Gagner sur tous les fronts — les femmes, un atout pour la prospérité des foyers, des entreprises et des pays
Par Christine Lagarde, Directrice générale du FMIAffiché le 7 mars 2016 par le blog du FMI - iMFdirect
La Journée internationale de la femme — le 8 mars — est une des dates que je chéris le plus. C’est l’occasion de saluer les immenses progrès accomplis par les femmes depuis quelques dizaines d’années à tous les échelons. Plus nombreuses dans le monde du travail, elles le sont aussi aux postes clé, et c’est là une bonne nouvelle pour les femmes, pour leurs entreprises et pour l’économie de leur pays.
D’après une nouvelle étude des services du FMI, en Europe, les politiques nationales, même en tenant comptes des préférences personnelles, peuvent doper le taux d’activité des femmes et améliorer leurs chances de promotion.
Cette étude qui porte sur 2 millions d’entreprises dans 34 pays d’Europe, montre aussi que plus une entreprise compte de femmes aux postes de direction et à son conseil d’administration, plus elle est rentable. Une femme de plus à la direction ou au conseil, c’est 8 à 13 points de base en plus de rendement des actifs. Une plus grande rentabilité des entreprises peut en outre contribuer à l’investissement et à la productivité, et par ce biais aussi, l’entrée des femmes dans la vie active peut atténuer le ralentissement de la croissance potentielle en Europe.
Les résultats sont clairs : plus de femmes dans le monde du travail, c’est plus de prospérité.
Plus de femmes au travail
Dans les régions à démographie vieillissante, comme l’Europe, où la population d’âge actif est sous pression et où la croissance de la productivité recule, il est plus utile que jamais de donner aux femmes les mêmes possibilités qu’aux hommes de travailler à plein temps et de gravir les échelons.
Ces trente dernières années, les femmes ont rejoint la population active par millions. Dans des pays comme l’Espagne et l’Irlande, la proportion de femmes travaillant hors du foyer a doublé depuis les années 80, passant de moins de 40 % à plus de 80 % en Espagne. Dans plusieurs pays nordiques et d’Europe de l’Est, les femmes sont quasiment aussi susceptibles que les hommes d’exercer une activité rémunérée. Dans le même temps, des lois sur la composition des conseils d’administration ont contribué à féminiser les fonctions les plus élevées : les femmes occupent presque un quart des postes de direction ou des sièges aux conseils d’administration des entreprises.
Il reste tout de même du chemin à parcourir pour intégrer plus de femmes dans le monde du travail. Presque partout en Europe, la participation des femmes au marché du travail est nettement inférieure à celle des hommes. Beaucoup des femmes qui travaillent ne le font pas à plein temps. Si les femmes constituent presque la moitié de la population active de 25 à 54 ans en Europe, elles sont beaucoup moins nombreuses que les hommes au sommet de la hiérarchie des entreprises.
Les politiques comptent
Les préférences des femmes et leur attitude à l’égard du travail sont, bien sûr, d’importants déterminants de leur choix d’entrer dans la population active, comme le confirme l’étude des services du FMI. C’est particulièrement vrai en Europe, où il n’existe pas d’obstacles législatifs au travail des femmes, où celles-ci font autant d’études que les hommes et font moins d’enfants qu’avant — et les normes sociales ont évolué.
Mais l’étude montre que les politiques jouent aussi beaucoup sur les décisions professionnelles des femmes, même en tenant compte des caractéristiques, des choix et des préférences individuelles en matière de travail. Supprimer le frein fiscal au deuxième salaire dans un foyer, fournir des services de garde d’enfants, autoriser le congé parental sont autant de mesures qui peuvent élargir la possibilité pour les femmes de travailler autant qu’elles le souhaitent.
Un plus pour l’économie tout entière
La féminisation du monde du travail (disponsible en anglais seulement) ne profite pas seulement aux femmes. Intégrer plus de femmes dans la population active profite à l’économie d’un pays de deux manières importantes :
- D’abord, l’offre de main d’œuvre augmente. Si les femmes participaient autant que les hommes au marché du travail, la population active de l’Europe augmenterait de 6 %. Si elles travaillaient autant d’heures que les hommes, elle pourrait augmenter de 15 %.
- Ensuite, la prévalence de l’emploi féminin à plein temps est un fort prédicteur de la part de postes occupés par des femmes au sommet de la hiérarchie. Or, l’étude du FMI le confirme, un plus grand nombre de femmes aux postes de direction et au conseil d’administration va de pair avec une meilleure performance financière des entreprises. Un tel progrès doperait l’investissement et la productivité des entreprises et, partant, atténuerait le ralentissement de la croissance potentielle en Europe.
Il ressort de l’étude que la corrélation positive entre le nombre de femmes aux postes de direction d’une entreprise et sa rentabilité est plus marquée dans les secteurs qui comptent proportionnellement plus de femmes dans leurs effectifs. Cela souligne qu’il est important de promouvoir une plus grande égalité des chances aux postes de direction tout comme au niveau de la population active en général. Cette corrélation positive est également plus évidente dans les activités de service à forte intensité de connaissances et dans les industries de pointe — secteurs où la diversité, y compris la mixité, peut être un atout pour satisfaire la forte demande de créativité et de capacité d’innovation.
Tout en nous réjouissant des progrès accomplis par les femmes dans la population active en Europe, nous devons aussi reconnaître qu’il reste beaucoup à faire. Les avantages à en tirer peuvent être considérables. Ne passons pas à côté de cette chance.
Christine Lagarde est Directrice générale du Fonds monétaire international depuis juillet 2011. Ressortissante française, elle a précédemment occupé le poste de Ministre des Finances de son pays à partir de juin 2007, et elle a également été Ministre du Commerce extérieur pendant une période de deux ans.
Mme Lagarde a également à son actif une remarquable et longue carrière professionnelle en tant qu’avocate spécialiste de la législation anti-trust et du droit du travail. Associée du cabinet international Baker & McKenzie, elle a été élue présidente de son comité exécutif en octobre 1999. Elle est restée à la tête du cabinet jusqu’en juin 2005 lorsqu’elle a été nommée à son premier poste ministériel en France. Mme Lagarde est diplômée de l’Institut d’études politiques et de la Faculté de droit de l’Université Paris X où elle était également maître de conférences avant de rejoindre Baker & McKenzie en 1981.