La voie vers une croissance forte dans les pays à faible revenu
Par Tao Zhang et Vladimir Klyuev12 janvier 2017
Les pays à faible revenu ont besoin d’infrastructures pour fortifier leur croissance. Une nouvelle analyse du FMI examine les moyens de vaincre les obstacles.
Le compte à rebours du Programme de développement durable à l'horizon 2030 est lancé et, bien que l’investissement – élément essentiel du programme – soit en augmentation depuis quelques années dans les pays à faible revenu, leur croissance est encore freinée par le manque d’infrastructures. Les gouvernements doivent agir de manière résolue pour créer les conditions d’une économie florissante, à savoir des routes pour se rendre jusqu’aux marchés, de l’électricité pour faire tourner les usines, des installations sanitaires pour prévenir les maladies et des réseaux d’adduction pour fournir de l’eau propre.
La modernisation et l’extension des équipements de transport, de télécommunications et de services d’utilité publique sont donc essentielles aux stratégies de développement de nombreux pays.
Quels sont les défis à relever et que faut-il faire pour atteindre les objectifs dans les pays à faible revenu? Un chapitre d’un récent rapport du FMI est consacré à ces questions.
Endettement élevé, ressources insuffisantes et contraintes de capacité
Dans beaucoup de pays à faible revenu, les niveaux d’endettement public se sont élevés et les conditions de financement se sont durcies, ce qui accroît la difficulté et les risques liés à l’obtention de prêts pour investir dans les projets d’infrastructure. Rien qu’en 2015, le ratio dette publique/PIB est passé de 34 à 42 %.
Une enquête révèle que l’obtention de financements extérieurs et les contraintes de capacité administrative constituent des obstacles majeurs à la montée en échelle de l’investissement public d’infrastructure dans les pays les plus vulnérables. Dans les pays à faible revenu mieux connectés aux marchés financiers mondiaux, le principal problème est l’insuffisance de ressources financières intérieures.
Un rattrapage à opérer sur plusieurs fronts
Étant donné le caractère limité de leurs ressources, les pays pauvres ont beaucoup à gagner d’une amélioration de l’efficience de leur investissement public. Comme le montre une récente analyse du FMI, la rentabilité des investissements publics, généralement plus faible que dans les autres États, est également très variable d’un pays à l’autre. Les grands principes à observer pour améliorer l’efficience de l’investissement public sont bien compris – par exemple, réserver les dépenses d’équipement aux projets les plus productifs – mais les mécanismes institutionnels pour les mettre en œuvre (analyse coûts-avantages rigoureuse, transparence des marchés public) ne sont pas toujours en place.
Accroître les ressources intérieures grâce à l’impôt peut élargir la marge de manœuvre pour financer les domaines prioritaires comme l’infrastructure. Toutefois, malgré quelques progrès, les pays pauvres dégagent moins de recettes fiscales que les autres, notamment à cause de la moindre efficience de leurs activités de recouvrement. Par conséquent, une amélioration de l’administration fiscale, un élargissement de l’assiette d’imposition, la suppression des niches fiscales injustifiées, la rationalisation des dépenses, et dans certains cas, le relèvement des taux d’imposition, aideront ces pays à disposer de ressources budgétaires nécessaires au financement d’infrastructures.
Les apports concessionnels devront encore jouer un rôle important dans le financement du développement pour les pays à faible revenu. Augmenter les fonds propres des banques multilatérales de développement et changer la manière dont elles déploient leur capital permettrait de procurer davantage de ressources aux pays les plus pauvres.
L’émergence de nouveaux donateurs bilatéraux, en particulier la Chine, et de nouvelles institutions, comme la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, a apporté de nouvelles ressources financières au développement.
Cela étant, beaucoup de pays donateurs potentiels connaissent eux-mêmes des difficultés budgétaires, ce qui réduit les chances de voir s’accroître le financement de la part des bailleurs de fonds multilatéraux et bilatéraux. En tout état de cause, beaucoup d’observateurs s’accordent à dire que même une augmentation de l’aide publique au développement ne suffira pas à satisfaire le besoin d’investissement lié aux Objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Impliquer le secteur privé
Dans les pays à faible revenu, l’investissement purement privé dans l’infrastructure est extrêmement faible, hormis dans le secteur des télécommunications mobiles, mais cette exception notable démontre que le modèle peut être viable. Quelques applications à petite échelle dans d’autres secteurs, comme des micro-réseaux solaires, confirment cette hypothèse.
Il est aussi possible de combiner capitaux publics et privés sous forme de partenariats, modèle relativement fréquent en production d’électricité. Bien-sûr, un cadre institutionnel solide et une gestion rigoureuse des partenariats public-privé sont indispensables pour éviter que ces structures n’alourdissent indument les risques budgétaires.
Comment attirer les capitaux privés dans l’investissement d’infrastructure?
La première condition est d’avoir un environnement économique favorable, c’est-à-dire notamment des conditions macroéconomiques stables et une certaine prévisibilité des politiques et des réglementations. Mais cela ne suffit pas forcément. Beaucoup d’autres obstacles peuvent empêcher l’investissement privé d’accéder à des projets viables, bien qu’il existe des volumes considérables de capitaux institutionnels (de l’ordre de 100 000 milliards de dollars dans les pays avancés) en quête de rentabilités correctes. Les compétences manquent dans les pays à faible revenu pour monter des projets qui offrent un équilibre risque-rentabilité acceptable pour les investisseurs privés.
Les banques multilatérales de développement aident les pays en développement à surmonter beaucoup de ces difficultés. Il existe une multitude de dispositifs d’assistance au montage de projets, qui permettent de structurer des projets viables, par exemple le Mécanisme mondial de financement des infrastructures, qui dispose d’une capitalisation initiale de 100 millions de dollars.
En outre, les banques de développement catalysent l’investissement privé grâce à différents instruments d’atténuation du risque : assurances contre le risque politique, garanties de crédit, dette subordonnée notamment. Il s’agit là d’un axe très prometteur, mais les progrès sont encore limités.
Le FMI dispose d’outils
Le FMI peut aider ses membres dans cette nécessaire montée en échelle de l’investissement d’infrastructure. Son Initiative pour le soutien aux infrastructures se compose d’une série d’outils permettant aux pays d’évaluer les conséquences macroéconomiques et financières de différents programmes d’investissement et de différentes stratégies de financement, et de renforcer les capacités institutionnelles de gestion de l’investissement public.
Ces outils ont déjà été employés dans de nombreux pays, parmi lesquels le Cambodge, le Honduras, la République kirghize et le Togo. Le FMI consacre également un cinquième de son soutien en matière de renforcement des capacités nationales aux domaines de la politique et de l’administration fiscales, qui sont cruciaux pour la mobilisation des recettes intérieures.
M. Tao Zhang est Directeur général adjoint du FMI depuis le 22 août 2016. Il apporte à cette fonction une vaste expérience de l’économie internationale et de l’élaboration de politiques économiques, fruit des années passées au sein d’institutions financières internationales et aux postes de Gouverneur adjoint de la Banque populaire de Chine (BPC) et d’Administrateur du FMI pour la Chine de 2011 à 2015.
Avant de devenir de Gouverneur adjoint de la BPC, M. Zhang y a assuré diverses fonctions de haut niveau : Directeur général des affaires juridiques, Directeur général du Département international et Directeur général du Département des études et statistiques financières. M. Zhang a également œuvré au sein de la Banque mondiale (1995-1997) et de la Banque asiatique de développement (1997-2004). Il est titulaire d’une maîtrise et d’un doctorat en économie internationale de l’université de Californie à Santa Cruz, et d’une licence de génie électrique et d’une maîtrise de finances de l’université Tsinghua de Beijing.
Vladimir Klyuev est Chef adjoint de l’Unité de la stratégie pour les marchés en développement au sein du Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. Au cours de sa carrière au FMI, il a travaillé sur un certain nombre de pays avancés, émergents et à faible revenu. Il a aussi passé plusieurs années au Département des études du FMI où il s’est intéressé aux questions multilatérales, et a enseigné à l’Institut du FMI (l’actuel Institut du FMI pour le développement des capacités). M. Klyuev est l’auteur d’un grand nombre d’articles et de communications théoriques et empiriques sur divers sujets tels que les régimes de change, l’épargne des ménages ou le ciblage d’inflation. Il est titulaire d’un doctorat d’économie politique de l’université Harvard, d’une maîtrise d’affaires publiques de l’université d’Indiana à Bloomington et d’un diplôme d’ingénieur-chercheur en physique nucléaire de l’université technologique de Saint Pétersbourg.