La Guinée-Bissau met la chaîne de blocs au service de la transparence budgétaire

le 2 octobre 2024

Afin d’améliorer la gestion de la masse salariale de son secteur public, la Guinée-Bissau a adopté la technologie de la chaîne de blocs, sous la forme d’un mécanisme numérique sécurisé permettant d’effectuer un suivi et des rapports sur les dépenses consacrées à la masse salariale de la fonction publique

Petite nation située sur la côte occidentale de l’Afrique, la Guinée-Bissau a fait un bond de géant dans le futur. En mai 2024, dans le cadre de son programme appuyé par le FMI au titre de la facilité élargie de crédit (FEC), le pays a lancé une plateforme basée sur la chaîne de blocs conçue pour révolutionner la gestion de la masse salariale de son secteur public. Après quatre ans de collaboration avec le FMI et avec le partenaire technologique Ernst & Young, et grâce à l’appui financier de plusieurs partenaires, la Guinée-Bissau passe à la mise en œuvre de cette nouvelle technologie. Cette initiative, l'une des premières de ce type en Afrique, représente une avancée spectaculaire en vue d’une amélioration de la gouvernance et de la transparence en matière de finances publiques. Elle souligne la détermination du pays à remédier aux problèmes de gouvernance et à améliorer la prestation des services publics.

La rédaction des Focus-pays du FMI s’est entretenue avec le chef de mission pour la Guinée-Bissau, Jose Gijon, et la responsable du projet basé sur la chaîne de blocs, Concha Verdugo Yepes, à propos de cet outil innovant.

En quoi consiste la nouvelle plateforme de la Guinée-Bissau basée sur la chaîne de blocs ?

Concha Verdugo Yepes : Cette plateforme propose un registre numérique sécurisé et transparent pour la gestion des données relatives à la masse salariale du service public qui permet d’assurer un suivi des conditions d’admissibilité aux salaires et aux retraites, de leur budgétisation, des approbations de paiement ainsi que des versements de salaires et de retraites, le tout quasiment en temps réel. Elle améliore sensiblement l’intégrité des données et aide à la production en temps voulus de rapports budgétaires à l’attention des décideurs et du grand public. Il s’agit de l’une des premières plateformes d’Afrique subsaharienne à utiliser la technologie de la chaîne de blocs pour optimiser les opérations des administrations publiques, plus particulièrement dans la gestion des salaires et des retraites.

Concrètement, la plateforme fonctionne grâce à la technologie de la chaîne de blocs, qui est un registre virtuel. Ce registre stocke et échange des informations en toute sécurité de sorte qu’elles ne peuvent pas être modifiées. Chaque opération est enregistrée quasiment en temps réel sur un registre inviolable. La solution fondée sur la chaîne de blocs détecte les écarts et déclenche des alertes en cas d’incohérences dans les informations relatives aux salaires. Elle simplifie aussi la réalisation des rapports de vérification et des opérations de rapprochement, en plus d’alimenter des modèles d’intelligence artificielle (IA) avec des données fiables, actualisées et de haute qualité.

La solution n’a pas encore été intégrée à des modèles d’IA, mais elle dispose des données nécessaires pour entraîner des modèles d’IA prédictifs à établir des éléments essentiels à la prise de décisions, en estimant par exemple les paiements erronés ou mal aiguillés. L’avènement de l’IA générative pourrait entraîner de nouveaux progrès liés à l’analyse de données et à d’autres domaines.

En quoi la plateforme bénéficie-t-elle à la Guinée-Bissau et à ses habitants ?

Jose Gijon : Le programme appuyé par la FEC et la solution fondée sur la chaîne de blocs jouent un rôle primordial dans l’amélioration de la stabilité budgétaire et économique de la Guinée-Bissau.

Au début de la conception du projet, en 2020, la masse salariale représentait 84 % des recettes fiscales, soit le ratio le plus élevé de la région. Autrement dit, pour 100 dollars d’impôts recouvrés, 84 dollars étaient dépensés en salaires. Aujourd’hui, cette proportion a été ramenée à 50 %, un ratio qui représente une amélioration considérable mais qui reste élevé au regard des critères de convergence budgétaire de l’Union économique et monétaire ouest-africaine, en vertu desquels les salaires ne doivent pas dépasser 35 % des recettes fiscales. La solution de la chaîne de blocs épouse les priorités des pouvoirs publics du pays consistant à améliorer la transparence et la gouvernance des finances publiques, conformément au programme appuyé par le FMI.

De façon plus globale, cette initiative contribuera à améliorer la responsabilisation et à réduire la perception de la corruption au sein des pouvoirs publics, ce qui aidera à renforcer la confiance accordée aux institutions budgétaires. En améliorant et en automatisant la gestion des salaires, elle améliorera l’efficience des opérations des administrations publiques. De plus, en détectant des incohérences dans les informations relatives aux salaires, elle émettra des alertes de fraude potentielle.

Quelles sont les prochaines étapes de l’initiative fondée sur la chaîne de blocs de la Guinée-Bissau ?

Concha Verdugo Yepes : L’équipe chargée de la chaîne de blocs a déjà commencé à étendre le projet à d’autres ministères et agences de la Guinée-Bissau. D’ici à novembre 2024, la plateforme numérique pourrait être en mesure de tracer les informations de l’ensemble des 26 600 agents et 8 100 retraités de la fonction publique du pays. Les principaux objectifs du projet sont de continuer à améliorer la transparence de la gestion de la masse salariale ainsi que de veiller à ce que les fonctionnaires publics ne soient engagés que s’ils y sont habilités par le cadre réglementaire de la Guinée-Bissau, à ce que tous les paiements de salaires soient dûment budgétisés et approuvés, et à ce que les paiements en faveur des fonctionnaires publics soient traçables.

Le FMI et ses partenaires restent déterminés à aider la Guinée-Bissau à déployer cette technologie dans d’autres ministères. Cette collaboration continue met en exergue l’ambition partagée d’améliorer la gouvernance et de promouvoir un développement économique durable dans la région. L’histoire de la Guinée-Bissau ne saurait se résumer à un exemple de progrès technologique. Elle illustre aussi le pouvoir de la collaboration, de la capacité d’adaptation et de la vision d’un avenir meilleur.