Les conséquences à terme du Brexit pour l’Union européenne

Jiaqian Chen, Christian Ebeke, Li Lin, Haonan Qu, Jesse Siminitz
10 août 2018

Un porte-conteneurs entrant dans le port de Marseille. Le Royaume-Uni fait partie des premiers partenaires commerciaux de l’Union européenne à 27, dont il représente 13 % du commerce de biens et de services. (photo: Gerard Bottino/Newscom)

Lorsque le Royaume-Uni quittera l’Union européenne (UE), le durcissement des entraves au commerce extérieur, au flux de capitaux et à la mobilité de la main-d’œuvre ne touchera pas seulement la production et l’emploi dans ce pays, mais aussi dans les 27 États membres restants de l’UE. Puisque le Brexit sonne la fin d’une relation économique sans friction, il en coûtera aux deux parties, comme l’indique notre nouvelle étude.

Les liens tissés entre l’UE et le Royaume-Uni sont très étroits : ce pays est l’un des premiers partenaires commerciaux de l’UE, dont il représente environ 13 % des échanges de biens et services. Outre leur relation commerciale bilatérale, l’UE à 27 et le Royaume-Uni partagent également des maillons très importants de la chaîne d’approvisionnement, qui impliquent plusieurs pays.

Les interconnexions financières sont également conséquentes : le montant brut des flux bilatéraux de capitaux totalisait environ 52 % du PIB de l’UE à 27 en 2016.

Les mouvements migratoires ont également progressivement grossi et sont devenus très importants pour certains pays, tels que l’Irlande.

Le démantèlement de l’intégration nuira durablement à la production et à l’emploi dans l’UE

Selon un indice prenant en considération tous ces vecteurs d’intégration, l’intégration bilatérale entre l’UE et le Royaume-Uni s’est approfondie au cours des 30 dernières années.

Le démantèlement de cette intégration à la suite du Brexit aura des conséquences négatives pour le revenu et l’emploi dans l’UE.

Si le Royaume-Uni et l’Union européenne s’entendent sur un accord de libre-échange (ALE) classique, avec de faibles droits de douane pour le commerce des biens mais assorti d’obstacles non tarifaires plus stricts, la production réelle de l’UE à 27 diminuera à terme de 0,8 % par rapport à un scénario sans Brexit, selon nos estimations, et l’emploi de 0,3 %, compte tenu de tous les vecteurs de transmission.

Si les parties s’en remettent aux règles de l’OMC, la baisse de la production réelle serait encore plus grande — 1,5 % à long terme — et l’emploi diminuerait de 0,7 %. En revanche, dans un scénario de type « Norvège » (Espace économique européen), relativement indolore, où l’adhésion à l’union douanière prend fin mais l’accès au marché unique est préservé, la diminution de la production et de l’emploi dans l’UE à 27 semblerait négligeable.

Le choc du Brexit : estimation des répercussions commerciales sur chaque pays

Plus un pays échange avec le Royaume-Uni, plus le Brexit affectera sa production. Pour illustrer cet effet, nous avons recouru à un cadre propre à chaque pays pour étudier les effets directs et indirects sur les échanges induits par l’augmentation des droits de douane et des obstacles non tarifaires, tant pour les biens que pour les services. Par rapport aux estimations présentées ci-dessus, les effets simulés semblent moins importants, mais notre modèle ne tient compte que des liens commerciaux.

Dans le scénario d’un accord de libre-échange, nous avons calculé que la production réelle de l’UE à 27 diminuerait à terme de 0,2 % par rapport au scénario sans Brexit, l’Irlande payant le plus lourd tribut (environ 2,5 % de ses revenus), suivie par les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique et la République tchèque.

Ces estimations augmentent dans l’hypothèse d’un recours aux règles de l’OMC : la baisse de production par rapport à un scénario sans Brexit s’élèverait à 0,5 % pour l’UE à 27, et à 4 % pour l’Irlande, compte tenu du durcissement considérable des obstacles tarifaires et non tarifaires.

Notre étude n’examine ni l’effet de l’incertitude entourant les futures relations entre l’UE 27 et le Royaume-Uni, ni celui de la transition vers ces nouvelles relations. Elle s’intéresse exclusivement aux retombées à long terme, une fois que toutes les parties se seront complètement adaptées à leurs nouvelles relations. Les conséquences définitives prendront des années à se concrétiser, et elles dépendront de l’accord final entre l’UE à 27 et le Royaume-Uni.

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Jiaqian Chen est économiste au sein du département Europe du FMI. Son travail porte sur les perspectives macroéconomiques du Royaume-Uni et sur les questions liées au Brexit. Il travaillait auparavant au département des marchés monétaires et de capitaux du FMI, où il s’occupait de la Suède, du Danemark, de la Turquie et d’Israël, ainsi que des politiques monétaires et macroprudentielles. Dans ses recherches, il s’intéresse à la macrofinance, et plus particulièrement aux politiques macroprudentielles. M. Chen est titulaire d’un doctorat en économie de la London School of Economics.


Christian Ebeke est le représentant résident adjoint auprès de l’Union européenne, à Bruxelles. Il a travaillé au département Europe du FMI, au sein de l’équipe chargée de la zone euro, où il s’occupait principalement des questions de réformes structurelles. Il s’est également acquitté de nombreuses autres tâches, dont des travaux consacrés au secteur budgétaire au sein de l’équipe chargée de la Pologne, et l’évaluation de pays appliquant un programme, au sein du département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation. M. Ebeke a publié des études sur une grande variété de thèmes, dont les réformes structurelles, la stabilité macroéconomique, la finance internationale, la politique budgétaire, la gouvernance et les migrations internationales. Titulaire d’un doctorat de l’université d’Auvergne (France), il est entré au FMI en 2011.


Li Lin est économiste au sein de l’unité « Pays avancés » du département Europe du FMI. Ses travaux portent sur les perspectives macroéconomiques de la zone euro, l’inflation et le secteur extérieur. Elle a travaillé auparavant, comme économiste chargée de dossiers, sur la Roumanie, pays appliquant un programme et faisant l’objet d’une surveillance intensive, et comme économiste au sein du département des marchés monétaires et de capitaux du FMI, où elle s’occupait de tests de résistance et d’évaluations du risque systémique pour des pays tels qu’Israël, le Népal et l’Afrique du Sud. Elle est titulaire d’un doctorat de l’université d’Oxford. Ses travaux de recherche portent sur la macrofinance, et elle a publié dans des revues telles que Economic Theory, Journal of Banking and Finance, Journal of Financial Stability et Annals of Finance.


Haonan Qu est économiste au département Europe du FMI, au sein de l’équipe chargée de la zone euro. Son travail porte sur les réformes structurelles et sur les questions liées au Brexit. Il s’occupait auparavant de la Bosnie-Herzégovine dans le cadre des programmes de prêt du FMI, ainsi que de l’Arabie saoudite et du Qatar lorsqu’il faisait partie du département Moyen-Orient et Asie centrale. Au sein du département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation, il s’est également intéressé à la conception, aux politiques et aux résultats des programmes adoptés dans le cadre d’un certain nombre d’accords de prêt du FMI à des pays membres lors de la crise financière mondiale. Il s’intéresse à la finance et la macrofinance internationales. M. Qu est titulaire d’un doctorat en économie de l’université de Californie à Berkeley.


Jesse Siminitz est analyste au département Europe du FMI. Il travaille actuellement sur des questions financières et monétaires au sein de l’équipe chargée de la zone euro. Il a auparavant participé à des missions au titre de l’article IV au Monténégro, dans le cadre desquelles il a publié des travaux relatifs à la réforme des retraites, à l’administration municipale et à la compétitivité extérieure. Il a également travaillé au sein du département Hémisphère occidental du FMI, où il s’occupait de l’Argentine et de l’Uruguay. Ses recherches portent sur la politique budgétaire et la finance internationale. M. Siminitz est titulaire d’une maîtrise en économie de l’université de l’État de Caroline du Nord.



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