Bulletin du FMI : La grande diversité des problèmes de santé mondiaux
le 1 décembre 2014
- Les maladies infectieuses et non transmissibles sont un risque sanitaire
- L’épidémie d’Ébola souligne la nécessité d’améliorer les systèmes de santé
- Les dépenses de santé sont souvent gérées à l’échelon régional ou local et non plus par l’administration centrale
L’édition de décembre du magazine trimestriel du FMI Finances & Développement est consacrée à la défense de la santé mondiale, y compris la lutte contre les maladies infectieuses, telles que la fièvre Ébola, et les maladies non transmissibles comme le cancer et les troubles mentaux.
L’ÉCONOMIE DE LA SANTÉ
Mais l’analyse de l’état de la santé mondiale ne doit pas se limiter aux maladies.
Cette édition de F&D passe en revue divers aspects importants de la situation sanitaire mondiale qui naguère étaient le domaine pratiquement exclusif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Citons à cet égard l’implication croissante des autorités régionales et locales dans l’administration des soins, la nécessité de rehausser l’efficacité des systèmes de santé ou d’en améliorer le fonctionnement, ainsi que le foisonnement d’organisations qui interviennent dans la prestation de services de santé.
Progrès et risques
L’économiste et démographe David E. Bloom de l’Université Harvard dresse un vaste bilan de l’état de la santé humaine. Il note que le monde est certes confronté à de nombreux problèmes, mais qu’il y a eu de grandes avancées dans la maîtrise et le traitement des maladies infectieuses, grâce aux progrès de la médecine et de la vaccination, à un meilleur accès à l’eau potable et à l’assainissement, et à l’amélioration de la nutrition, de l’éducation et des revenus. L’une des preuves les plus manifestes de ces avancées est l’allongement considérable de l’espérance de vie, qui a gagné 23 ans au cours des six dernières décennies et devrait gagner encore 7 années d’ici le milieu du siècle.
L’allongement de l’espérance de vie est un signe positif de ce qu’il est possible de faire face aux dangers anciens et nouveaux qui pèsent sur la santé humaine, selon Bloom. Les fléaux qui menacent sont les maladies infectieuses telles que le virus Ébola, le paludisme, la tuberculose, le VIH, l’hépatite, la diarrhée et la dengue (y compris les formes résistantes aux traitements de ces affections et autres agents pathogènes), ainsi que les infirmités chroniques telles que les affections cardiovasculaires, le cancer, les troubles respiratoires, le diabète, les troubles neuropsychiatriques, les dysfonctionnements des organes sensoriels et les affections musculo-squelettiques.
À bien des égards, constate-t-il, l’aspect le plus dérangeant de cette radioscopie de la santé du monde est l’énorme disparité entre les progrès et les échecs. Il y a par exemple 38 ans d’écart entre l’espérance de vie la plus longue (83 ans au Japon) et la plus courte (45 ans en Sierra Leone). Et dans 14 pays, l’espérance de vie à la naissance est de 55 ans, alors qu’elle dépasse les 80 ans dans 25 autres pays.
Enseignements de la flambée d’Ébola
La santé était au cœur des Objectifs du Millénaire pour le développement élaborés par les Nations Unies il y a 15 ans, et restera sans doute primordiale dans l’action en faveur du développement, d’après Bloom. Mais la nature, les axes prioritaires et les indicateurs concrets de tout nouvel objectif restent encore à préciser. Les sujets à suivre tout particulièrement seront la place accordée aux maladies non transmissibles, les processus, moyens et facteurs de risques par opposition aux résultats et les leçons que la communauté internationale tirera de la propagation de maladies infectieuses comme le virus Ébola pour définir un nouvel ensemble d’objectifs prioritaires en matière de santé mondiale.
Pour Olga Jonas, de la Banque mondiale, un des enseignements à tirer de cette flambée d’Ébola est qu’il faut se préparer à affronter de nouvelles épidémies mondiales ou pandémies. Les pouvoirs publics négligent systématiquement l’importance des systèmes de santé publique humaine et vétérinaire pour détecter et contenir les accès de maladies infectieuses. Il en coûterait environ 3,4 milliards de dollars par an pour mettre les systèmes sanitaires des pays émergents et en développement aux normes requises afin de faire face aux flambées de maladies infectieuses, soit une fraction minuscule de ce qu’une pandémie coûterait à l’économie mondiale, sans compter le malheur et la souffrance incommensurables qu’elle causerait.
Couverture de l’édition de décembre 2014 de F&D. Vaccination contre la polio à Amritsar (Inde) (photo: Narinder Nanu/AFR/Getty Images)
Gérer la santé
L’économie de la santé publique a été reconfigurée du fait que les administrations centrales délèguent de plus en plus les dépenses en la matière à des administrations régionales ou locales, expliquent Amanda Glassman, du Center for Global Development (CGD), et Victoria Fan, du CGD et de l’Université d’Hawaï. La délégation des fonctions et des dépenses sanitaires aux échelons inférieurs de l’administration publique ont produit des innovations marquantes en matière de services de santé, mais ont aussi causé nombre de problèmes car les autorités régionales et locales n’ont souvent pas les capacités administratives ni la transparence requises pour s’acquitter de ces responsabilités.
Mais la confusion ne règne pas seulement au niveau national. La gouvernance de la santé mondiale est aussi en train de se déliter. D’après Devi Sridhar (Université d’Édimbourg) et Chelsea Clinton (Université de Columbia), c’était naguère le pré carré de l’OMS. De nos jours, toutefois, nombre de partenariats public-privé et de fondations privées se spécialisent dans des maladies ou des secteurs spécifiques — le sida ou la santé maternelle, par exemple — cependant que la Banque mondiale beaucoup en matière de santé.
Le coût des soins reste problématique tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Pour être à même de développer les services de santé sans avoir à réduire les crédits dans d’autres domaines essentiels tels que l’éducation, les gouvernements doivent trouver le moyen d’accroître l’efficacité des dépenses de santé. Les économistes du FMI David Coady, Maura Francese et Baoping Shang ouvrent des pistes qui permettraient des gains d’efficacité.
â– À lire également dans l’édition de décembre 2014 de F&D : des économistes du FMI et de la Banque mondiale analysent le récent ralentissement du commerce mondial; Maureen Burke, du FMI, dresse le portait du Prix Nobel Alvin E. Roth, spécialiste de l’appariement des marchés et les principes de l’impôt sont détaillés à la rubrique l’ABC de l’économie.