En quoi une faible croissance persistante peut-elle redéfinir les contours du secteur financier?

Par Gaston Gelos et Jay Surti
Affiché le 6 avril 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

Qu’adviendra-t-il si les pays avancés restent enlisés dans une morosité persistante marquée par une croissance molle, des taux d’intérêt bas, des populations vieillissantes et une productivité en stagnation? Le Japon offre un exemple éloquent de l’impact d’une telle conjonction de facteurs sur les banques. Il ressort en outre des analyses du FMI que les effets pourraient être considérables sur les compagnies d’assurances, les fonds de pension et les sociétés de gestion d’actifs.


D’aucuns avanceront que ce scénario de malaise économique a déjà pris forme. Après tout, les taux d’intérêt et la croissance économique sont faibles depuis la crise financière de 2008. La question est de savoir si ce contexte post-crise représente une rupture temporaire avec le rythme de croissance auquel nous étions habitués depuis la Seconde guerre mondiale ou bien s’il marque le début d’une nouvelle normalité. Malgré la récente hausse des rendements à long terme dans certains pays avancés, l’expérience japonaise montre qu’il est difficile d’affirmer qu’une sortie de la trappe à taux et croissance faibles est imminente ou permanente.

Des marges contractées

Le Chapitre 2 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde du FMI s’intéresse à l’impact potentiel d’une période de stagnation prolongée. Certaines répercussions se font déjà sentir. La courbe des rendements, à savoir l’écart entre les taux d’intérêt à court terme et à long terme, s’est aplatie. Pour les banques, qui empruntent généralement à des taux bas sur le court terme pour prêter sur des périodes plus longues à des taux plus élevés, ce contexte se traduit par une baisse des revenus. Par ailleurs, il est généralement difficile pour les banques de baisser en dessous de zéro les taux d’intérêt appliqués aux dépôts, si bien que les taux bas tendent à comprimer les marges. Or, compte tenu de la baisse probable de la demande de crédit de la part des ménages, consécutive au vieillissement démographique et à l’apathie de la croissance, l’augmentation des volumes de prêts ne suffira pas à compenser la faiblesse des marges. En revanche, la demande de services de transactions assortis de commissions devrait progresser.

Intéressons-nous plus en détail aux effets d’un scénario de stagnation durable :


Les banques de petite taille, peu diversifiées et financées par les dépôts seront les plus affectées par un tel scénario. Elles pourraient être contraintes de réduire leurs coûts afin de préserver leurs bénéfices, avant peut-être d’être absorbées par des fusions ou de faire faillite.

• Les banques de grande taille devraient se diversifier à l’étranger, en quête de débouchés nouveaux et plus porteurs dans des pays émergents.

• Les compagnies d’assurance vie verront aussi leurs bénéfices et leur solvabilité menacés. Leurs actifs ou leurs investissements, tels que des obligations, présentent souvent des échéances plus courtes que celles de leurs passifs ou des contrats qu’elles établissent. Cela implique qu’elles pourraient être contraintes de réinvestir leurs actifs arrivant à échéance à des rendements plus faibles, tout en continuant d’effectuer des versements élevés sur leurs contrats. Par conséquent, elles pourraient avoir à lever davantage de capitaux.

• Les fonds de pension, à l’instar des compagnies d’assurance vie, pourraient voir leurs besoins de capitaux augmenter. À long terme, ils pourraient également être poussés à réduire leurs prestations. La transition depuis des régimes à prestations définies vers des régimes à cotisations définies se poursuit.

• Les gestionnaires d’actifs voient leur part de marché grandir car de plus en plus de particuliers placent leur épargne retraite dans des actions, des obligations et des fonds communs de placement. Ils pourront également grignoter l’activité des compagnies d’assurances, les épargnants recherchant des alternatives aux produits garantis tels que les contrats d’assurance vie entière, dont les rendements ont baissé.

Quelle doit être la riposte des dirigeants et des instances de réglementation face à ces mutations du paysage financier? Voici quelques principes généraux :

• Faciliter la consolidation ou la liquidation des entreprises défaillantes, en permettant aux banques restantes d’améliorer leur rentabilité;

• Limiter les dispositions qui incitent les banques à prendre des risques financiers excessifs;

• Adopter des dispositifs qui considèrent la position financière des compagnies d’assurances et des fonds de pension en évaluant leurs actifs et leurs passifs en fonction de leur valeur économique, s’ils ne l’ont pas déjà fait.

De plus, la supervision des sociétés de gestion d’actifs devra sûrement être renforcée en raison de leur rôle de plus en plus important dans le système financier. Les régulateurs pourront également être amenés à surveiller les menaces à la stabilité financière engendrées par l’intérêt grandissant que suscitent les fonds passifs indexés, ce qui pourrait réduire la diversité des investissements et encourager des comportements grégaires chez les gestionnaires de fonds.

******

Gaston Gelos est Sous-directeur du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI, où il dirige la Division de la monnaie et des politiques macroprudentielles. Auparavant, il a occupé plusieurs postes au Département des marchés monétaires et de capitaux, à l’Institut du FMI, au Département des études, et aux Départements Europe et Hémisphère occidental, notamment en tant que Représentant résident du FMI en Argentine et en Uruguay. Ses travaux, qui couvrent un large éventail de thèmes macrofinanciers, ont été publiés dans des périodiques universitaires de premier plan. Il est titulaire d’un doctorat de l’université de Yale et d’un Diplom de l’université de Bonn.


Jay Surti est Chef adjoint de la Division analyse de la stabilité financière mondiale du Département des marchés monétaires et de capitaux du FMI. Il a également travaillé au sein des Départements Europe et Afrique du FMI. Ses travaux couvrent les institutions et marchés financiers ainsi que la politique macroprudentielle. Jay Surti est titulaire d’un doctorat en économie de l’université de Boston.



DÉPARTEMENT DE LA COMMUNICATION DU FMI

Relations publiques    Relations avec les médias
Courriel : publicaffairs@imf.org Courriel : media@imf.org
Télécopie : 202-623-6220 Télécopie : 202-623-7100