CComment mieux prédire une récession et s'y préparer?
Par Claudio Raddatz et Jay Surti3 octobre 2017
Une salle de marché à Singapour. Les conditions financières donnent des indices précieux sur les perspectives économiques et peuvent améliorer l'exactitude des prévisions. (photo: Caro/Oberhaeuser/Newscom)
La crise financière mondiale a montré que des périodes de croissance vigoureuse et de stabilité apparente des marchés financiers pouvaient être suivies d'une brusque montée de la volatilité des marchés et d'un repli économique inattendu. C'est pourquoi il est vital que les décideurs surveillent de près l'évolution des «conditions financières», qui englobent de très nombreux facteurs, des rendements obligataires aux taux de change en passant par les cours pétroliers ou le niveau de la dette intérieure.
Une nouvelle analyse, publiée dans le Rapport sur la stabilité financière dans le monde, présente un outil novateur qui permet aux décideurs d'utiliser les informations fournies par les conditions financières pour quantifier les risques qui pèsent sur la croissance future, et de déterminer ainsi les mesures à prendre pour anticiper ces risques.
Conjoncture favorable
Avant la crise, la conjoncture favorable incitait les entreprises et les ménages à prendre des risques. Profitant des taux d'intérêt faibles, ils ont emprunté à tour de bras. La hausse des prix des actifs a fait grimper la valeur des garanties, ainsi que les fonds propres et les bénéfices des banques, permettant à celles-ci de relâcher leurs normes d'octroi de crédit, ce qui a facilité encore les activités d'emprunt et de prêt. Les marchés ont fini par reconnaître les risques inhérents à l'accumulation de ces vulnérabilités, entraînant ainsi une augmentation rapide des coûts de financement et un rationnement du crédit, ce qui a déclenché une succession de défauts de paiement et de faillites bancaires menant à la plus grave récession depuis les années 30.
Comment nos nouveaux outils aident-ils à prédire un repli? Notre analyse recense certaines conditions qui sont souvent annonciatrices de problèmes dans les 12 mois : hausse de la volatilité des marchés, aversion des investisseurs pour le risque et augmentation des écarts de crédit (la différence de rendement entre des titres extrêmement sûrs, tels que les bons du Trésor américain, et celui d'autres formes de dette). Sur une période de deux à trois ans, la hausse du taux d'endettement et la croissance du crédit constituent de meilleurs signaux d'une forte dégradation de la conjoncture économique.
Prix des produits de base
L'importance de ces indicateurs dépend bien sûr du type d'économie concerné. Lorsque le coût de l'emprunt s'élève pour les sociétés et que la perception des risques mondiaux est négative, c'est un mauvais signe pour toute l'économie. Si la hausse du prix des produits de base profite aux pays exportateurs tels que l'Australie, le Canada ou le Brésil, elle augmente le risque de récession dans les pays importateurs.
Que peut-on déduire des conditions financières actuelles? Les écarts de crédit sont faibles, tout comme la volatilité des marchés, ce qui indique des perspectives relativement sûres. Voilà pour les bonnes nouvelles. Mais l'endettement croissant présente des risques à plus long terme. Une augmentation rapide des écarts de crédit accompagnée d'une volatilité accrue des marchés pourrait dégrader considérablement les perspectives de la croissance mondiale.
Heureusement, les décideurs peuvent s'appuyer sur les outils que nous avons élaborés pour prévoir les risques et prendre les mesures qui conviennent. Ils peuvent recourir à des mesures dites «macroprudentielles» pour tempérer la croissance du crédit et réduire le risque de récession : par exemple, obliger les banques à détenir davantage de fonds propres pour faire face aux pertes éventuelles, ou exiger des acomptes plus importants pour l'achat de biens immobiliers par les particuliers. Si la crise semble imminente, les banques centrales peuvent baisser leurs taux directeurs, et certaines mesures appliquées pendant la dernière crise peuvent être envisagées, comme des mesures de rachat d'actifs ou des mécanismes de liquidités d'urgence.
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Claudio Raddatz est Chef de la Division Analyse de la stabilité financière mondiale du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il a été auparavant directeur des départements de politique financière (2014-2017) et de recherche économique (2011-2014) de la banque centrale du Chili, économiste principal au sein du groupe de recherche sur l'économie du développement à la Banque mondiale (2008-2011), et économiste dans la même institution. M. Raddatz a publié de nombreuses études sur des questions macrofinancières. Il est diplômé de l'Université du Chili et titulaire d'un doctorat en économie du Massachusetts Institute of Technology (2003).
Jay Surti est Chef adjoint de la Division analyse de la stabilité financière mondiale du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il a également travaillé au sein des Départements Europe et Afrique du FMI. Ses travaux couvrent les institutions et marchés financiers ainsi que la politique macroprudentielle. Il est titulaire d’un doctorat en économie de l’Université de Boston.