Les exportations de services, une voie nouvelle vers la prospérité

Par Prakash Loungani, Chris Papageorgiou et Ke Wang
Affiché le 5 avril 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

Les services, qui représentent déjà 50 % du revenu mondial et 70 % des emplois, deviennent aussi un élément important du commerce international. Les exportations de services—qui comptent pour près d’un quart de l’ensemble des exportations—jouent désormais un rôle central dans l’économie mondiale grâce, en grande partie, aux progrès de la technologie.


La baisse rapide du coût des télécommunications, l’expansion d’Internet dans le monde et la prolifération des services Internet à haut débit permettent de fournir des services très éloignés des prestataires. Certes, il faut toujours se rendre chez son coiffeur pour se faire couper les cheveux, mais beaucoup d’autres services comme l’assurance ou les diagnostics médicaux n’exigent plus que le prestataire soit à proximité de son client.

Dans notre nouvelle étude, nous suivons cette évolution à l’aide d’un ensemble de données abondantes et détaillées sur les échanges internationaux de services. Nous montrons que ces échanges virtuels de services non seulement sont en train de rejoindre les exportations de biens dans de nombreux pays, mais aussi peuvent constituer de nouvelles sources de croissance qui pourraient améliorer la productivité et créer des emplois, en particulier dans les pays émergents et en développement.

Une nouvelle source de croissance pour les pays en développement

Nombreux sont les pays qui peuvent tirer profit de ces avancées technologiques, et la hausse des exportations de services ne se limite donc pas aux pays avancés. Les exportations de services des pays en développement ont été multipliées par dix depuis 1990, et ont progressé deux fois plus vite que dans les pays avancés. La part des pays en développement est ainsi passée de 3 % en 1970 à près de 20 % en 2014. Cette augmentation ne s’explique pas seulement par une hausse des exportations des services traditionnels comme les voyages et les transports. Elle est également due aux services modernes à contenu technologique comme les services aux entreprises (recherche et développement et conseils notamment), les services d’informatique et d’information, les services financiers et la propriété intellectuelle.


D’après des données récentes, il semble que les mêmes mécanismes qui, par le passé, on fait de l’industrie manufacturière le principal moteur de la croissance, fassent aujourd’hui augmenter la productivité dans les services. Grâce à la technologie, les services sont de plus en plus éclatés : une activité peut désormais être décomposée en plusieurs tâches qui sont effectuées dans des lieux différents. C’est le cas de l’externalisation des processus d’entreprise (BPO) et des services bancaires en ligne. Tout comme dans le secteur des biens, la productivité des services peut s’améliorer grâce à la spécialisation (une division du travail plus poussée) et aux économies d’échelle (baisse des coûts unitaires de production).

Une nouvelle série de données pour suivre l’évolution des exportations de services


S’il est sans doute trop tôt pour déterminer avec certitude si les moteurs de la croissance passent effectivement de l’industrie manufacturière aux services, la hausse des exportations de services est un phénomène majeur, qui mérite d’être suivi. Notre étude y contribue en introduisant une nouvelle série de données sur les échanges internationaux de services dans 192 pays de 1970 à 2014. Nous avons exploité les données de la base de données des statistiques de la balance des paiements du FMI pour suivre l’évolution de 66 filières d’exportation dans les services. Un portail internet donne accès à ces données et produit des graphiques et des faits stylisés.

À l’aide de ces données abondantes, nous avons mis en évidence les tendances mondiales des exportations de services et les différences, selon les pays, de plusieurs aspects des exportations de services. Au niveau mondial, les services d’informatique et d’information et les services financiers apparaissent comme deux des secteurs les plus importants du panier des exportations de services. En 2014, les exportations mondiales de services d’informatique et d’information ont atteint 300 milliards de dollars, soit 10 % du total. De même, les exportations de services financiers ont augmenté rapidement et ont repris depuis la récession mondiale, pour s’établir à près de 350 milliards de dollars en 2014.

Ce graphique illustre la part d’un échantillon de pays dans les exportations mondiales de services en 1990 et 2014. Les États-Unis sont restés le premier exportateur de services, mais leur importance a nettement diminué. Bien qu’elle soit surtout connue comme exportatrice de biens, la Chine est également devenue un exportateur de services important (au cinquième rang en 2014). L’Inde, réputée pour ses exportations de services de BPO et de services de support dans la finance et la médecine, fait maintenant partie des dix premiers pays, sa part ayant triplé pour atteindre plus de 3 % des exportations de services dans le monde entre 2000 et 2013. La Thaïlande, le Brésil, l’Indonésie et l’Égypte font partie des 30 premiers pays et progressent rapidement.


Conséquences sur les stratégies de croissance

Notre ensemble de données peut aider les chercheurs et les décideurs à étudier l’importance croissante des services modernes dans l’économie mondiale et le rôle des exportations de services dans le processus de transformation structurelle. Les services traditionnels comme le transport, les voyages ou le commerce de détail nécessitent encore une présence physique. Cependant, eux aussi ont intérêt à devenir partie intégrante des chaînes de valeur mondiales. Ils peuvent faire davantage l’objet d’échanges internationaux, les coûts ayant considérablement diminué grâce aux percées de la technologie, notamment l’efficience énergétique. En outre, le rôle grandissant des exportations de services modernes s’observe dans des pays à différents niveau de revenu, et en fait l’un des secteurs du commerce mondial qui connaît la croissance la plus rapide.

De nombreux pays émergents comme la Chine et l’Inde cherchent des sources de croissance tirées par les services. Une telle croissance offre également des perspectives de diversification et de compétitivité aux pays à tous les stades de développement, en particulier aux pays riches en ressources naturelles et à faible revenu. Aujourd’hui, les services contribuent largement à la productivité de nombreuses industries manufacturières. En effet, les pays ont besoin de services pour développer ce secteur puisqu’ils utilisent par exemple les services des technologies de l’information et de la communication pour rendre leur production plus efficiente et moins coûteuse.

Le commerce des services ouvre des possibilités de réaffectation de la main d’œuvre et de création d’emplois, et pourrait contribuer à résoudre le problème de la polarisation accrue des marchés du travail. Des données préliminaires permettent de dire que les pays qui connaissent la plus forte croissance des exportations de services voient aussi leur emploi progresser plus rapidement. Par ailleurs, le commerce des services a mieux résisté aux chocs et aux crises financières que le commerce des biens, et les exportations de services des pays en développement ont généralement été plus résilientes que celles des pays avancés.

Tout le monde y gagne, dans le monde entier

Cet aperçu de nos données semble indiquer que l’exportation des services pourrait changer la donne et être un moyen de favoriser l’intégration économique mondiale. Le commerce des services de très haute technologie pourrait aider les pays avancés à conserver un certain avantage concurrentiel. De même, les nouvelles possibilités d’échanger les services peuvent favoriser les stratégies de diversification des pays riches en ressources naturelles et des pays à faible revenu. Enfin les services pourraient ouvrir la voie vers une croissance inclusive dans de nombreux pays, en donnant des débouchés professionnels aux femmes par exemple.
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Prakash Loungani est chef de la Division de macroéconomie du développement au sein du Département des études du FMI. Il a coprésidé le groupe de travail « Emploi et croissance » du FMI de 2011 à 2015. Il est également professeur de gestion associé à l’Owen Graduate School of Management (Université Vanderbilt), où il enseigne dans le cadre du programme de MBA destiné aux cadres depuis 2001, et Senior Fellow à l’OCP Policy Center.


Chris Papageorgiou est Chef adjoint de la Division de macroéconomie du développement au sein du Département des études du FMI. Il travaillait auparavant au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. Depuis qu’il a rejoint le FMI en 2006, il a travaillé sur l’Ouganda, la Tanzanie et les États-Unis, et a dirigé les travaux de politique générale du FMI sur diverses questions concernant les pays à faible revenu. Il est aujourd’hui chef de mission pour le Vanuatu. Ses travaux d’analyse portent principalement sur la croissance économique et la macroéconomie internationale. M. Papageorgiou est l’auteur de nombreuses publications et est rédacteur en chef adjoint de l’European Economic Review et de l’IMF Economic Review.  


Ke Wang est économiste à la Division de macroéconomie du développement au sein du Département des études du FMI. Elle a travaillé auparavant au Département hémisphère occidental, au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation et au Département Afrique du FMI, et au Département Asie de l’Est et Pacifique de la Banque mondiale. Elle a consacré ses travaux à l’économie internationale, à la théorie monétaire et au développement. Mme Wang est titulaire d’un doctorat en économie d’American University.



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