Qualité de l'éducation et dépense publique
Globalement, la qualité de l'éducation au Maroc, mesurée à partir des scores obtenus par les élèves marocains aux tests internationaux «Tendances de l'enquête internationale sur les mathématiques et les sciences» (TEIMS), est parmi les plus faibles de la région MOAN. Le taux de décrochage reste élevé et 72 % des élèves quittent le système d'enseignement sans qualification (voir graphique 1).
• Il est largement reconnu que l'inadaptation des compétences constitue un obstacle à l'emploi des jeunes, à la compétitivité, à l'exercice d'activités à plus haute valeur ajoutée et à la croissance potentielle. La majorité des jeunes marocains choisit d'étudier les sciences sociales plutôt que les sciences dures, l'ingénierie et la gestion d'entreprises.
• Les dépenses publiques consacrées à l'éducation sont assez élevées au Maroc et elles sont en augmentation. En 2014, le budget de l'éducation représentait 5,9 % du PIB et 21,3 % des dépenses publiques totales. Depuis 2002, il progresse presque chaque année de plus de 5 % (voir graphiques 2 et 3).
La voie à suivre: réaliser des gains d'efficience
Ce vif contraste entre le niveau des crédits consacrés à l'éducation et les résultats en la matière laisse penser que la priorité absolue est d'améliorer l'efficience de ces dépenses. Nos analyses confirment que les gains d’efficience potentiels au Maroc sont considérables.
• Nos travaux montrent que le déficit d'efficience des dépenses d'éducation (mesuré par l’écart entre les scores TEIMS potentiel et effectif pour un même montant de dépense publique) est le troisième plus important d'un échantillon de 34 pays. En l’éliminant, les scores marocains pourraient augmenter de 53 points pour un montant identique de dépense publique par élève (voir graphique 4).
Il ressort de l'expérience internationale que certaines mesures peuvent permettre un emploi plus efficient des ressources publiques affectées à l'éducation.
• Nos analyses montrent également qu’à l’échelle internationale, le déficit d'efficience des dépenses publiques est surtout imputable à la gestion et à la gouvernance du secteur public, et notamment à une corruption à petite échelle, au détournement de fonds publics (au profit d'entreprises, de personnes ou de groupes, du fait de la corruption), et au degré de formation et à l'absentéisme des enseignants (voir graphiques 5 et 6).
• Parmi les réformes qui devraient beaucoup contribuer à améliorer la répartition des ressources publiques au bénéfice de l'éducation au Maroc, on peut citer une définition plus précise des responsabilités et des transferts de compétences entre l'État et les administrations infranationales ainsi qu’une meilleure gestion du budget. Il en résulterait une plus grande autonomie de gestion et l'application au niveau scolaire local de politiques reposant davantage sur des incitations (par exemple basées sur le suivi des résultats ou sur le référencement).
Il existe heureusement un consensus entre experts et décideurs marocains sur les principales priorités énoncées plus haut. Celles-ci ne sont pas seulement reconnues par des institutions internationales spécialisées, comme la Banque mondiale; les autorités marocaines ont aussi fait un diagnostic complet des problèmes et défini la voie à suivre, comme le démontre leur rapport Vision 2015-2030 pour l'éducation.
À l’heure où le Maroc est confronté à la nécessité absolue de renforcer son capital humain pour améliorer ses perspectives de croissance et d'emploi à long terme, d'importantes ressources publiques sont disponibles à cette fin et les priorités de réforme sont bien définies. Il est urgent de les mettre en œuvre.
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Nicolas Blancher est Conseiller et chef de mission pour le Maroc au Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI. Il était auparavant Conseiller au Département des marchés monétaires et de capitaux où il a dirigé plusieurs programmes d'évaluation du secteur financier ainsi que des travaux d'étude et de politique générale sur les outils quantitatifs d'analyse de la stabilité financière et des marchés de capitaux, notamment dans le cadre des rapports du FMI sur la stabilité financière dans le monde. Il a commencé sa carrière en 1992 à la Société Générale, après avoir obtenu un doctorat à l'université de Paris. En 1996, il a rejoint le FMI où il a travaillé au Bureau de l’Administrateur pour la France, puis au Département de l’élaboration et de l’examen des politiques.
Greg Auclair est Chargé d'études au FMI, spécialiste du Maroc et de l'Afrique du Nord. Auparavant, il était consultant au Migration Policy Institute. Il a obtenu en 2013 un master d'études publiques et environnementales à l'université de l'Indiana.
Ressortissante française, Dominique Fayad a rejoint le Fonds monétaire international en 2014 dans le cadre du programme-économistes et suivi des études de doctorat à l'université de Paris Sorbonne. Elle actuellement Économiste au Département de l’élaboration et de l’examen des politiques, après avoir travaillé au Département Moyen-Orient et Asie centrale au sein de l’équipe chargée du Maroc, traitant des questions liées à la croissance et aux réformes structurelles, et de l’équipe chargée du Koweït, se consacrant aux dossiers financiers.