Le déclin de la part des revenus du travail

Par Mai Dao, Mitali Das, Zsoka Koczan et Weicheng Lian
Affiché le 14 avril 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

Comment fonctionnent les usines dans la plupart des pays avancés? Les temps son révolus où des files d’ouvriers s’affairaient sur des chaînes de montage. Aujourd’hui, ils ne sont plus qu’une poignée, pour la plupart des techniciens assis devant des écrans d’où ils contrôles des équipements de pointe qui assurent le montage autrefois réalisé par des personnes. Les progrès technologiques ne cessant de réduire le coût du capital, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à remplacer l’homme par la machine.

Dans la première partie de ce blog, qui traite du chapitre 3 de l’édition d’avril 2017 des Perspectives de l’économie mondiale, nous avons examiné les avantages économiques des progrès technologiques et de l’intégration mondiale, et en quoi leur dynamique avait agi sur la part du revenu du travail dans les pays avancés et les pays émergents. Dans cette livraison nous examinons plus en détail le phénomène du déclin de la part des revenus du travail de qualification moyenne dans les pays avancés, phénomène encore plus marqué dans les secteurs qui se prêtent davantage à l’automatisation.

Le milieu en perte de vitesse

Entre 1995 et 2009, la part du travail à qualification faible ou moyenne dans le revenu à l’échelle mondiale a chuté de plus de 7 points de pourcentage.

En revanche, la part du travail à qualification élevée dans le revenu a augmenté tant dans les pays avancés que dans les pays émergents. De prime abord, cette évolution pourrait s’expliquer par l’importance grandissante que l’on attache aux aptitudes et qui incitent les travailleurs à en acquérir de nouvelles. À terme, l’offre relative de travailleurs hautement qualifiés dépasse celle des travailleurs moyennement et faiblement qualifiés.

Adieu la routine

Cela étant, nous constatons que les technologies axées sur les routines et l’intégration mondiale y ont également contribué.

Pour parvenir à nos résultats sur les technologies axées sur les routines, nous avons élaboré un nouvel indice transnational  couvrant les pays avancés et les pays émergents. Cet indice mesure la part des emplois qui risquent d’être automatisés; l’évolution des prix des biens d’équipement servant d’approximation aux progrès technologiques.

Nous constatons que les pays (et secteurs) qui au départ présentent un degré élevé de tâches routinières connaissent par la suite un déclin relativement plus important de la part des revenus du travail. Cela vaut pour le secteur manufacturier aux États-Unis et en Italie, par exemple.

Les pays et secteurs qui présentent initialement un faible degré de tâches routinières connaissent quant à eux un déclin moins marqué de la part des revenus du travail. C’est notamment le cas du secteur de la restauration ou de l’hôtellerie aux États-Unis, où les interactions humaines se prêtent moins à l’automatisation.

Le travail à rude épreuve

Il ressort de notre analyse que la technologie et l’intégration mondiale ont principalement touché la part des revenus du travail moyennement qualifié. Ces résultats rejoignent l’idée que la routinisation et les délocalisations réduisent la demande de travailleurs moyennement qualifiés, ce qui contraint ces derniers à accepter une stagnation de leurs salaires ou des emplois à faible qualifications et moins bien rémunérés.

Pour les pays émergents, l’effet de la technologie sur la part des revenus du travail est moins marqué. Cela s’explique non seulement par un degré nettement plus faible d’automatisation initiale, qui a limité le remplacement de la main-d’œuvre par des technologies axées sur les routines, mais aussi par un repli relativement modéré du prix des biens d’équipement.

Gérer les perturbations — éléments de réflexion

Les progrès technologiques et l’intégration économique ont été les principaux facteurs du tassement de la part des revenus du travail, mais ils expliquent aussi pour beaucoup la prospérité qu’a connue le monde. Les gouvernants doivent définir les moyens qui permettront de répartir plus équitablement les fruits de cette dynamique.

Dans les pays avancés, les pouvoirs publics doivent aider les travailleurs à faire face à ces perturbations. L’acquisition de nouvelles aptitudes représente une piste, mais il en est une autre qui consiste à faciliter le redéploiement des travailleurs déplacés vers de nouvelles activités en réduisant le coût de la recherche d’emplois et de la transition.

Les dispositifs de protection sociale et les politiques d’appui aux revenus peuvent également être envisagés comme solutions, encore que ces formules doivent être adaptées aux particularités de chaque pays. Les travailleurs qui perdent leur emploi à cause des technologies, par opposition à ceux qui souffrent des conséquences des échanges commerciaux, risquent d’être touchés de manière plus permanente. Leur situation exigera des mesures de redistribution plus durables pour les aider à faire face à cette problématique.

Les gouvernements des pays émergents devraient mettre à profit l’expérience de leurs homologues des pays avancés. L’investissement dans l’éducation et dans le renforcement des aptitudes est vital pour aider les travailleurs à recueillir les fruits de la transformation économique issue des technologies et de l’intégration mondiale.

La solution consiste, non pas à résister à l’innovation ou à refuser l’intégration mondiale, mais plutôt à les mettre à profit en se préparant à faire face aux perturbations et à recueillir les fruits de cette dynamique.

******Mai Chi Dao est économiste à la Division de l’économie ouverte du Département des études du FMI. Elle s’intéresse particulièrement aux grandes tendances macroéconomiques internationales et à l’évolution de l’économie du travail, sur lesquelles elle a publié des articles dans diverses revues spécialisées. Elle a travaillé au Département Europe du FMI et à la Bundesbank. Elle est titulaire d’un doctorat d’économie de l’Université de Columbia et d’un diplôme de l’Université libre de Berlin.


Mitali Das est Assistante du Directeur du Départent des études du FMI. Elle a co-présidé le Rapport sur le secteur extérieur (2014, 2015), et a occupé diverses fonctions à la Division de l’économie ouverte et à la Division de la surveillance multilatérale du Département des études. Elle a été précédemment Professeure associée d’économie à l’Université de Columbia, a enseigné au Dartmouth College, à Harvard et à l’Université de Californie à Davis. Elle est titulaire d’un doctorat du Massachusetts Institute of Technology.


Zsoka Koczan est économiste à la Division des études économiques mondiales du Département des études du FMI. Elle a travaillé précédemment au Département Europe du FMI. Avant de rejoindre le FMI en 2013, elle a travaillé à la Banque européenne de reconstruction et de développement. Elle s’intéresse à la microéconomie appliquée, aux inégalités et aux migrations. Elle est titulaire d’un doctorat de l’Université de Cambridge.


Weicheng Lian  est économiste au Département des études du FMI. Il a travaillé précédemment au Département Europe du FMI. Il s’intéresse à la macrofinance, notamment aux tendances et cycles du logement, ainsi qu’à l’évolution structurelle de l’économie mondiale. Il est titulaire d’un doctorat d’économie de l’Université de Princeton.



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