La femme et l’économie coréennes peuvent s’épanouir ensemble
le 5 septembre 2017
Introduction
Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs, Anyoung haseyo. Je suis honorée de pouvoir prendre part à la Conférence internationale sur l’autonomisation des femmes dans les services financiers.
Je remercie Sang-Kyung Kim et le Réseau coréen de femmes dans la finance de leur chaleureux accueil. Vous poursuivez un objectif primordial : celui de la diversité de genre dans le secteur financier.
Promouvoir l’autonomisation des femmes est, bien entendu, un impératif moral, mais c’est aussi une exigence macroéconomique. Aussi sommes-nous nombreuses et nombreux à défendre cet objectif, et le FMI ne fait pas exception. La participation de la femme à l’économie dynamise la croissance, diversifie l’activité, réduit les inégalités de revenu et atténue les effets du changement démographique.
Ces phénomènes nous interpellent à travers le monde, mais surtout ici, en Corée.
Songeons surtout à la croissance. Durant les cinq dernières années, la population en âge de travailler a augmenté de 200.000 personnes par an, ajoutant ainsi 0,7 point à la croissance. Durant les cinq années à venir, la population active perdra 100.000 personnes chaque année et il en coûtera 0,2 point à la croissance. En faisant en sorte que plus de femmes puissent travailler nous pourrons sensiblement limiter les retombées négatives du changement démographique.
Investir dans la femme n’a jamais été aussi impérieux pour la Corée. Je
centrerai mes propos sur ce défi.
- Premièrement, malgré les progrès accomplis, l’État et la société doivent continuer d’agir pour aider les femmes à participer à l’économie;
- Deuxièmement, les entreprises doivent prendre des mesures plus ambitieuses pour mettre en valeur les considérables dividendes de la présence d’un plus grand nombre de femmes aux postes de direction.
1. Promouvoir le rôle de la femme dans l’économie coréenne
Je commencerai par les progrès. En Corée, le taux de participation des femmes à la population active a bondi de 46 % en 1980 à 58 % en 2016. Entre 1990 et 2010, la part des femmes dans les emplois stables s’est hissée de 20 à 40 %.
Sur la scène mondiale, nombreuses sont les femmes coréennes qui ont acquis une grande notoriété dans des domaines tels que le patinage artistique, la musique ou bien encore le golf —Park Sung-hyun a récemment remporté l’U.S. Women’s Open.
Mais la Corée présente toujours l’un des taux les plus faible de participation féminine à la population active parmi les pays de l’OCDE; elle se situe 20 points en-dessous des premiers du tableau. Les femmes gagnent environ 37 % moins que les hommes. Elles n’occupent que 2 % des postes de direction, contre une moyenne de 20 % pour l’OCDE.
Beaucoup de femmes trentenaires quittent le monde du travail pour créer une famille et renoncent ainsi à une dizaine d’années de vie active particulièrement privilégiée. Le retour au travail se révèle difficile. Pour celles qui parviennent à le faire, les débouchés peuvent être limités. Beaucoup de femmes occupent des emplois qui ne sont pas stables, ou renoncent à toute perspective de promotion.
I. Politiques
Il y a toutefois lieu de se réjouir car des mesures sont prises pour lever ces obstacles. Pour citer un proverbe coréen : «Commencer c’est déjà faire la moitié du travail».
Depuis plus de dix ans, la Corée applique de façon rigoureuse une budgétisation sensible au genre. Elle est l’un des rares pays qui recueillent et analysent des données ventilées par sexe pour évaluer l’efficacité de cette démarche.
Cela lui a notamment permis d’étendre la portée des congés parentaux et d’investir dans la garde d’enfants. Des mesures ont été prises pour aider les mères à renouer avec la vie active et pour rendre le travail plus propice à la vie familiale. Ces priorités font partie des échanges entre le FMI et le gouvernement coréen depuis plusieurs années.
Tout récemment, le Président Moon a tenu la promesse d’un gouvernement composé à 30 % de femmes. D’autres mesures fondamentales sont envisagées, dont celles qui visent à mettre à la disposition des femmes à la recherche d’un travail 175 centres d’emploi et à permettre aux mères de famille de travailler à temps partiel pendant des périodes prolongées.
D’autres initiatives s’imposent, notamment pour renforcer les services de garde d’enfants, aménager les horaires de travail et offrir des formations et une aide à la recherche d’un emploi. Elles peuvent produire d’énormes dividendes.
Les services du FMI ont étudié l’impact qu’auraient une réforme de la fiscalité du second revenu, une augmentation des prestations de garde d’enfants et de plus grandes incitations fiscales en faveur du travail à temps partiel. Il ressort des conclusions que ces réformes pourraient contribuer à accroître la participation de la femme à la population active de 8 points de pourcentage à moyen terme, réduisant ainsi d’un tiers l’écart de participation entre les hommes et les femmes.
Je sais en outre par expérience combien il est important de pouvoir compter sur un environnement propice pour concilier travail et vie de famille.
J’étais sur le point de devenir associée du cabinet d’avocats international Baker McKenzie lorsque j’ai eu mon premier enfant. Pour pouvoir m’occuper de mon fils j’ai décidé de changer mes horaires de travail et de prendre congé les mercredi après-midi. Certains collègues associés ne voyaient pas cela d’un très bon œil mais j’étais déterminée à le faire. Cela dit, il m’a fallu un an de plus pour devenir associée.
II. Culture
L’action des pouvoirs publics peut certes faire basculer les choses, mais il est vital de s’attaquer aux normes sociales qui font obstacle à la femme.
Il est des domaines où le progrès, loin d’aller à l’encontre de l’identité culturelle, ne fait que la réaffirmer. J’en veux pour preuve votre drapeau national. Le cercle du yin-yang au milieu de votre Taegukgi nous rappelle que l’harmonie exige que les hommes et les femmes jouent leur rôle.
Songeons d’abord aux mères. Le livre d’Amy Chua L’hymne de bataille de la mère Tigre a certes suscité un débat particulièrement animé, mais quelque chose de plus fondamental nous interpelle. Je veux parler du temps que les mères consacrent à l’éducation de leurs enfants au foyer, souvent aux dépens d’un emploi rémunéré. Un meilleur enseignement public peut contribuer à faire changer les comportements sociaux et aider les femmes à concilier la famille et le travail.
Les comportements des femmes eux aussi évoluent. Le pourcentage de Coréennes désireuses de garder leur emploi indépendamment du mariage ou de la maternité a augmenté de 17 % en 1988 à 56 % en 2009.
D’aucuns craignent que si les femmes sont plus nombreuses à travailler, cela risque de réduire la fécondité et donc d’aller à l’encontre des efforts déployés pour gérer le changement démographique.
Ces craintes sont infondées. Les pays nordiques nous ont montré qu’avec des politiques d’accompagnement adaptées une forte participation de la femme à la population active peut parfaitement aller de pair avec la fécondité.
Un autre pays aux prises avec le changement démographique — le Japon— nous montre que la probabilité d’un deuxième enfant augmente dès lors que les hommes sont plus actifs au foyer.
Cela m’amène au rôle des pères. En dépit des progrès constatés, la prise de congés de paternité n’a que récemment dépassé 5 %. Nombreux sont les pères que ne prennent pas ces congés de crainte que cela ne nuise à leur carrière.
Prenons l’exemple de ce père de 34 ans qui confiait ce qui suit :
«Si je n’avais pas pris de congés j’aurais été promu. Mais quelqu’un a été promu à ma place. Je crois d’ailleurs que mes perspectives de progression salariale et de promotion seront moins bonnes».
Pour que les hommes puissent jouer un rôle plus actif au sein de leur famille, la culture d’entreprise doit changer. Elle doit également changer dans l’intérêt des femmes, ce qui m’amène à ma deuxième idée, l’autonomisation des femmes pour qu’elles puissent diriger dans le monde de l’entreprise.
2. L’autonomisation des femmes dans l’entreprise et le secteur financier coréens
Je citerai une étude réalisée par les services du FMI sur 2 millions d’entreprises dans 34 pays européens. Elle a conclu qu’en ajoutant une femme dans les conseils d’administration, le rendement des actifs des entreprises pouvait gagner entre 8 et 13 points de base.
Dans les secteurs créatifs et high-tech, cette augmentation peut aller jusqu’à 30 points de base. Ces conclusions devraient faire réfléchir à l’heure où la Vallée de l’économie créative de Pangyo prend forme.
Outre l’effet sur les bénéfices, une présence plus forte des femmes dans les conseils d’administration peut aussi améliorer la gouvernance d’entreprise. Une étude des services du FMI à paraître constate également que la féminisation des conseils d’administration bancaires et des instances de contrôle bancaire va de pair avec une plus grande stabilité du secteur. De manière plus précise, les banques où les femmes sont plus nombreuses présentent des marges de fonds propres plus importantes et des ratios de créances improductives plus faibles.
Que peut-on donc faire pour féminiser les conseils d’administration dans un pays comme la Corée où seulement 14 des 100 plus grandes sociétés cotées en bourse comptent une administratrice?
Les pratiques de travail propices à la famille dont je parlais tantôt sont des conditions incontournables, mais que faut-il d’autre? Je ne prétends pas avoir réponse à tout, mais je souhaiterais partager quelques réflexions fondées sur trois expériences personnelles.
I. Préjugés inconscients
Ma première anecdote. Lorsque j’ai commencé à travailler au cabinet Baker McKenzie durant les années 1980, il y a eu des situations où — malgré mes aptitudes techniques et mes connaissances professionnelles — les clients qui venaient de l’extérieur supposaient que je n’étais là que pour leur apporter du café.
Le sexisme est aujourd’hui plus subtil, mais qu’ils soient conscients ou non, les préjugés subsistent. Les préjugés inconscients renvoient certes à toute la culture d’entreprise, mais aussi aux idées reçues sur les facteurs de réussite.
Il importe de mettre au jour les préjugés, de sorte qu’ils puissent être signalés, appréhendés et corrigés.
Parmi les options envisageables je citerai la «promotion accélérée» des jeunes femmes aux talents prometteurs, pour leur permettre d’acquérir l’expérience, les aptitudes et les réseaux qui les prépareront à des postes de direction. L’anonymat des dossiers présentés aux comités de sélection est une autre possibilité : les pratiques de recrutement «à l’aveugle» ont aidé l’office australien des statistiques à augmenter le pourcentage de femmes à des postes d’encadrement supérieur de 21 à 43 %.
Surmonter les préjugés est une nécessité primordiale. Il est un autre moyen qui peut également nous aider; celui des quotas. C’est là ma deuxième anecdote.
II. Quotas
Il fut un temps où je pensais que les quotas étaient inutiles. Puis j’ai pris conscience qu’il aurait fallu à mon cabinet d’avocats 5 générations pour arriver à 30 % de femmes associées. J’ai donc été conquise par les quotas, tout au moins comme solution à court terme.
À l’heure où le débat se poursuit sur les quotas dans les entreprises coréennes, l’expérience des autres pays peut servir d’inspiration.
Plusieurs pays se sont ralliés aux quotas durant ces dernières années. L’Inde l’a fait en 2010, et la part des femmes dans les conseils d’administration a bondi de 5 à 13 %. En Malaisie, cette formule a permis de doubler le pourcentage de femmes dans les conseils des plus grandes entreprises.
Des quotas juridiquement contraignant ont aussi été adoptés dans certains pays d’Europe. En Norvège, leur application sur une période de cinq ans a permis de multiplier par quatre la présence des femmes dans les conseils d’administration.
Il faut toutefois reconnaître que l’expérience internationale des quotas obligatoires n’a pas toujours été couronnée de succès. Dans certains cas leur mise en œuvre a été défectueuse, manquait d’incitations ou ne comptait pas sur un appui suffisant. Les quotas ne peuvent pas être considérés isolément; ils doivent faire partie d’une panoplie d’initiatives plus vaste.
III. Le mentorat
Ma dernière anecdote concerne le mentorat. J’ai eu la chance de connaître une personne qui m’a montré l’exemple, une personne qui m’a beaucoup appris. Elle m’a appris à «se présenter», à «présenter» et à «représenter» :
- Se présenter c’est se montrer aux autres pour que l’on vous prenne au sérieux;
- Présenter c’est se faire comprendre; et
- Représenter c’est résoudre les conflits et être fidèle à ses convictions.
Autant de leçons qui, à mon sens, restent d’actualité.
Les hommes qui ont à cœur l’autonomisation des femmes ont également un rôle vital à jouer. Ils peuvent sensibiliser leurs collègues et collaborateurs et leur faire comprendre que la diversité de genre est indispensable à la prospérité de l’entreprise, dans l’intérêt de tous, hommes et femmes.
J’ai parlé de mes propres convictions, mais je peux vous assurer que l’égalité de genre revêt une importance primordiale pour le FMI.
Le FMI est déterminé à promouvoir l’égalité de genre car, comme je l’ai dit, l’autonomisation des femmes est essentielle à la prospérité et à la croissance économique.
Nous avons entrepris de développer un axe d’étude sur la dimension économique des questions de genre; nous en analysons les effets macroéconomiques mais nous nous employons également à signaler les principaux obstacles et à définir les politiques pour y faire face.
Nous tenons compte du genre dans les programmes nationaux que nous appuyons et dans nos bilans de santé économique des différents pays.
Beaucoup de nos programmes prévoient des initiatives sensibles au genre, cela a été le cas très récemment en Égypte, en Jordanie et au Niger.
Dans le cadre de nos évaluations des économies des pays membres, nous avons réalisé 27 opérations pilotes nationales et régionales qui ont examiné de près ces questions.
Depuis plusieurs années nous traitons des dossiers de genre avec les autorités coréennes. Nous restons profondément attachés à ce dialogue à mesure que vous définissez et appliquez d’autres initiatives pour promouvoir l’équité de genre.
Autrement dit, le FMI continuera d’intégrer l’autonomisation des femmes dans tous les grands dossiers économiques car libérer le potentiel de la femme est une priorité mondiale. Cela est particulièrement vrai pour la Corée. Le moment est venu d’agir.
Pour conclure, je souhaiterais emprunter les paroles du poème Flèches de Ko Un : «Soyons des flèches! Partons tous, corps et âme! Partons en fendant les airs»!
Je viens de partager certaines de mes propres expériences, et ne prétends pas avoir la réponse à toutes les questions. C’est pourquoi j’ai hâte de vous écouter.
Merci de votre attention, Gamsahamnida.
Département de la communication du FMI
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