Groupe intergouvernemental des vingt-quatre pour les questions monétaires internationales et le développement
le 19 avril 2022
1. Nous sommes profondément attristés par les pertes humaines et matérielles tragiques que connaît l’Ukraine. Nous soutenons fermement les efforts que déploie la communauté internationale pour apporter une aide humanitaire et rétablir la paix et la stabilité, et constatons que cette crise exacerbe les risques qui pèsent sur la reprise économique mondiale et la compromettent.
2. La pandémie a imposé des coûts énormes. La reprise mondiale continue de se heurter à de nombreux obstacles, et les perspectives de croissance sont de plus en plus divergentes et incertaines. On estime que dans de nombreux pays émergents et pays en développement, la croissance du PIB à moyen terme devrait être inférieure à son niveau d’avant la pandémie. Les investissements destinés à stimuler la reprise sont fortement entravés par une marge de manœuvre budgétaire limitée et une aggravation des vulnérabilités liées à la dette. L’augmentation des pressions inflationnistes dues à la montée en flèche des prix des denrées alimentaires, de l’énergie et des produits de base, ainsi que les perturbations des approvisionnements, des échanges internationaux et des marchés financiers provoquées par la pandémie et le conflit, aggravent les pertes de production et les inégalités. Il est urgent d’agir au niveau international pour éviter que les pays vulnérables et les ménages les plus pauvres subissent une crise alimentaire voire une crise de la faim, et que les pays émergents et les pays en développement très endettés connaissent de grandes difficultés financières. Il faut prêter une attention particulière à l’effet des flux de réfugiés et des personnes déplacées dans leur propre pays. Une étroite coopération multilatérale est essentielle pour préserver des échanges multilatéraux fondés sur des règles, assurer la sécurité alimentaire et énergétique, protéger la stabilité financière et fournir un financement accru et pérenne aux pays en développement.
3. Nous appelons la communauté internationale à réagir d’urgence et plus résolument afin d’améliorer l’accès aux vaccins contre la COVID-19 et leur distribution, en particulier dans les pays à faible revenu. Tous les pays doivent œuvrer pour surmonter les obstacles du côté de l’offre en facilitant les flux transfrontaliers de vaccins et de traitements en temps voulu et en partageant les technologies de façon à stimuler leur production. Les pays avancés devraient allouer des financements suffisants au dispositif pour accélérer l’accès aux outils de lutte contre la COVID‑19 (Accélérateur ACT) et au mécanisme COVAX pour atteindre l’objectif mondial d’une couverture vaccinale de 70 % de la population dans tous les pays d’ici au milieu de 2022. Nous nous félicitons de ce que le Groupe de la Banque mondiale a lancé un programme de financement des vaccins à hauteur de 20 milliards de dollars, a noué des partenariats avec COVAX et l’Union africaine, et aide à la création de capacités de production de vaccins dans les pays émergents et les pays en développement. Il est fondamental de mettre en place une initiative mondiale équitable dotée de ressources adéquates pour se préparer aux pandémies et y réagir.
4. Nous sommes préoccupés par les risques accrus qui pèsent sur la stabilité financière et menacent de perturber la reprise économique. Pour gérer la levée des mesures macroéconomiques accommodantes, les décideurs doivent trouver un juste équilibre entre maîtriser la poussée inflationniste et soutenir la reprise économique. Une hausse plus rapide que prévu des taux d’intérêt dans les pays avancés risque de provoquer une augmentation mondiale des taux et d’entraîner des sorties de capitaux depuis les pays en développement, réduisant ainsi l’accès aux marchés financiers et accroissant les vulnérabilités liées à la dette. Nous engageons le FMI à rester vigilant en veillant à ce que ses activités de surveillance bilatérale et multilatérale tiennent compte des répercussions et à fournir en temps voulu des conseils et un soutien technique adaptés aux pays membres. La croissance rapide des fintech et des actifs numériques est susceptible de rendre plus efficients les paiements transfrontaliers mais comporte également des risques, en particulier dans les pays émergents et les pays en développement. C’est dans ce contexte que certains pays envisagent d’émettre des monnaies numériques de banque centrale (MNBC) qui ouvrent des possibilités mais présentent aussi des défis au niveau international. Il est fondamental d’accompagner les pays émergents et les pays en développement dans leur transition numérique pour éviter une fracture numérique. Nous prions instamment le FMI d’analyser les conséquences de la dématérialisation des systèmes de paiement et des mouvements de capitaux internationaux à mesure que l’adoption des actifs et des monnaies numériques s’accélère, afin d’aider les pays à atténuer les risques.
5. Compte tenu de ces éléments, nous continuerons de renforcer le dosage de mesures destinées à assurer la stabilité financière en fonction de la situation particulière propre à chacun de nos pays. Nous nous félicitons que le rôle des mesures préventives macroprudentielles et de flux de capitaux pour gérer les entrées de capitaux soit reconnu dans la nouvelle version de la vision institutionnelle du FMI sur la libéralisation et la gestion des mouvements de capitaux, tout en considérant qu’elles ne peuvent dispenser de mettre en place de solides paramètres fondamentaux et des ajustements macroéconomiques justifiés. Il importera ensuite d’élargir l’analyse et les conseils afin d’inclure des mesures préventives relatives aux sorties de capitaux. De plus, nous encourageons le FMI à développer davantage ses travaux en vue d’aider les pays membres à remédier aux facteurs de vulnérabilité de l’économie afin de renforcer la résilience et d’éviter de recourir de façon excessive à des mesures de flux de capitaux.
6. Nous insistons sur la nécessité de disposer d’un solide dispositif mondial de sécurité financière, avec en son centre un FMI doté de ressources suffisantes et reposant sur un système de quotes-parts. Dans le cadre de son mandat, le FMI devrait continuer d’adapter ses conseils et ses instruments de prêt pour répondre aux besoins variés des pays émergents et des pays en développement et réagir aux multiples chocs mondiaux. Nous saluons l’utilisation accrue des mécanismes de prêt d’urgence du FMI en temps voulu, qui a permis d’assurer un soutien vital dans la lutte contre la pandémie. Nous attirons l’attention sur le rôle des instruments de financement de précaution qui aident les pays admissibles à faire face aux risques extérieurs extrêmes. Nous nous félicitons de la stratégie du FMI qui consiste à faire preuve de souplesse en adaptant son assistance aux États fragiles en tenant compte des facteurs de fragilité, des contraintes qui pèsent sur les capacités et les réformes et de leurs besoins particuliers de financements. Une forte adhésion des pays aux stratégies d’accompagnement des États fragiles sera fondamentale pour mettre en œuvre efficacement ces stratégies.
7. Nous invitons le FMI à revoir d’urgence ses sources de revenus, composées essentiellement des revenus tirés des prêts et notamment des commissions additionnelles. Le FMI devrait déterminer la répartition adéquate des charges entre ses pays membres afin d’assurer la fourniture pérenne d’un bien public mondial. C’est dans ce contexte que nous l’appelons à corriger le caractère régressif et procyclique de ses règles relatives aux commissions additionnelles. Enfin, il devrait envisager de suspendre ou de réduire sensiblement, à titre temporaire, ses commissions additionnelles afin d’aider les pays soumis à de graves contraintes de balance des paiements.
8. Nous invitons le FMI à définir clairement des résultats à atteindre assortis d’un calendrier de façon à achever en temps voulu la 16 e révision générale des quotes-parts, au plus tard le 15 décembre 2023. Nous préconisons une augmentation des ressources tirées des quotes-parts afin que le FMI soit doté de ressources suffisantes et soit moins tributaire de ressources empruntées à titre temporaire afin de renforcer sa capacité de prêt en temps de crise. Faute d’une augmentation des quotes-parts, l’enveloppe de ressources du FMI diminuera fortement à mesure que les accords d’emprunts temporaires arrivent à expiration, à l’heure où les pays en développement risquent d’avoir des besoins importants de liquidité, ce qui pourrait mettre en péril l’efficacité et la crédibilité du FMI. Nous appelons à une révision de la formule de calcul des quotes-parts qui redéploie davantage les quotes-parts des pays avancés au profit des pays émergents et des pays en développement dynamiques, étant donné leur poids croissant dans l’économie mondiale. Le réalignement des quotes-parts doit protéger les quotes-parts de tous les pays membres admis à bénéficier du fonds fiduciaire RPC et de tous les petits pays en développement, et ne doit pas avoir lieu au détriment d’autres pays émergents et pays en développement. La 16e révision générale des quotes-parts devrait intensifier les réformes de la gouvernance afin d’accroître la participation et la représentation des pays émergents et des pays en développement au conseil d’administration du FMI, notamment en attribuant un troisième siège à l’Afrique subsaharienne, sans porter préjudice aux sièges d’autres pays émergents et pays en développement.
9. L’allocation de 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS) en 2021 a opportunément dopé les liquidités mondiales. Nous nous félicitons de la création du fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité (fonds fiduciaire RD) qui permet d’affecter volontairement des DTS aux pays qui en ont besoin. Nous invitons le FMI à faire en sorte que ce fonds fiduciaire RD soit opérationnel d’ici l’assemblée annuelle de 2022 et à travailler en étroite collaboration avec le Groupe de la Banque mondiale pour le mettre en œuvre. Nous nous félicitons de l’objectif mondial de redéployer volontairement 100 milliards de dollars de DTS inutilisés en faveur des pays en développement qui manquent de liquidités et encourageons vivement de nouveaux engagements afin d’atteindre cet objectif. Nous demandons au FMI de faire en sorte que l’appui apporté par le fonds fiduciaire RD couvre la vaste panoplie de réformes et de mesures structurelles qui s’imposent dans les pays en développement afin d’accroître leur résilience et la viabilité future de leur balance des paiements en leur allouant le volume de financements à moyen terme nécessaire à cet effet. Nous appelons à renforcer les ressources du fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et la croissance (fonds fiduciaire RPC), y compris par un redéploiement de DTS, et engageons les pays donateurs à fournir les ressources de bonification nécessaires pour assurer son efficacité et sa viabilité.
10. Le Groupe de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement devraient s’appuyer sur la solidité de leur bilan, dans toute la mesure du possible, pour renforcer leur capacité de prêt tout en préservant leur prudence et leur résilience financières. Les financements accrus des banques multilatérales de développement doivent être inscrits dans la durée afin de soutenir les investissements publics énormes et urgents nécessaires pour impulser une reprise après la pandémie, s’attaquer aux principaux facteurs responsables des inégalités, faire face à la crise de l’enseignement et prévenir les séquelles économiques, en particulier à l’heure où les ressources budgétaires sont extrêmement sollicitées. Nous nous félicitons de la vingtième reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement (IDA20) qui a été menée à bien un an à l’avance afin d’aider davantage les pays à faible revenu à faire face aux conséquences sanitaires et économiques de la pandémie. Nous prions instamment le Groupe de la Banque mondiale de trouver des moyens novateurs d’aider les États fragiles qui ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de ses guichets de prêt classiques mais ont été gravement frappés par la pandémie. Nous saluons l’aide financière qu’il a rapidement apportée à l’Ukraine et attendons avec intérêt son aide en faveur d’autres pays touchés par le conflit. Nous engageons le Groupe de la Banque mondiale à consentir des financements concessionnels aux pays en développement qui enregistrent des flux disproportionnés de migrants, de déplacés et de réfugiés, notamment des suites de la crise en Ukraine. Nous appelons de nouveau le FMI et le Groupe de la Banque mondiale à renforcer leurs travaux d’analyse des répercussions sur la situation macroéconomique et le développement des flux de migrants et de réfugiés. De plus, le Groupe de la Banque mondiale devrait élaborer des instruments efficaces afin de faciliter des partenariats public-privé, en particulier dans les infrastructures, qui sont encore très loin de répondre aux attentes. Nous nous félicitons de l’aide qu’apporte le Groupe de la Banque mondiale aux pays pour exploiter le potentiel de la transformation numérique pour le développement.
11. Nous demandons de nouveau au Groupe de la Banque mondiale de définir une stratégie de moyen terme en faveur des pays à revenu intermédiaire, en tenant compte de l’évolution du paysage et de leur situation. De nombreux pays à revenu intermédiaire ont des difficultés à transformer leur économie de façon à améliorer leurs perspectives de croissance à moyen terme et réduire les niveaux élevés de pauvreté et d’inégalités. Pour mieux redémarrer après la contraction de l’économie, ils devront réaliser des réformes et des investissements publics considérables dans des infrastructures durables, le développement humain et la protection sociale. Le Groupe de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement doivent jouer un rôle accru dans le financement du développement en faveur des pays à revenu intermédiaire et faciliter les transferts de savoirs.
12. Le fardeau de la dette des pays émergents et des pays en développement a fortement augmenté depuis deux ans, essentiellement du fait d’une baisse des recettes budgétaires et d’une hausse des dépenses publiques pour faire face à la pandémie. Il est urgent de prêter attention aux risques liés à la dette pour éviter que les pays très endettés entrent en détresse économique. Nous nous félicitons des avancées en matière de transparence de la dette, avec le concours du FMI et du Groupe de la Banque mondiale, en particulier dans les pays à faible revenu. L’ensemble des acteurs, y compris les créanciers privés, devraient collaborer pour la renforcer. Nous appelons à des mesures visant à mettre en œuvre de façon rapide, ordonnée et coordonnée le cadre commun du G20 pour le traitement de la dette, accroître la participation des créanciers privés et remédier aux effets procycliques des notations du crédit souverain. Pour remédier au surendettement, il faudra accroître le financement du développement, en particulier à des conditions concessionnelles. Par ailleurs, nous préconisons d’aider davantage les pays émergents et les pays en développement à relever les défis du développement et répondre à leurs besoins en la matière au sein d’une architecture financière internationale efficace. Nous saluons les progrès enregistrés dans la stratégie pluridimensionnelle, en particulier la mise en œuvre des mesures de performance et de politique publique dans les pays IDA. Nous engageons le FMI et le Groupe de la Banque mondiale à poursuivre leur soutien au renforcement des capacités de gestion de la dette et des dépenses publiques et de mobilisation des ressources intérieures.
13. Nous invitons de nouveau la communauté internationale à s’engager à accélérer les mesures mondiales de lutte contre la menace des changements climatiques, en respectant les principes d’équité, des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives inscrits dans la Convention-cadre sur les changements climatiques et l’Accord de Paris. Le soutien à des trajectoires de développement à faible émission de gaz à effet de serre doit créer, et non pas freiner, les possibilités d’une croissance inclusive, d’une meilleure reprise et d’une protection des populations les plus vulnérables, et jouer ainsi un rôle significatif dans la réalisation des ODD et des objectifs climatiques mondiaux. Pour atteindre ces objectifs, il faudra réaliser des investissements énormes dans des infrastructures durables, la transition énergétique, l’adaptation et l’inversion de la perte de biodiversité, autant de mesures qui obligeront les pays développés à proposer aux pays en développement des financements accrus à long terme, durables et abordables, en particulier sous forme de dons, ainsi que des transferts de technologie et davantage d’assistance technique.
14. À la 26e Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26), les pays en développement ont exhorté la communauté internationale à s’engager plus fermement à accroître le financement de l’action climatique et améliorer sa qualité. Le financement des investissements dans l’action climatique est très inférieur aux besoins actuels et futurs, alors que les déficits de financement sont amplifiés par des contraintes budgétaires pressantes et le coût élevé et croissant du capital pour les pays en développement. Dans un premier temps, nous appelons les pays développés à tenir leur engagement à fournir 100 milliards de dollars par an au titre du financement de l’action climatique pour apporter une aide urgente aux pays en développement et à viser à relever sensiblement cet objectif les années suivantes afin de satisfaire les besoins d’investissement. Ensuite, la COP27 devrait s’efforcer d’accélérer la mise en œuvre d’un programme ambitieux de financement de l’action climatique, d’adopter un processus de suivi du respect des engagements financiers et de trouver les moyens de combler les besoins de financement en fonction des besoins. Il faudrait considérablement accroître les financements à des conditions concessionnelles et le financement de l’adaptation, et intégrer le principe du financement climatique des pertes et préjudices. Il faudrait en outre étudier des instruments financiers novateurs, en respectant le principe de responsabilité commune mais différenciée. Il est également fondamental d’augmenter les financements du Groupe de la Banque mondiale et d’autres banques multilatérales de développement et de mobiliser des capitaux privés importants pour parvenir à un développement inclusif et durable. Les initiatives en faveur du climat lancées par le Groupe de la Banque mondiale et les banques multilatérales de développement doivent être conformes aux contributions déterminées au niveau national. Elles doivent veiller à ce que les rapports nationaux sur le climat et le développement (CCDR) soient bien repris à leur compte par les pays. L’initiative des banques multilatérales de développement en faveur du climat pour parvenir à un développement durable doit garantir l’accès à l’énergie et la sécurité énergétique.
15. Les changements climatiques et l’appauvrissement de la biodiversité sont deux défis mondiaux majeurs étroitement liés. Durant la deuxième phase de la COP15 sur la biodiversité, nous attendons avec intérêt l’adoption par la Convention sur la diversité biologique d’un cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 ambitieux, pragmatique et équilibré afin et de freiner et d’inverser la perte mondiale de biodiversité.
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