Une reprise qui s’affermit

Maurice Obstfeld
23 juillet 2017

La reprise mondiale s’affermit : croissance révisée à la hausse pour le Japon, la zone euro, la Chine et, de manière plus générale, les pays émergents et en développement (photo : ISSEI KATO/REUTERS/Newscom).

La reprise mondiale que nous projetions en avril s’affermit et le «nouvel élan» alors annoncé n’est plus marqué d’un point d’interrogation.

Comme dans nos prévisions d’avril, la Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale table sur un taux de croissance de la production mondiale de 3,5 % pour cette année et de 3,6 % pour l’an prochain.

Cette croissance a cependant évolué dans sa répartition à travers le monde : depuis les projections d’avril dernier elle s’est accélérée dans certains pays mais, en contrepartie, a fléchi dans d’autres.

Par rapport à un passé relativement récent, la zone euro enregistre des résultats notables et nous y avons révisé les projections à la hausse. Ont également été revues en hausse les prévisions pour le Japon, la Chine et, de manière plus générale, les pays émergents et en développement d’Asie. Nous constatons aussi des améliorations sensibles dans les pays émergents et en développement d’Europe et au Mexique.

Quel est le revers de la médaille? Du point de vue des perspectives de la croissance mondiale, la révision à la baisse la plus importante concerne les États-Unis. Durant les deux prochaines années, la croissance américaine devrait certes rester supérieure au taux de croissance potentiel à plus long terme, mais nous avons réduit nos prévisions pour 2017 et 2018 à 2,1 %. En effet, à court terme il est moins probable que la politique budgétaire des États-Unis soit aussi expansionniste que prévu en avril. Cela étant, ce taux est nettement supérieur à la timide croissance de 1,6 % enregistrée en 2016. Dans le cas du Royaume-Uni, nos chiffres sont également revus à la baisse pour cette année, en raison de la morosité affichée par l’activité jusqu’à présent. L’impact que le Brexit aura en dernière analyse sur l’économie du Royaume-Uni demeure incertain.

Globalement, il ressort des données récentes que l’économie mondiale devrait connaître la reprise la mieux synchronisée de la dernière décennie. La croissance du commerce mondial monte également en régime, son volume devant progresser plus rapidement que la production mondiale durant les deux prochaines années.

Certaines zones d’ombre subsistent toutefois parmi les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire, notamment chez les exportateurs de produits de base qui continuent de s’adapter à une détérioration des termes de l’échange. L’Amérique latine reste aux prises avec une croissance décevante, et nous avons revu à la baisse les projections de la région pour les deux années à venir. En Afrique subsaharienne, cette année la croissance devrait être supérieure à celle de l’an dernier, mais elle dépassera à peine le taux de croissance démographique, d’où une stagnation des revenus par habitant.

Risques

Le risque existe que nous sous-estimions ou surestimions les résultats effectifs. À court terme, il est possible que la croissance soit encore plus forte en Europe continentale, compte tenu de l’atténuation des aléas politiques. En revanche, beaucoup de pays émergents et en développement ont reçu des flux de capitaux sous forme d’emprunts à des taux favorables, ce qui pourrait présenter des risques d’inversion ultérieure de la balance des paiements. Des tensions pourraient voir le jour si les banques centrales des pays avancés continuaient de manifester une préférence accrue pour le durcissement de la politique monétaire, comme certaines l’on fait durant ces derniers mois. Les tensions d’inflation sous-jacente demeurent faibles dans les pays avancés et les indices d’anticipations inflationnistes à plus long terme ne révèlent aucune tendance vers un dépassement des cibles fixées, aussi les banques centrales devraient-elles continuer de procéder avec prudence en s’appuyant sur les données économiques du moment, pour réduire le risque d’un durcissement prématuré des conditions financières.

Les politiques d’accompagnement en Chine ont contribué aux récents taux de croissance élevés et nous avons augmenté nos prévisions pour 2017 et 2018 de 0,1 et 0,2 point de pourcentage à 6,7 et 6,4 %, respectivement. Cette accélération s’opère cependant au prix d’une expansion rapide du crédit avec les risques que cela comporte pour la stabilité financière. Il convient donc de saluer les initiatives récemment adoptées par la Chine pour gérer les créances improductives et coordonner la supervision financière.

Enfin, la menace de mesures et de ripostes protectionnistes demeure bien présente dans le court et le moyen terme, au même titre que les risques géopolitiques.

Le plus long terme

En dépit de cette embellie des perspectives, les prévisions de croissance à plus long terme restent modérées par rapport aux niveaux historiques; or, une croissance à long terme timide présente également des risques. Dans les pays avancés, les revenus réels médians stagnent et les inégalités se creusent depuis plusieurs décennies. Le chômage est certes en repli, mais la progression des salaires reste atone. Autrement dit, une croissance obstinément faible, outre qu’elle pèserait sur l’évolution des niveaux de vie, risquerait d’exacerber les tensions sociales qui ont déjà poussé certains électeurs à cautionner des politiques économiques de repli sur soi. En revanche, dans les pays émergents, bien que les inégalités y soient généralement plus marquées que dans les pays avancés, les revenus ont sensiblement progressé même au bas de l’échelle.

L’actuelle remontée conjoncturelle offre aux dirigeants une occasion exceptionnelle de s’attaquer à certaines des dynamiques à plus long terme qui contribuent au ralentissement de la croissance sous-jacente. Des réformes structurelles appropriées peuvent relever la production potentielle dans tous les pays, surtout si elles vont de pair avec des politiques budgétaires propices à la croissance, notamment sous la forme d’investissements dans les infrastructures productives, pour autant que le budget de l’État offre la marge de manœuvre nécessaire. En outre, l’investissement dans le capital humain est primordial, qu’il s’agisse d’éducation de base, de formation professionnelle ou de recyclage. Ces initiatives permettront de renforcer la résilience des marchés du travail face à la transformation de l’économie et de relever la production potentielle. Les mêmes politiques qui peuvent aider les pays à s’adapter à la mondialisation — comme le décrit un récent rapport que nous avons produit conjointement avec la Banque mondiale et avec l’Organisation mondiale du commerce — sont également nécessaires de manière plus générale pour relever les défis de la technologie et de l’automatisation.

Le renforcement de la coopération multilatérale est un autre atout déterminant pour la prospérité, dans des domaines très divers tels que le commerce international, la stabilité financière, la fiscalité des entreprises, le climat, la santé et la lutte contre la faim. Dans les pays dont les décisions ont un profond retentissement international, les politiques qui obéissent exclusivement aux intérêts nationaux sont dans le meilleur des cas inefficientes et, au pire, fortement préjudiciables pour tous.


Maurice Obstfeld est Conseiller économique et Directeur du Département des études du FMI, en disponibilité de l’Université de Californie, à Berkeley, où il est professeur d’économie (Class of 1958) et anciennement directeur de la Faculté d’économie (1998–2001). Professeur à Berkeley depuis 1991, il a auparavant occupé les postes de professeur titulaire à Columbia (1979–1986) et à l’Université de Pennsylvanie (1986–89), et de professeur invité à Harvard (1989–90). Il a obtenu son doctorat en économie au MIT en 1979, après avoir étudié à l’Université de Pennsylvanie (licence, 1973) et au King’s College de l’Université de Cambridge (maîtrise, 1975)



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