Chantier dans le quartier financier King Abdullah de Riyad, en Arabie saoudite. Selon le FMI, les exportateurs de pétrole doivent accélérer les réformes de diversification pour ne plus dépendre des hydrocarbures (photo : Fayez Nureldine/AFP/Getty Images)
La région Moyen-Orient et Afrique du Nord doit tenir le cap des réformes
le 19 octobre 2016
- La faiblesse des prix du pétrole et les conflits armés pèsent sur les perspectives de la région
- Les exportateurs de pétrole doivent poursuivre leur adaptation à la faiblesse des cours et diversifier leur économie
- Les importateurs de pétrole ont besoin de réformes structurelles pour créer de l’emploi et une croissance inclusive
Selon le dernier bilan régional du FMI, la faiblesse des prix du pétrole et les conflits qui sévissent dans la région continuent de peser sur les perspectives de croissance du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord, de l’Afghanistan et du Pakistan.
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Comme ces problèmes risquent de perdurer, le FMI estime que la région doit poursuivre les progrès déjà enregistrés dans le renforcement des soldes budgétaires et la mise en œuvre de réformes structurelles, pour contribuer ainsi à assurer une croissance inclusive et durable.
Selon les projections des Perspectives économiques régionales pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale du FMI, publiées le 19 octobre, la région connaîtra cette année un taux de croissance modeste de 3½ %, et les projections pour 2017 ne laissent guère entrevoir d’améliorations (voir tableau). Cette croissance timide freine la progression des niveaux de vie. Des transformations structurelles visant à évoluer vers une économie plus dynamique tirée par le secteur privé sont nécessaires pour relancer la croissance et créer des emplois dans le privé, et certains pays s’y préparent déjà, précise le rapport.
«Les pays de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord restent confrontés à deux des problèmes économiques et géopolitiques les plus délicats : le repli des cours du pétrole et l’intensification des conflits armés», a expliqué Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI lors de la présentation du rapport à Dubaï. «Il faut toutefois reconnaître à ces pays qu’ils ont progressé dans la gestion de ces problèmes».
Malgré l’amorce d’un redressement ces derniers mois, qui avait porté le prix du baril à plus de 50 dollars, les cours du pétrole — moteur essentiel de la croissance pour les exportateurs de la région — devraient rester faibles dans les années à venir. Selon les projections du FMI, ils devraient tout juste atteindre 60 dollars le baril en 2021, très en-deçà des pics supérieurs à 100 dollars enregistrés il y a seulement deux ans.
Dans le même temps, les conflits armés continuent de provoquer de graves crises humanitaires dans plusieurs pays de la région — entraînant un nombre de réfugiés jamais vu depuis la Deuxième guerre mondiale —, de perturber l’activité économique et d’ébranler la confiance dans toute la région.
Des perspectives timides pour les exportateurs comme pour les importateurs de pétrole
Dans les pays exportateurs de pétrole du Conseil de coopération du Golfe (CCG), le FMI prévoit une croissance hors pétrole de 1,8 % en 2016 et de 3,1 % en 2017, soit bien en deçà des 7 % de moyenne observés entre 2000 et 2014, contreperformance due à l’effet de frein des mesures d’assainissement budgétaire et à une perte générale de confiance du secteur privé face à la faiblesse des prix du pétrole.
La croissance non pétrolière en dehors du CCG devrait être quasiment nulle cette année en raison des conflits en Iraq, en Libye et au Yémen. En Iran, la production pétrolière a connu un solide rebond, mais l’effet du relâchement des sanctions sur la croissance tarde à se concrétiser car les entreprises internationales demeurent prudentes et les réformes intérieures n’avancent que lentement.
Dans les pays importateurs de pétrole de la région, les retombées du ralentissement de la croissance du CCG et les conséquences des conflits armés — de même que les profondes entraves structurelles intérieures — pénalisent la croissance. Ces pays devraient afficher une croissance de 3,6 % en 2016 et de 4,2 % en 2017.
À moyen terme, la croissance sera trop faible pour permettre une amélioration sensible des niveaux de vie ou pour juguler un chômage élevé, de plus de 10 % dans l’ensemble de la population et 25 % chez les jeunes.
S’adapter à un pétrole moins cher
La persistance d’un pétrole bon marché et des conflits armés rend d’autant plus nécessaire la poursuite de plusieurs réformes essentielles dans les pays de la région.
«Les exportateurs de pétrole doivent s’atteler à la difficile tâche de stimuler la croissance dans une conjoncture de faibles recettes budgétaires et de compression des dépenses», a expliqué Masood Ahmed. «Le défi, maintenant et pour l’avenir, consiste donc à trouver d’autres sources de revenu et de croissance pour maintenir le niveau de prospérité que beaucoup de ces pays ont connu jusqu’à présent», a-t-il ajouté.
«Quant aux importateurs de pétrole, leur défi principal consistera à favoriser la création d’emplois grâce à un secteur privé plus dynamique», a-t-il précisé.
Le rapport souligne les réels progrès que de nombreux pays ont accomplis ces derniers mois dans le sens de l’adaptation à cette nouvelle conjoncture économique, en agissant notamment sur le plan des dépenses et des nouvelles sources de recettes. Les exportateurs comme les importateurs de pétrole ont par exemple engagé une rationalisation de leurs dépenses publiques et ont réduit leurs coûteux programmes de subventions universelles aux prix de l’essence, de l’électricité, du gaz et de l’eau, qui tendaient à profiter surtout aux riches.
Malgré ces progrès, ces prix demeurent très inférieurs aux niveaux internationaux, et les gouvernements pourraient aller plus loin dans la réforme de leurs grilles de tarifs énergétiques, remarque le rapport.
Certains pays ont aussi commencé à opérer des réductions dans la masse salariale de la fonction publique. L’Arabie saoudite a par exemple récemment annoncé un certain nombre de mesures visant à diminuer la facture salariale, notamment en réduisant les indemnités et en limitant les heures supplémentaires. Le CCG envisage également d’adopter une taxe sur la valeur ajoutée.
«Il convient de saluer ces initiatives qui illustrent la détermination des pays à s’adapter à une difficile conjoncture économique», a précisé Masood Ahmed.
Il a toutefois ajouté qu’il faudra faire davantage dans les douze mois à venir et par la suite.
La difficulté sera non seulement de stimuler la croissance tout en maîtrisant les dépenses budgétaires, mais aussi de tirer le meilleur parti de la marge de manœuvre dont disposent les pays en matière de dépenses publiques.
«L’infrastructure, l’éducation et la santé restent trois domaines dans lesquels les dépenses publiques peuvent particulièrement réussir à promouvoir une croissance durable», a signalé Masood Ahmed.
Diversifier les relais de la croissance
Plus généralement, compte tenu de cette conjoncture de pétrole bon marché, les pays doivent évoluer plus rapidement vers une économie plus diversifiée, plus dynamique et tirée par le secteur privé.
Beaucoup de pays ont fait état de projets en ce sens. Ainsi, l’Arabie saoudite, avec le programme Vision 2030, met l’accent sur le développement du secteur privé, s’engage à atteindre l’équilibre budgétaire en cinq ans et envisage la privatisation partielle d’ARAMCO, numéro un mondial du secteur pétrolier-gazier.
«Pour les exportateurs de pétrole, il s’agit de réduire la dépendance aux recettes pétrolières et de créer des emplois pour les nouveaux arrivants sur le marché du travail, dans le privé plutôt que dans le public. Quant aux importateurs de pétrole, il leur faudra réduire la dépendance aux envois de fonds. Mais pour ces deux groupes de pays, l’objectif doit être un modèle économique reposant moins sur la dépense publique et davantage sur le secteur privé», a noté Masood Ahmed.
«Les transformations économiques d’aujourd’hui sont de nature à apporter une croissance résiliente et inclusive pour les générations à venir», a-t-il conclu.