recherche et facilité la publication d’articles sur un large éventail de thèmes et d’idées qui ont rarement été explorés par le passé.
Ces articles, qui traitent des incidences sociétales de la dette souveraine sur les personnes âgées aussi bien que des effets des épisodes de chaleur extrême sur les défauts de paiement des entreprises, mettent en valeur le travail important que les femmes économistes effectuent dans leur pays respectif et favorisent une image de l’économie mondiale plus inclusive. En mettant ces recherches en lumière, l’IEA-WE espère inciter davantage de jeunes femmes à poursuivre des carrières dans l’économie et les politiques publiques.
Nous sommes heureux de nous associer à F&D pour vous présenter des entretiens avec quatre économistes de renom : Marcela Eslava, Ipek Ikkaracan, Rose Ngugi et Rumana Huque. Leurs travaux novateurs remodèlent le discours économique dans leur région respective. Par leurs recherches, leurs connaissances et leurs expériences vécues, ces chercheuses remarquables offrent des perspectives inestimables qui nous permettent d’approfondir la compréhension des défis économiques mondiaux et de leurs solutions.
Les opinions exprimées dans la revue n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique du FMI.