Rentabilité des banques européennes : d’autres mesures s’imposent


John Caparusso
, Rohit Goel et Will Kerry
30 août 2017


Une femme retire de l’argent d’un guichet automatique en Italie : certaines banques européennes ont trop de succursales par rapport au volume de leurs actifs (photo : Martin Moxter imageBROKER/Newscom)

Le secteur bancaire européen a fait des progrès considérables ces dernières années : les banques ont accumulé des fonds propres, la réglementation est plus rigoureuse et la supervision a été renforcée. Cependant, la rentabilité des banques reste faible et fait peser des risques sur la stabilité financière.

Sur un échantillon de plus de 170 grands établissements européens, dont les actifs cumulés se chiffrent à 35.000 milliards de dollars, environ la moitié ont enregistré un faible rendement des fonds propres en 2016, et les banques dont le rendement a dépassé 10 %, niveau jugé correct, ne représentent que 15 % des actifs. La faible rentabilité se traduit également dans le rendement des actifs des banques nationales de nombreux pays européens. Ces résultats décevants s’expliquent par différentes combinaisons de facteurs tels qu’un faible produit, des coûts élevés ou un besoin de provisionnement des actifs improductifs.

Effets sur la stabilité

La reprise économique en Europe devrait stimuler la rentabilité grâce à une remontée des taux d’intérêt, une diminution des provisions pour pertes sur prêts et un redressement du crédit. Cependant, le Rapport sur la stabilité financière dans le monde d’octobre 2016 constatait qu’un redressement cyclique n’allait sans doute pas suffire à rétablir entièrement la rentabilité des banques.

Pourquoi une faible rentabilité constitue-t-elle une menace pour la stabilité financière? Une banque qui n’est pas rentable n’est pas en mesure d’accumuler des réserves pour parer à des pertes inattendues et a souvent du mal à lever des fonds propres lorsqu’elle en a besoin. La faiblesse des rendements limite également la capacité des banques à élargir les perspectives de crédit et pourrait les inciter à prendre des risques plus importants pour redresser la situation.

Ce problème tient-il aux modèles opérationnels suivis par les banques elles-mêmes ou à la structure du système dans lequel elles évoluent? Les deux éléments sont importants. Les modèles opérationnels sont certes à l’origine des problèmes de rentabilité de certains établissements, mais la faiblesse persistante des rendements bancaires dans certains pays indique que des facteurs structurels sont également à l’œuvre. Les banques nationales en sont la manifestation la plus claire car leurs rendements sont davantage tributaires du marché intérieur. Près de trois quarts de ces banques dans notre échantillon, classées par actifs, affichaient un faible rendement des fonds propres en 2016, contre moins de 40 % de leurs homologues tournées vers le marché international.

L’édition d’avril 2017 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI traite de ces difficultés structurelles, parmi lesquelles figure la surbancarisation. Il n’existe pas de définition commune de ce terme, mais ici, il renvoie à un ensemble de facteurs structurels qui influent sur la rentabilité des banques à l’échelle du système. Les causes de la surbancarisation peuvent varier d’un pays à l’autre et aucun aspect ne peut à lui seul expliquer clairement les problèmes de rentabilité dans plusieurs pays, mais trois importantes caractéristiques sont évoquées ci-après. Une autre difficulté structurelle majeure tient au nombre élevé de caisses d’épargne, de coopératives, de banques à vocation spécialisée (telles que les banques de développement) et d’établissements publics, qui peut réduire la rentabilité des autres banques du système. En outre, lorsque les créances improductives tardent à être apurées elles continuent de grever la rentabilité. C’est par exemple ce qui se produit lorsque les procédures de saisie sont longues, ce qui retarde la cession d’actifs improductifs.

Bien des pays s’attaquent à ces problèmes structurels. Au Danemark, en Espagne et aux Pays-Bas, les banques ont sensiblement réduit le nombre de leurs succursales. En Espagne, entre 2009 et 2012, les banques ont subi une profonde concentration accompagnée de réformes visant à renforcer leur gouvernance. En Italie, les banques ont fusionné et une législation a été adoptée en vue de réformer la gouvernance des coopératives. Des mesures ont également été prises pour modifier les cadres juridiques et permettre aux banques de s’affranchir du fardeau des créances improductives. Certaines banques allemandes ont également fusionné. D’autres progrès sont toutefois nécessaires dans les systèmes bancaires en proie aux plus grandes difficultés.

Dans de nombreux cas, la responsabilité du changement incombe aux banques elles-mêmes. Tous les établissements ne peuvent certes pas suivre le même modèle, mais la plupart d’entre eux doivent continuer de restructurer leurs activités pour augmenter leurs rendements, et d’investir dans la technologie pour accroître leur efficience. Les autorités de supervision ont un rôle à jouer dans l’évaluation de la viabilité des modèles opérationnels, comme elles le font de plus en plus, et elles doivent veiller à ce que les banques ne prennent pas de risques excessifs pour tenter d’accroître leur rentabilité.

Dans les systèmes surbancarisés, les autorités doivent continuer d’encourager les banques de petite et de moyenne envergure à se regrouper en veillant à ce que cela s’accompagne de réformes de la gouvernance, au besoin. Cette concentration ne doit pas nécessairement signifier que les banques de grande taille deviennent encore plus grandes, mais plutôt que les établissements de petite ou moyenne envergure unissent leurs forces pour devenir plus solides. Dans les systèmes bancaires dont la qualité des actifs est particulièrement compromise, il faudrait songer à des examens ciblés de cette qualité là où ce type d’évaluation n’a pas encore été fait. Les instances de réglementation doivent alors procéder à la résolution des institutions non viables afin d’éliminer les capacités excédentaires du système bancaire. Une harmonisation plus poussée des pratiques de supervision et des cadres juridiques nationaux devrait aussi améliorer l’efficacité des banques. Il faudrait par ailleurs prendre des mesures pour venir complètement à bout du fardeau des actifs improductifs. Les autorités de supervision doivent veiller à ce que les banques adoptent des stratégies ambitieuses assorties d’échéances pour la cession d’actifs compromis. Enfin, il est indispensable d’achever le programme de réformes réglementaires pour remédier aux faiblesses et lever les incertitudes.

Les efforts déployés par les banques pour adapter leur modèle opérationnel à l'évolution de la réglementation et aux difficultés du marché sont nécessaires mais peut-être pas suffisants. L’action des pouvoirs publics pour améliorer les structures des systèmes peut promouvoir un climat permettant aux banques d’être suffisamment rentables en prenant des risques raisonnables et, ainsi, d’être mieux à même de contribuer à l’économie avec une meilleure maîtrise des risques.
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M. John Caparusso est expert principal sur le secteur financier au sein de la division d’analyse des marchés mondiaux du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il collabore au Rapport sur la stabilité financière dans le monde et traite essentiellement des banques, de la stabilité du système financier ainsi que de la solvabilité et du risque de défaut de paiement des entreprises. Avant de rejoindre le FMI, M. Caparusso a été analyste boursier couvrant des banques et d’autres institutions financières en Chine, à Hong Kong, à Taiwan et dans d’autres pays d’Asie pacifique. Il a vécu en Asie pendant 25 ans. M. Caparusso est titulaire d’un Master en gestion des entreprises privées et publiques de l’Université de Yale et d’une Licence en économie de Swarthmore College.


M. Rohit Goel est chargé d’études au Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il collabore au Rapport sur la stabilité financière dans le monde (chapitre 1) et fait partie de l’équipe de surveillance des marchés du FMI. Ses dernières études ont examiné la stabilité des entreprises américaines et les banques dans le monde en évaluant la rentabilité durable, les défis liés aux modèles de gestion et les obstacles cycliques et structurels à la stabilité. Avant de rejoindre le FMI, M. Goel a été Vice-président adjoint et analyste pour Barclays Asia Equities pendant quatre ans. M. Rohit est titulaire d’une Licence en informatique de l’Indian Institute of Technology à New Dehli, et d’un MBA de l’ Indian Institute of Management à Bangalore. Il est analyste financier expert.


M. Will Kerry est Chef de division adjoint au Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il collabore au Rapport sur la stabilité financière dans le monde et fait partie de l’équipe de surveillance des marchés du FMI. Ses travaux portent sur la capitalisation des banques, l’interdépendance entre les banques et les emprunteurs souverains, le désendettement des banques, l’apport de crédit à l’économie réelle et l’effet de levier. Avant de rejoindre le FMI, il a été économiste principal à la Banque d’Angleterre, chargé des questions liées à la stabilité financière et auteur de son rapport sur la stabilité financière. Il est titulaire d’une Licence en finance et économie de la London School of Economics et d’un Master en histoire de l’Université de Manchester.



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