Allocution de la Directrice générale lors de la réunion ministérielle virtuelle du Forum arabe sur les finances publiques

le 16 novembre 2021

Pour publication immédiate

As-Salaam-Alaikum! Excellences,

Je suis très heureuse d’avoir cette occasion de me joindre à vous aujourd'hui. Je tiens à exprimer ma reconnaissance en particulier au Dr Al-Hamidy pour notre excellente coopération au cours de cette année difficile que nous vivons tous. Je m'engage à approfondir cette collaboration pour que nous puissions trouver ensemble les bonnes réponses aux questions qui se posent à nous. 

Permettez-moi d’évoquer tout d’abord la situation de l'économie mondiale aujourd’hui et notre vision des perspectives de croissance, ainsi que la façon dont se présentent ces perspectives dans le monde arabe.

La bonne nouvelle est que la reprise se poursuit et repose sur des fondements qui   demeurent solides. Comme vous le savez, nous prévoyons pour le monde une croissance   de 5,9 % cette année et pour le monde arabe une croissance de 4,4 % pour 2021 et 4,5 % pour 2022.

Pourquoi jugeons-nous solides les fondements de la reprise ?

Premièrement, en raison du remarquable succès avec lequel la science a su fournir les vaccins et des taux de vaccination qui ne cessent d’augmenter dans nombre de pays.

Deuxièmement, en raison des extraordinaires mesures de soutien prises par les pouvoirs publics, qui ont permis aux entreprises et aux ménages de traverser une grave récession   totalement inédite et de détenir ensuite les capacités nécessaires pour redynamiser l’économie mondiale. 

Mais l'histoire ne s’arrête pas là. 

Nous devons reconnaître en toute objectivité que les risques de détérioration sont dominants et que les incertitudes quant au coût de la pandémie et de la reprise sont fortes. En outre, de nouveaux problèmes très graves sont apparus ces derniers mois.

Au milieu de l'an dernier, nous avions identifié le problème de la divergence, due essentiellement à ce moment-là à la disponibilité d’espace budgétaire. Malheureusement, cette divergence s’est accentuée, compte tenu des différences dans l’accès aux vaccins et le rythme de vaccination, ainsi que dans la capacité à continuer d’utiliser la marge de manœuvre pour maintenir les mesures de soutien.

Dans le monde arabe, nous avons vu un grand nombre de vos pays très bien réussir, en particulier les pays du Conseil de coopération du Golfe et le Maroc, en termes de vaccination et d'ouverture de leurs économies. Et nous avons vu de remarquables mesures prises par les pouvoirs publics pour tirer le meilleur parti de l'espace budgétaire. Mais nous voyons également des pays du monde arabe accuser un retard, ce qui est particulièrement inquiétant pour les États fragiles et touchés par un conflit.

Cette divergence alimente une inadéquation croissante entre la demande qui explose dans les pays et les secteurs où la reprise est plus rapide et l’offre qui n’arrive pas encore à  rattraper son retard.

Malheureusement, cette divergence signifie également des interruptions des chaînes d'approvisionnement. Même dans les pays où la vaccination est très répandue, nous voyons l'impact de cette pandémie qui fait des ravages dans le monde entier, déclenchant l’instauration de mesures de restriction temporaires. Nous venons de le voir très   récemment en Europe.

Avec la désorganisation des chaînes d'approvisionnement, l'inflation devient un phénomène de plus en plus préoccupant. Toutefois, pour le moment, nous pensons qu’elle s’explique essentiellement encore par ce clivage entre l'offre et la demande, ce qui nous laisse espérer qu’elle reculera probablement l'année prochaine.

Mais en cas de maintien de ces perturbations ou de désancrage des anticipations inflationnistes, l'inflation pourrait s’avérer persistante. Et d'autres facteurs font également monter les prix, notamment les phénomènes météorologiques qui ont un impact sur la productivité agricole et contribuent aux tensions sur les prix des denrées alimentaires.

Alors, face à ces trois problèmes – divergences, ruptures des chaînes d’approvisionnement, inflation – quelle est la marche à suivre ?

Je tiens à dire clairement que notre priorité absolue pour la santé de l'économie mondiale demeure la vaccination du monde entier. Il est primordial que nous atteignions les objectifs que nous nous sommes fixés de vacciner 40 % de la population de tous les pays au moins d'ici la fin de cette année et 70 % d'ici le milieu de l'année prochaine, afin d’éradiquer plus énergiquement la pandémie.

Notre priorité suivante pour remédier à ces problèmes interdépendants est d’admettre que la situation d’aujourd'hui est plus difficile pour les décideurs qu’elle ne l’était l'an dernier, car les économies ne sont pas toutes au même point. Il est encore plus fondamental aujourd’hui de déterminer clairement la bonne marche à suivre, adaptée au contexte particulier de chaque pays.

En matière d'inflation, troisième problème que j'ai mentionné, les banques centrales devront rester vigilantes face aux tensions inflationnistes. Comme nous l'avons vu dans un certain nombre de pays, il pourrait s’avérer nécessaire d’envoyer un signal clair et d’adopter une démarche préventive, si les risques de hausse de l’inflation devaient se concrétiser.

Nous n'avons pas encore vu comment l'inflation sera gérée dans les pays avancés ni   quelles voies les grandes banques centrales poursuivront pour la maîtriser. 

Je peux vous dire qu'au FMI, nous sommes très attentifs, nous réfléchissons à des scénarios de politiques monétaire et budgétaire dans les pays avancés et à leurs répercussions éventuelles sur les pays émergents et les pays en développement.

Pourquoi est-ce si important? Parce que nous constatons que même avec un retour de la croissance à un niveau relativement raisonnable, elle ne se traduit pas encore par un vigoureux essor de l'emploi.

Regardons la situation dans les pays arabes. Nous savons que dans toute la région, les jeunes, les femmes, les migrants et les travailleurs peu qualifiés ont été durement touchés. Et, phénomène particulièrement inquiétant pour nombre de pays, il en a été de même pour les petites entreprises, en particulier dans le tourisme et dans d'autres secteurs dont les activités reposent sur de fréquents contacts.

Le chômage n'a régressé que lentement par rapport à son niveau record de 11,6 % atteint l'an dernier. Nous voyons beaucoup de personnes quitter le marché du travail ou abandonner les études. Il s’agit d’un problème alarmant à l’échelle de la région.

Permettez-moi d’esquisser quelques idées sur la meilleure façon de résoudre ces problèmes.

L’architecte irakienne Zaha Hadid disait que son travail avait évolué en un désir de créer des bâtiments « qui se connectent, qui forment un nouveau type de paysage, qui évoluent en symbiose avec ….le mode de vie de leurs habitants ».      

C’est précisément le défi que nous avons à relever : nous devons bâtir un nouveau type de « paysage économique », qui soit inclusif et qui ait une incidence positive sur la vie de tous. 

Les cadres budgétaires à moyen terme sont au cœur de ce nouveau paysage. Ils nous aident à trouver un équilibre durable entre nos besoins immédiats (dépenses courantes consacrées à la santé et à l’aide d’urgence ciblée) et nos objectifs à plus long terme, notamment des investissements porteurs de transformations et la diminution de la dette. Un tel équilibre est fondamental pour limiter le besoin de procéder à des ajustements, faciliter les arbitrages entre différentes mesures et instaurer la confiance avec les marchés et avec les citoyens.  

Cela m’amène au deuxième axe fondamental de ce nouveau paysage : la transparence et la responsabilité, auxquelles nous devons pleinement adhérer pour assurer l’efficience des dépenses, éliminer le gaspillage et éradiquer le fléau de la corruption, et garantir que les mesures de soutien des pouvoirs publics apportent des résultats tangibles aux populations. À cet égard, la communication et le suivi en temps utile de données exactes et accessibles peut considérablement aider à montrer comment les ressources sont recouvrées et à rendre les dépenses visibles à tous les citoyens. Bien entendu, la technologie peut être utile dans ce domaine.           

Je voudrais vous citer trois exemples. En 2018, l’Arabie Saoudite a mis en place l’Etimad, plateforme de gestion des finances publiques, pour regrouper les procédures d’appel d’offres et de passation des marchés et permettre aux entrepreneurs et aux fournisseurs de gérer les demandes en ligne.  

La Jordanie publie régulièrement en ligne les données sur les marchés publics liés à ses dépenses face à la COVID, ainsi que les contrats et les informations relatives à la propriété effective.  

Le portail marocain des réclamations, « Chikaya », a traité 700 000 plaintes émanant du public, un chiffre impressionnant, et la majorité des usagers sont satisfaits, ce qui renforce les fondements de politiques publiques transparentes et responsables.  

À l'heure actuelle, où chaque centime compte, cela renforce également l’adhésion du public aux investissements de l’État et aux dépenses sociales appropriés, ainsi qu’aux réformes indispensables pour développer le secteur privé.

En se tournant vers l'avenir, il est primordial non seulement de calibrer les mesures en fonction de la situation d’aujourd'hui, mais aussi de réfléchir aux moyens d’accélérer les transformations pour demain, de bâtir des populations résilientes face à de futurs chocs, comme l'a fait l'Égypte avec la « Knowledge Bank », l'une des plus grandes bibliothèques numériques au monde.

Nous devons aussi réfléchir aux moyens de rendre nos économies plus durables, notamment face aux chocs climatiques. Le Bahreïn, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite ont pris des engagements en ce sens : le Bahreïn et les Émirats arabes unis en s’engageant à atteindre la neutralité carbone et l’Arabie saoudite en lançant ses ambitieuses initiatives vertes, à l’inauguration desquelles j’ai eu le grand honneur de participer.

Cette ambition qui est la nôtre ne pourra être atteinte que si les finances publiques sont complétées par de considérables investissements privés. Nous avons assisté à Glasgow à la prise de grands engagements, notamment financiers, pour favoriser la transition vers la nouvelle économie du climat, une économie à faible émission de carbone mais en même temps résiliente face aux chocs, ce qui est primordial pour nombre de pays arabes.

Je voudrais terminer par ce qui nous préoccupe le plus : quel est l’impact de tout cela sur chacun d’entre nous ?  Comment réussir à avoir une société plus inclusive? Comment l’aide dispensée aux personnes vulnérables peut-elle leur permettre d’entrer sur le marché du travail plutôt que de les maintenir dans des dispositifs d’aide gouvernementale ?

Vous avez été très innovants à cet égard. La classe moyenne, en particulier, est mieux lotie lorsque l'économie est en croissance et les bienfaits de cette croissance sont équitablement répartis dans la société. Pour aider durablement la classe moyenne, il convient de bâtir dès aujourd’hui les compétences de demain, d’être capable d’imaginer l'avenir de l'économie mondiale et de garantir que les jeunes, et ceux d'entre nous qui sommes plus âgés, puissent tous apporter leur contribution à la société.

En conclusion, je souhaite dire quelques mots sur le rôle du FMI à ces égards.

Avant tout, nous avons intensifié notre travail analytique afin d'examiner chaque étape de la crise et vous prodiguer les meilleurs conseils possibles.   

Nous calibrons actuellement ces conseils pour les adapter aux circonstances propres à chaque pays. C’est précisément aussi l’objet de notre « série spéciale » de notes, publiées dans le cadre de la COVID-19 et consacrées à la gouvernance budgétaire, la numérisation et la gestion de l’investissement public. Nos activités de surveillance sont axées sur les réformes de la gouvernance économique pour favoriser une croissance inclusive.

Par ailleurs, nos activités de développement des capacités sont à votre disposition, par l’entremise du centre de l’économie et des finances du Moyen-Orient situé au Koweït et du centre d’assistance technique régional pour le Moyen-Orient à Beyrouth. 

En matière de prêts, comme vous le savez, nous avons apporté une assistance de 16,6 milliards de dollars à neuf pays arabes et accordé des allègements de dettes à trois pays. Il est à noter que le monde arabe a bénéficié de 37,1 milliards de dollars, sur notre allocation historique de 650 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux. Nous nous efforçons maintenant d’en faire profiter le plus grand nombre, en encourageant le transfert d’un certain nombre de ces DTS des pays dont la position est forte à ceux qui ont le plus besoin de soutien.  

Je me félicite du travail que nous accomplissons avec vous dans le cadre de nos activités.   Je tiens à féliciter Jihad Azour d'avoir œuvré pour que le FMI et le Fonds monétaire arabe travaillent en symbiose sur de nombreux sujets qui nous préoccupent. Et je tiens à vous remercier de nous inciter à faire davantage, notamment sur les enjeux de demain, comme l'argent numérique, la croissance durable et inclusive, et la question cruciale de l’accroissement de la participation au marché du travail et de l'emploi des jeunes.

Nous sommes tous dans la même situation et ce n’est qu’en œuvrant ensemble que nous pourrons réussir.

Choukran.

Département de la communication du FMI
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