Développement des capacités en Afrique : les visages derrière les chiffres

Par Carla Grasso
Affiché le 7 avril 2016 par le blog du FMI

S’il y a une chose dont tous les économistes peuvent convenir, c’est bien l’importance des chiffres. Sans statistiques fiables, il est difficile d’évaluer les résultats économiques d’un pays et d’élaborer des mesures avisées qui permettent d’améliorer les conditions de vie.

En l’espace d’un peu plus de vingt ans, le Mozambique, pays d’Afrique australe qui, au départ, était dépourvu d’une comptabilité nationale et d’un indice des prix à la consommation, a créé l’un des offices statistiques de premier plan en Afrique subsaharienne.

Lors de mon récent voyage en Afrique, j’ai pu constater par moi-même les progrès accomplis par le Mozambique en matière de recueil de données. Il s’agissait de mon premier déplacement dans le pays en tant que représentante officielle du FMI. J’ai rencontré Isaltina Lucas, qui était alors Présidente de l’Institut national de la statistique du Mozambique (et qui est aujourd’hui Vice-ministre de l’Économie et des Finances). Elle m’a parlé des progrès spectaculaires des autorités dans l’établissement des principales statistiques économiques — grâce, en partie, au FMI.

Durant ma visite de 10 jours début mars, j’ai vu beaucoup d’autres exemples de la manière dont l’assistance technique et la formation du FMI — que nous appelons collectivement le «développement des capacités» — aident les dirigeants d’Afrique subsaharienne à prendre en main leur avenir économique.

S’inspirer de l’expérience de ses pairs

En Tanzanie par exemple, j’ai assisté à un atelier organisé conjointement par le FMI et la banque centrale, au cours duquel des dirigeants de toute la région ont évoqué l’expérience de leur pays en matière d’élargissement de l’accès aux services financiers et échangé sur les moyens de faire face aux facteurs de vulnérabilité financière qui en découlent. De nombreux participants ont souligné l’importance de ce type de partage d’expérience — ce qu’il convient d’appeler l’«apprentissage par les pairs» — pour renforcer les capacités.

Il est de plus en plus admis que le partage de connaissances en dehors du cadre des formations officielles joue un rôle important pour le développement des capacités. Nous avons donc réfléchi à des solutions pour cultiver l’apprentissage et le soutien mutuels, à la fois présenciels et en ligne. Grâce à ces structures, les dirigeants confrontés à des difficultés similaires peuvent non seulement apprendre les uns des autres mais aussi définir des objectifs communs.

Ces initiatives commencent à porter leurs fruits. Prenons l’exemple du Sénégal, qui utilise avec succès l’apprentissage au contact des pairs pour mettre en œuvre sa nouvelle stratégie de développement, avec pour objectif de parvenir à l’émergence d’ici une vingtaine d’années. Le Sénégal s’appuie sur l’expérience des dirigeants de la République de Cabo Verde, de Maurice et des Seychelles pour adopter des identifiants fiscaux uniques, créer des bureaux d’information sur le crédit et développer le tourisme et les zones économiques spéciales.

Un apprentissage pratique

J’ai aussi pu constater combien le développement des capacités fait partie intégrante de notre dialogue permanent avec les pays membres. Lorsque le FMI formule des recommandations dans son suivi régulier des économies, nous ne pouvons pas nous contenter de prodiguer des conseils ou de remettre un rapport technique. Nous devons travailler directement avec les autorités et leur donner des outils concrets pour mettre ces conseils en pratique.

Nos équipes pays et nos experts en finances publiques travaillent en étroite collaboration, par exemple lorsqu’ils donnent des conseils sur la manière d’élargir l’assiette fiscale ou de dépenser de façon plus productive. Par ailleurs, nous sommes en train de renforcer nos systèmes de gestion des savoirs pour faire en sorte que les connaissances des experts puissent être partagées facilement par l’ensemble du FMI.

Le développement des capacités ne prend pas la même forme partout — il doit être adapté aux besoins du pays et intégré dans les stratégies de développement. En Afrique, comme dans d’autres régions du monde, nous inscrivons notre développement des capacités dans les réalités économiques des pays, ce qui est plus facile à faire quand le FMI est présent sur le terrain dans des centres régionaux.

Dans notre Institut de formation pour l’Afrique à Maurice, par exemple, j’ai participé à une conférence régionale sur l’avenir de l’intégration monétaire en Afrique. Ce thème revêt une grande importance car la région projette d’approfondir l’intégration monétaire, notamment en créant une Union monétaire de l’Afrique de l’Est.

Outre qu’il épouse le contexte propre à chaque pays, le développement des capacités doit aussi s’adapter à l’évolution de la conjoncture économique mondiale. En 2014, le FMI a co-organisé une grande conférence au Mozambique sur le thème de «L’essor africain». Nous avons admis à l’époque que, si de nombreux pays africains possèdent d’abondantes ressources naturelles, cet atout peut facilement devenir une malédiction. Nous avons donc travaillé avec les autorités pour commencer à mettre en place des cadres budgétaires solides afin de gérer les recettes tirées des ressources naturelles dans l’intérêt des générations actuelles et futures.

Deux ans plus tard, les responsables que j’ai rencontrés sont à présent conscients de l’urgence de se doter de cadres budgétaires plus solides puisqu’ils luttent contre les effets de la chute des cours du pétrole et d’autres produits de base, que peu d’observateurs avaient anticipée. Cela met en évidence la nécessité pour les pays de constituer des réserves et de développer les capacités — en conjoncture favorable ou défavorable — pour faire face aux chocs éventuels.

Le FMI continuera à travailler en étroite collaboration avec les pays bénéficiaires mais aussi avec les nombreux partenaires à travers le monde dont l’aide financière nous permet de prodiguer des conseils sur le développement des capacités.

La réalité humaine derrière les statistiques

Lorsque je repense à mon premier déplacement en Afrique pour le FMI, une chose reste gravée dans ma mémoire : la dimension humaine.

En Tanzanie, j’ai visité l’orphelinat Watoto Wetu (qui signifie «Nos enfants» en swahili). À mon arrivée, les enfants ont entonné une chanson qu’ils avaient préparée pour moi. Après toutes les réunions consacrées à l’examen de choix de politique économique complexes avec les autorités, cela m’a rappelé le véritable objectif de notre travail. Notre but est d’améliorer la vie et le sort de ces enfants ; or, le développement des capacités peut nous aider à l’atteindre.

(Photo : Jackson Shelutete)
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Mme Carla Grasso a assumé le 2 février 2015 les fonctions de Directrice générale adjointe et Directrice administrative du FMI. Mme Grasso a la double nationalité brésilienne et italienne.

Dans sa nouvelle charge, Mme Grasso supervise l’ensemble des fonctions administratives du FMI, coordonne le budget, les ressources humaines, les services technologiques et généraux et l’audit interne, de manière à veiller à la gestion efficiente, efficace et globale de ces fonctions, qui sont vitales pour le bon fonctionnement d’ensemble de l’institution. Elle supervise aussi les activités de renforcement des capacités et de formation du FMI.

Avant de rejoindre le FMI, Mme Grasso a travaillé pendant quatorze ans chez Vale S.A., l’une des plus grosses sociétés minières au monde, où elle a occupé le poste de Vice-présidente chargée des ressources humaines et des services institutionnels de 2001 à 2011. Elle a dirigé pendant cette période les efforts de modernisation de l’entreprise — présente dans 38 pays et mobilisant 138.000 personnes — dans les domaines des ressources humaines, des technologies de l’information, des passations de marchés, des communications, de la santé et de la sécurité.

Avant d’entrer chez Vale S.A., Mme Grasso a été Secrétaire du Bureau de la sécurité sociale complémentaire du Brésil de 1994 à 1997, et a aussi occupé plusieurs postes de conseillère et coordinatrice aux ministères de la sécurité sociale, des finances et du plan, ainsi qu’au cabinet du Président du Brésil. Elle a pris part, entre autres, à l’élaboration et à la proposition d’une réforme du système de sécurité sociale et à l’évaluation des besoins de financement du secteur public brésilien, spécifiquement sur les plans budgétaire et fiscal.

Mme Grasso est titulaire d’une maîtrise de politique économique de l’université de Brasília et a été Professeur d’économie internationale et d’économie monétaire à l’université catholique pontificale de Brasilia, de mathématiques économiques au centre universitaire du District fédéral et, en 2014, d’études commerciales à l’Insper (institut d’enseignement et de recherche) de São Paulo.



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