OPEP : un exercice de rééquilibrage

Par Rabah Arezki et Akito Matsumoto
Affiché le 15 mars 2017 par le blog du FMI - iMFdirect

En novembre 2014, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) décidait de maintenir la production de pétrole malgré une apparente surabondance mondiale, ce qui a provoqué une forte chute des cours.

Deux ans plus tard, le 30 novembre 2016, l’OPEP changeait son fusil d’épaule et s’engageait à réduire de 1,2 million de barils par jour la production de pétrole brut pendant six mois pour la ramener à 32,5 millions de barils par jour (soit une baisse de 3,5 %) à compter de janvier 2017. En conséquence, les cours ont légèrement remonté et se sont quelque peu stabilisés.


Ce répit risque pourtant d’être de courte durée car la hausse des prix va vraisemblablement stimuler la production d’autres hydrocarbures dont les gisements peuvent être mis en exploitation rapidement. La chute brutale des cours observée récemment, qui s’explique par des stocks de pétrole plus importants que prévu aux États-Unis, rappelle le caractère temporaire du répit qu’apporte l’accord de l’OPEP.

L’accord de l’OPEP

L’Arabie saoudite, l’Iraq, les Émirats arabes unis et le Koweït sont les plus durement touchés par la réduction décidée par l’OPEP, qui pourrait être reconduite de six mois, tandis que certains pays membres de l’Organisation, comme le Nigéria et la Libye, en ont été dispensés. De plus, plusieurs pays producteurs non membres de l’OPEP se sont associés à cette décision et ont convenu de réduire leur production de l’ordre de 600 000 barils par jour. La Russie s’est engagée à une diminution correspondant à la moitié, et 10 autres pays producteurs non membres de l’OPEP ont convenu de participer à la réduction des 300.000 barils par jour restants.

Ces accords ont semble-t-il équilibré l’offre et la demande, avec un prix du baril qui s’établit légèrement au-dessus de 50 dollars, essentiellement du fait que les pays membres de l’OPEP ont bien respecté le volume de production fixé en novembre. L’OPEP a annoncé que ce volume était respecté à près de 90 % en janvier, ce qui tranche nettement avec les accords de production précédents, qui étaient généralement peu respectés. Selon certaines indications, ce taux est inférieur mais l’Arabie saoudite a annoncé qu’elle mettra tout en œuvre pour rendre l’accord plus crédible, et a réduit sa production davantage que ne le prévoyait l’accord.

Cela étant, plusieurs menaces pèsent sur l’efficacité de l’accord, y compris à court terme. Certains pays membres de l’OPEP (l’Iraq, la Libye et le Nigéria) ont augmenté leur production depuis octobre. De plus, les pays producteurs non membres de l’OPEP non seulement ont moins réduit leur production que les pays membres, mais ne sont pas tenus d’atteindre leurs objectifs de production aussi rapidement. Ainsi, jusqu’à présent, la Russie n’a diminué sa production que de 120 000 barils par jour sur les 300.000 barils promis. Enfin d’après certains analystes, une partie des réductions prévues sont fictives, et résultent d’un recul naturel par rapport à un volume de production historiquement élevé, et non pas de baisses volontaires.

La menace du pétrole de schiste


La plus grande menace qui pèse sur les tentatives de stabilisation des cours pourrait bien venir des producteurs de pétrole de schiste. La hausse de 6 dollars le baril du prix au comptant du pétrole, après les signes, en septembre, que les pays de l’OPEP allaient signer un accord de production, devrait stimuler les investissements dans la production pétrolière en 2017, après un recul marqué les deux années précédentes. Une remontée de la production de pétrole de schiste aux États-Unis pourrait compenser rapidement une grande partie de la baisse de production des pays membres et non membres de l’OPEP car les puits de schiste peuvent commencer à produire dans l’année qui suit le premier investissement, contrairement aux investissements dans les hydrocarbures traditionnels qui mettent plusieurs années à porter leurs fruits.

L’effet schiste s’est produit par le passé. Au début de 2014, alors que l’offre devenait excédentaire, le cours du pétrole est resté autour de 100 dollars le baril car les acteurs du marché s’attendaient à ce que l’OPEP diminue la production pour soutenir les prix. Un prix plancher s’est ainsi créé, qui a encouragé les pays non membres de l’OPEP à produire non seulement du pétrole de schiste, mais aussi des hydrocarbures d’origine relativement coûteuse. Ce prix plancher n’a pas tenu longtemps car l’offre excédentaire s’est accumulée et les cours du pétrole ont commencé leur chute, qui s’est précipitée après la réunion de novembre 2014 de l’OPEP.


Même si l’OPEP est aujourd’hui plus à même de respecter le dernier accord de production, il faut s’attendre à une succession d’événements similaire car le pétrole de schiste réagit rapidement à l’évolution des cours. Aux États-Unis, les investissements dans le pétrole de schiste ont très nettement reculé après la chute des cours du pétrole qui a commencé en 2014 et la production a diminué en quelques mois. La reprise des cours en 2016 a contribué à stimuler les investissements, et cette tendance s’est confirmée après l’annonce en septembre 2016 en Algérie que l’OPEP comptait réduire sa production. Dès février 2017, la production américaine, mesurée par le nombre de puits en exploitation, a atteint son plus haut niveau depuis novembre 2015.

De plus, la menace du pétrole de schiste s’intensifie car aux États-Unis, les producteurs sont devenus plus efficients en améliorant leurs opérations et en étant plus sélectifs dans le choix des puits à exploiter. Bien qu’à terme, la capacité de production de pétrole de schiste soit incertaine, le comportement de cette production est devenu un aspect essentiel du nouveau marché pétrolier et va se traduire par des cycles de production et de prix plus limités et plus courts.

Concrètement

L’accord de production de l’OPEP a accéléré le rééquilibrage du marché pétrolier, vers une situation où l’offre de pétrole correspond à la demande et s’accompagne d’une stabilité des prix. Cet accord devrait réduire l’excès d’offre, du moins provisoirement. Cependant, sur le marché pétrolier à terme, les cours semblent indiquer que les anticipations sont fermement ancrées autour de 50 dollars le baril. Les mécanismes libérés par l’accord de l’OPEP vont limiter son efficacité dans les années qui viennent.
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Rabah Arezki est Chef de l’Unité matières premières du Département des études du FMI. Il a travaillé sur l’énergie, les matières premières, la macroéconomie internationale et l’économie du développement. Il a participé à différentes missions du FMI en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale, et a dirigé plusieurs d’entre elles. Il est également chercheur non-résident à la Brookings Institution et à l’Université d’Oxford. Il est l’auteur de nombreux articles dans des revues à comité de lecture et a codirigé plusieurs ouvrages et numéros spéciaux de revues universitaires. M. Arezki est rédacteur en chef de l’IMF Research Bulletin et membre du comité de rédaction de la Revue d’économie du développement. Il est diplômé de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique de Paris et titulaire d’un doctorat de l’Institut universitaire européen de Florence.


Akito Matsumoto est économiste à l’Unité des matières premières du Département des études du FMI, où il suit l’évolution des marchés de matières premières et étudie leurs interactions avec l’économie mondiale. Il a été économiste à l’Institut de recherche Nomura et à la Nomura Securities Co., avant de s’inscrire au programme de doctorat de l’Université du Wisconsin. M. Matsumoto a aussi travaillé à la Banque d’Angleterre et au Conseil des gouverneurs au cours de ses études universitaires.

 



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