Autonomiser les femmes et réduire l’inégalité de revenu

Par Sonali Jain-Chandra, Kalpana Kochhar et Monique Newiak
iMFdirect"
Le 22 octobre 2015

Même si des progrès ont été réalisés, d’importantes disparités persistent entre les hommes et les femmes sur le plan de l’autonomisation et des opportunités économiques, et les pouvoirs publics doivent s’y attaquer de toute urgence. Dans la plupart des pays, les hommes sont plus nombreux à travailler que les femmes et sont payés davantage pour le même type de travail. Dans un certain nombre de pays, de profondes inégalités entre les sexes existent en matière d’accès à l’éducation, au système de santé et aux services financiers. Il est de plus en plus manifeste que l’inégalité entre les sexes freine la productivité et plombe la croissance, entraînant des coûts économiques élevés.

Notre nouvelle étude analyse les liens entre ces deux phénomènes, à savoir l’inégalité de revenu et l’inégalité entre les sexes. Il en ressort que les disparités hommes–femmes sont fortement liées aux inégalités de revenu, quelle que soit la période considérée et dans les pays de tous les groupes de revenu.

L’inégalité de revenu et l’inégalité entre les sexes sont liées


Au moins trois facteurs expliquent pourquoi un creusement des inégalités entre les sexes est lié à un accroissement de l’inégalité de revenu :

  • Premièrement, les écarts de salaires entre hommes et femmes entraînent directement une inégalité de revenu, et un creusement des écarts de taux d’activité hommes–femmes entraîne une inégalité de rémunération entre les sexes, ce qui crée et fait augmenter l’inégalité de revenu.
  • Deuxièmement, les femmes ont plus de chances de travailler dans le secteur informel, dans lequel la rémunération est moins élevée, ce qui creuse les écarts de salaires entre les hommes et les femmes et amplifie l’inégalité de revenu.
  • Enfin, l’inégalité des chances devant l’accès à l’éducation, au système de santé et aux services financiers reste marquée entre les hommes et les femmes, et elle est étroitement liée à l’inégalité de revenu.

Les données révèlent un lien étroit entre l’inégalité de revenu et l’inégalité entre les sexes



Notre étude indique que l’inégalité hommes–femmes est étroitement liée à l’inégalité de revenu quelle que soit la période considérée et dans les pays de tous les groupes de revenu, même une fois neutralisés les facteurs habituels d’inégalité de revenu, parmi lesquels l’ouverture financière et l’expansion des circuits financiers, les progrès technologiques et les institutions du marché du travail. Nous examinons le lien entre les deux phénomènes pour presque 140 pays au cours des deux dernières décennies. Elle développe l’Indice d’inégalités de genre des Nations Unies, qui englobe l’inégalité entre les sexes sur le plan des résultats mesurés (écart du taux d’activité et proportion de sièges parlementaires occupés par des femmes) et des opportunités (niveau d’études, mortalité maternelle et fécondité des adolescentes).

La principale conclusion de l’étude est que le passage de zéro (égalité parfaite) à un (inégalité totale) de cet indice pluridimensionnel est lié à une augmentation de l’inégalité de revenu net (selon le coefficient de Gini) de presque 10 points.

Ces résultats sont valables pour les pays de tous les stades de développement, mais les composantes de l’inégalité varient. Dans les pays avancés, qui présentent de faibles écarts sur le plan de l’éducation et une plus grande égalité sur le plan des opportunités économiques entre les sexes, l’inégalité de revenu est principalement due à la différence de taux d’activité entre les hommes et les femmes. Dans les pays émergents et à faible revenu, l’inégalité des chances, en particulier sur le plan de l’éducation et de la santé, semblent faire obstacle à une distribution plus égale des revenus.

Les données montrent qu’une plus grande parité entre les sexes et une participation accrue des femmes à la vie économique sont liées à une plus forte croissance, à de meilleurs résultats en matière de développement, et à une réduction d’inégalité de revenu. Étant donné ces liens étroits, aspirer à l’égalité des chances et éliminer les obstacles juridiques ou autres qui empêchent les femmes de participer pleinement à la vie économique deviennent des enjeux d’une importance macroéconomique, outre le fort argument des droits humains. En effet, un environnement plus équitable permettrait aux femmes de participer à la vie économique si elles le souhaitent, ce qui produirait des effets macroéconomiques positifs.

Les pouvoirs publics devraient adopter une approche pluridimensionnelle

Une réduction sensible des disparités entre les sexes nécessitera d’agir à plusieurs niveaux. Les recommandations suivantes ont été examinées dans de précédents travaux du FMI sur la problématique hommes–femmes :

  • Éliminer les restrictions juridiques fondées sur le sexe. Les restrictions juridiques fondées sur le sexe prédominent dans un certain nombre de pays et incluent des obstacles juridiques qui empêchent les femmes d’entreprendre des activités économiques. Des études antérieures ont observé que des lois plus équitables font augmenter le taux d’activité des femmes. Plus particulièrement, inscrire l’égalité entre les sexes dans la constitution pourrait faire relever le taux d’activité des femmes dans une proportion pouvant atteindre 5 %.
  • Réformer les politiques fiscales. Les mesures fiscales dissuasives pour les seconds titulaires de revenu peuvent restreindre le taux d’activité des femmes, et sont considérées comme de sérieux obstacles en Allemagne. Remplacer l’imposition par famille par une imposition sur le revenu supprimerait l’effet dissuasif pour les générateurs de revenu secondaires, qui sont souvent des femmes, et encouragerait plus de femmes à rejoindre la population active.
  • Créer une marge de manœuvre budgétaire pour les dépenses prioritaires telles que les infrastructures et l’éducation. Dans les pays en développement, une amélioration des infrastructures dans les zones rurales, par exemple en facilitant l’accès à l’eau et en améliorant les systèmes de transport, peut réduire le temps que consacrent les femmes aux tâches ménagères et leur permettre de chercher du travail. L’expérience de l’Inde indique que le taux d’activité des femmes dans le pays pourrait croître de deux points de pourcentage si les dépenses d’éducation augmentaient de 1 % du PIB.
  • Mettre en place des prestations familiales bien conçues. Les femmes pourront plus facilement chercher un emploi si elles ont accès au congé parental et à des services de garde d’enfants de qualité et peu onéreux. Afin d’encourager les femmes à participer à la vie active, le Japon a notamment relevé les congés payés pour garde d’enfants de 50 à 67 % du salaire et ouvert l’accès aux services de garde à un demi million d’enfants supplémentaires environ en avril 2015.
  • La redistribution comme complément de ces mesures. Rien ne peut remplacer des mesures spécifiques visant à réduire l’inégalité de revenu et l’inégalité entre les sexes. Selon des études antérieures du FMI, la redistribution a généralement un faible effet sur la croissance, mais contribue à réduire l’inégalité de revenu. Cependant, pour s’attaquer à l’inégalité des chances plus prononcée, sur les plans du travail, de la santé, de l’éducation et de l’accès aux services financiers, les pouvoirs publics devraient privilégier des interventions plus ciblées.

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Sonali Jain-Chandra est chef de division adjoint du Département Asie et Pacifique du FMI. Elle a travaillé sur de nombreux pays dont l’Inde, la Corée, l’Indonésie, le Cambodge, le Népal et le Bhoutan. Elle a été membre de la division des études régionales et a rédigé plusieurs chapitres des Perspectives économiques régionales publiées par le FMI. Auparavant, elle a travaillé auprès du département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI sur les vulnérabilités des marchés émergents et des pays avancés.

Ses travaux de recherche et publications portent principalement sur les marchés du travail, les flux de capitaux, les activités bancaires internationales, l’inclusion financière et l’approfondissement du secteur financier. Elle est titulaire d’un doctorat en économie de l’université Columbia, d’une licence et d’une maîtrise en philosophie et en sciences politiques et économiques de l’université d’Oxford, et d’une licence en économie du Lady Shri Ram College, de l’Université de Delhi.


Kalpana Kochhar est actuellement directrice ajointe au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI. De 2010 à 2012, elle a été Chef économiste pour la région Asie du Sud à la Banque mondiale. Avant de travailler à la Banque mondiale, elle occupait le poste de Directrice adjointe au Département Asie et Pacifique depuis août 2008. À ce titre, elle a dirigé les travaux du FMI sur le Japon, l’Inde, Sri Lanka, les Maldives, le Bhoutan et le Népal. Elle a aussi travaillé sur la Chine, la Corée et les Philippines. Auparavant, elle a travaillé au Département des études, au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation ainsi qu’au Département des finances publiques du FMI.

Mme Kochhar se consacre surtout à l’étude des économies asiatiques; elle a publié en particulier un important rapport sur l’emploi en Asie du Sud. Elle est titulaire d’un doctorat et d’une maîtrise en économie de l’université Brown et d’une maîtrise en économie de la Delhi School of Economics, en Inde. Elle détient en outre une licence d’économie de l’université de Madras, en Inde.


Monique Newiak est économiste à la division des études régionales du Département Afrique du FMI. Elle étudie principalement les pays anglophones et francophones de l’Afrique de l’Ouest, tels que le Ghana et les membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Auparavant, elle a travaillé au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation sur des problématiques liées à l’emploi et à la croissance, à la conditionnalité des programmes du FMI, et au commerce.

Mme Newiak est titulaire d’un doctorat en économie de la Ludwig-Maximilans-University de Munich, et d’une maîtrise en administration des entreprises et en économie. Ses travaux de recherche et publications portent sur l’économie du développement, l’économie internationale, l’économie monétaire et les aspects économiques de la problématique hommes–femmes.



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