La Grèce a réussi à maîtriser ses déficits budgétaire et courant, mais le système de retraites accuse un déficit sans précédent (photo : Keith Levit/Newscom)
Grèce : priorités pour renouer avec une croissance durable
le 7 février 2017
La Grèce doit intensifier et accélérer les réformes qui s’imposent, au même titre qu’un allègement de dette complémentaire, pour renouer avec une trajectoire de croissance durable. C’est ce qui ressort du dernier bilan de l’économie grecque établi par le FMI.
Le rapport des services du FMI sur les consultations au titre de l’article IV signale que le pays a enregistré des avancées dans la maîtrise des déficits budgétaire et extérieur, encore qu’elles se soient soldées par un coût social particulièrement lourd. Le rapport trace un chemin vers une croissance et une prospérité durables qui exige une action sur deux fronts : des politiques ambitieuses de la part des autorités grecques et un considérable allégement de la dette de la part des partenaires européens.
Les questions et réponses ci-dessous mettent en lumière plusieurs des grands thèmes liés aux progrès réalisés et aux priorités de réforme à venir
Nouvelles du FMI : Les dernières consultations au titre de l’article IV avec la Grèce avaient eu lieu au milieu de 2013. Depuis cette date, quelle a été l’évolution de l’économie grecque et des politiques mises en œuvre par les autorités?
La Grèce a considérablement réduit ses déficits budgétaire et courant depuis le début de la crise. De manière plus précise, le déficit budgétaire primaire et le déficit courant, qui se situaient respectivement à 11 et 15 % du PIB, avaient été ramenés à près de zéro à la fin 2015. Ajustement impressionnant pour un pays qui appartient à une union monétaire et ne peut donc recourir ni au levier monétaire ni à celui de la politique de change.
Le vaste travail de rééquilibrage budgétaire et de dévaluation interne s’est cependant soldé par des coûts sociaux considérables. Le taux de chômage reste bien trop élevé à 23 % (octobre 2016) et la Grèce a souffert d’une récession prolongée, affichant un niveau de production inférieur de 25 % aux chiffres d’avant crise. Ce coût social élevé a eu pour effet d’affaiblir l’appui aux réformes engagées.
À partir du milieu de 2015, le gouvernement a insufflé une nouvelle vigueur au travail de réforme dans le cadre d’un nouveau programme d’ajustement appuyé par le Mécanisme européen de stabilité. Il a concrètement adopté un certain nombre d’initiatives importantes sur le plan budgétaire (par exemple, pensions, TVA, impôt sur le revenu), financier (par exemple, loi sur les procédures collectives, service des créances improductives et cession de créances, gouvernance bancaire) et structurel (par exemple, privatisations, promotion de la concurrence dans des secteurs primordiaux). En résumé, il y a eu des revers mais également certains progrès depuis des dernières consultations au titre de l’article IV.
Nouvelles du FMI : La Grèce a donc adopté de nouvelles politiques. Ces réformes suffiront-elles à amorcer une reprise durable?
La Grèce a récemment enregistré des progrès dans la mise en œuvre des réformes, mais des défis subsistent. De manière plus précise, la politique budgétaire n’est toujours pas propice à la croissance. La moitié des salariés sont exonérés de l’impôt sur le revenu, tandis que le déficit du système de retraites se maintient à un niveau record (10,5 % du PIB, soit près de quatre fois la moyenne de la zone euro). Par ailleurs, les crédits bancaires en souffrance représentent 45 % du total des crédits et la dette fiscale envers l’État équivaut à 70 % du PIB. De ce fait, l’investissement et la croissance restent faibles. Pour être en mesure de renouer avec une croissance durable et de s’affranchir pour de bon des financements officiels, la Grèce doit donc intensifier et accélérer les réformes.
Nouvelles du FMI : Le rapport mentionne que la politique budgétaire n’est pas propice à la croissance. Quelles politiques le FMI recommande-t-il?
La Grèce n’a pas besoin d’autres mesures d’austérité à ce stade (voir le blog publié récemment). Compte tenu des réformes engagées, la Grèce devrait afficher un excédent budgétaire primaire de 1,5 % du PIB à moyen et long terme. La Grèce n’a pas besoin de dégager un excédent primaire plus élevé.
Cela dit, si le pays décide d’opter pour un objectif d’excédent budgétaire supérieur à 1,5 % du PIB, il devra expliquer de manière crédible comment il entend y parvenir. En l’occurrence, d’autres réformes structurelles seront nécessaires. Toutefois ces réformes ne devraient être mises en œuvre qu’une fois la reprise bien engagée.
Quelle que soit sa cible budgétaire, la Grèce devrait mener des politiques plus équitables et propices à la croissance. Concrètement, elle doit élargir l’assiette de l’impôt sur le revenu des personnes physiques afin de promouvoir une répartition plus équitable de la charge fiscale. Les recettes fiscales ainsi obtenues pourraient servir à réduire les taux d’imposition élevés qui poussent l’emploi dans l’informalité ou dans les pays voisins. Par ailleurs, d’autres réformes s’imposent dans le système de retraites afin d’accroître sa viabilité et de parvenir à un régime de prestations sociales de meilleure qualité et mieux ciblé pour protéger les populations les plus vulnérables.
La Grèce doit en outre s’attaquer à la fraude fiscale et aux considérables arriérés fiscaux en restructurant la dette fiscale pour les contribuables viables en fonction de leur capacité à payer, et en renforçant les actions de recouvrement auprès des contribuables qui ont les moyens de payer mais s’abstiennent de le faire. La mise en place intégrale de la nouvelle administration fiscale indépendante sera essentielle à cet égard.
Nouvelles du FMI : Vous signalez également que le niveau élevé des ratios de créances improductives continue de peser sur le secteur financier. Que peut faire la Grèce pour s’attaquer à ce problème?
Il importe de réduire rapidement et résolument les créances improductives pour assurer une reprise du crédit et de la croissance. Tant que leur bilan restera plombé par des créances improductives, les banques ne seront pas en mesure de drainer des ressources vers les secteurs plus productifs de l’économie. Pour corriger ce problème il faudra pleinement mettre en œuvre le dispositif juridique de restructuration de la dette, avec des mesures d’exécution plus énergiques et un mécanisme de règlement amiable des dettes bancaires et fiscales.
Par ailleurs, les instruments de supervision doivent être renforcés afin d’inciter les banques à réduire leur portefeuille de créances improductives. Enfin, il importe de renforcer davantage la gouvernance des banques et de supprimer les contrôles de capitaux dès que cela se révélera prudent, tout en préservant la stabilité financière.
Nouvelles du FMI : Le FMI recommande-t-il d’autres réformes pour accompagner la croissance?
Les réformes du marché du travail et du marché des produits sont essentielles pour accompagner le potentiel de croissance à long terme. Les réformes du marché du travail de 2011 ont contribué à améliorer la compétitivité de la main-d’œuvre sur le plan des coûts. Cependant, vu les retards enregistrés dans l’exécution des réformes du marché des produits, ce sont les salariés qui jusqu’à présent ont assumé le poids de l’ajustement. Il serait toutefois erroné de conclure que la Grèce devrait revenir à la formule précédente d’un marché du travail moins flexible. Les réformes actuelles devraient plutôt être complétées par des mesures destinées à aligner les procédures de licenciement collectif et les règles applicables au droit de grève sur les pratiques optimales, et par un travail plus résolu d’ouverture des professions fermées et de levée des barrières à la concurrence et à l’investissement.
Nouvelles du FMI : Peut-on conclure qu’avec ces réformes la Grèce parviendra finalement à sortir de l’ornière et renouer avec la croissance et la prospérité?
Même si toutes ces politiques sont pleinement mises en œuvre, la croissance ne suffira pas à surmonter le problème de la dette. Les partenaires européens doivent accorder un autre allégement, en sus de celui qu’ils ont généreusement consenti jusqu’à présent, pour que la dette de la Grèce puisse suivre une trajectoire durablement baissière. Cela ne passe pas nécessairement par une décote initiale, mais peut plutôt prendre la forme d’un rallongement des échéances et des différés d’amortissement et de l’application d’un taux d’intérêt sur les crédits officiels qui permette de maintenir les charges d’intérêt à un niveau gérable sur fond de normalisation des taux d’intérêt à l’échelle mondiale.
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