Le changement climatique favorisera les catastrophes naturelles et nuira à la croissance
16 novembre 2017Sebastian Acevedo et Natalija Novta
Les catastrophes naturelles gagnant en fréquence et en intensité, les pays doivent s’armer face à ce danger en investissant dans des infrastructures résilientes (photo : Carlos Garcia Rawlins/Newscom).
Les forces climatiques semblent se déchaîner avec une intensité grandissante. Ouragans dévastateurs aux États-Unis et dans les Caraïbes, feux de forêt incontrôlables en Californie, inondations ravageuses en Inde : le coût humain et économique des phénomènes météorologiques extrêmes est énorme.
Lorsque ces phénomènes entraînent de lourdes pertes matérielles et humaines, ils sont considérés comme des catastrophes naturelles. Ces catastrophes représentent un risque particulièrement important pour les petits pays à faible revenu, car elles peuvent rapidement éliminer une part considérable de leur PIB. Depuis des décennies, le FMI s’engage à aider ses pays membres à répondre aux besoins qui suivent les catastrophes. Le changement climatique va-t-il accroître ces besoins? En d’autres termes, assisterons-nous plus souvent à des catastrophes naturelles dues à des phénomènes météorologiques? D’après notre analyse dans le chapitre 3 de l’édition d’octobre 2017 des Perspectives de l’économie mondiale, la réponse est oui.
Les forces de la nature
Entre 1990 et 2014, le monde a connu plus de 8.000 catastrophes liées aux conditions météorologiques, les inondations, les ouragans et les épidémies étant les plus fréquentes. Sur un échantillon de 228 pays et territoires, nous avons examiné la corrélation historique entre chaque type de catastrophe naturelle d’ordre météorologique — due à un ouragan, une inondation ou un feu de forêt, par exemple — et les conditions climatiques mensuelles au cours des 25 dernières années.
Nous avons observé que les températures et les précipitations sont une indication très importante pour prédire la plupart des catastrophes. Logiquement, les températures élevées sont davantage associées aux catastrophes causées par la sécheresse, les feux de forêts, les vagues de chaleur, les cyclones tropicaux et autres tempêtes. L’existence de précipitations plus abondantes est associée à une moindre fréquence des phénomènes provoqués par les sécheresses, les feux de forêt et les vagues de chaleurs, mais à un plus grand nombre de catastrophes occasionnées par les inondations, les glissements de terrain, les cyclones tropicaux et d’autres tempêtes.
Plus chaud, plus dangereux
Dès lors, dans quelle mesure le changement climatique affectera-t-il la probabilité des catastrophes naturelles? Nous avons combiné nos estimations empiriques, fondées sur les données historiques, avec les projections de températures et de précipitations calculées pour chaque pays par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat dans le scénario ne prévoyant aucune prise de mesures d’atténuation. Nous avons ainsi pu prédire la probabilité de chaque type de catastrophe naturelle d’ordre météorologique en 2050 et en 2100. Dans le scénario sans mesure d’atténuation, les températures mondiales augmenteront d’environ 4 °C d’ici 2100.
Nos conclusions indiquent que la plupart des catastrophes naturelles d’ordre météorologique deviendront plus fréquentes d’ici à la fin du siècle, quels que soient les revenus des pays. La fréquence des catastrophes dues aux vagues de chaleur, aux cyclones tropicaux et aux feux de forêt augmentera considérablement. Bien que les scientifiques s’attendent à une diminution de la fréquence totale des cyclones tropicaux sur une planète de plus en plus chaude, ils estiment que les tempêtes qui en résultent seront plus violentes, entraînant davantage de catastrophes.
De même, les inondations et les épidémies, qui touchent principalement les pays à faible revenu, deviendront également plus fréquentes. Les moustiques et les pathogènes se reproduisent et se propagent plus rapidement dans des environnements plus chauds, d’où un risque accru d’épidémies.
Se préparer au changement
Les catastrophes naturelles gagnant en fréquence et en intensité, les pays doivent se préparer à ce changement. Notre analyse indique en outre que ce risque s’ajoute aux effets négatifs à plus long terme de l’augmentation des températures sur l’activité macroéconomique. Cette combinaison pourrait entraîner une hausse des flux migratoires en provenance des pays touchés, avec des répercussions potentiellement importantes dans le monde entier.
Les pays doivent investir dans des infrastructures qui pourront résister à la montée du niveau de la mer, aux vents violents, et à d’autres risques accrus. Pour réduire les coûts à long terme, il conviendra également d’adapter la législation en matière d’occupation des sols et de construction et d’établir de meilleurs systèmes d’alerte précoce. Mais surtout, lorsque la conjoncture est favorable, les pays doivent épargner afin de constituer des marges budgétaires qui leur permettront de soutenir l’économie après le passage de catastrophes naturelles d’ordre météorologique.
Le changement climatique est une menace pour tous les pays, qu’ils soient avancés ou en développement. Ce n’est qu’en agissant de façon concertée à l’échelle mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre que nous pourrons éviter les conséquences les plus tragiques. La conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP23) qui se tient cette semaine à Bonn sera essentielle pour avancer clairement dans cette direction.
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Sebastian Acevedo est économiste au Département Hémisphère occidental du FMI, où il couvre actuellement l’Équateur. Pendant six ans il a couvert les Caraïbes, traitant des questions liées aux catastrophes naturelles, à la croissance économique, à la productivité, au tourisme, à la dette et aux régimes de change, tout particulièrement dans les petits pays insulaires. Avant de rejoindre le FMI, M. Acevedo était chercheur et maître de conférences à la faculté d’économie et d’affaires internationales de l’Universidad EAFIT (Colombie). Il est titulaire d’une licence en économie de l’EAFIT, d’une maîtrise en commerce international et en coopération économique de l’université Kyung Hee (République de Corée), d’une maîtrise en économie de l’université de Georgetown et d’un doctorat en économie de l’université George Washington.
Natalija Novta est économiste à la Division des études régionales du Département Hémisphère occidental du FMI, où elle effectue des analyses sur l’Amérique latine et les Caraïbes. Elle travaillait auparavant au Département des finances publiques. Avant d’entrer au FMI, elle a travaillé au Conseil des finances publiques de Serbie, au ministère des finances de Serbie et au National Bureau of Economic Research. Elle est titulaire d’un doctorat de l’université de New York. Ses recherches ont porté sur les flux commerciaux, l’emploi dans le secteur public et les conflits.