Finances publiques : une embellie mais pas le beau fixe

Par Sanjeev Gupta et Martine Gerguil
Affiché le 9 avril 2014 par le blog du FMI - iMFdirect

Dernièrement, les nouvelles sont plutôt bonnes sur le front de l’économie. Sommes-nous enfin sortis de l’auberge budgétaire? Pas encore d’après la dernière édition du Moniteur des finances publiques, car les niveaux d’endettement public restent élevés et la reprise inégale.

D’abord les bonnes nouvelles. Le déficit moyen dans les pays avancés a diminué de moitié depuis les maxima de 2009. Le ratio d’endettement moyen se stabilise. La croissance gagne en vigueur aux États-Unis et elle est de retour dans la zone euro, et devrait du reste bénéficier du rythme plus lent de l’assainissement cette année. Les pays émergents et en développement ont maintenu leur résilience, en partie grâce aux marges de manœuvre accumulées avant la crise; les échos d’un retrait de la politique monétaire accommodante aux États-Unis en a secoué plus d’un, sans toutefois perturber véritablement.

Mais il y a encore du chemin à parcourir. Le ratio d’endettement moyen dans les pays avancés est certes en repli mais il se situe à des maxima historiques, et d’après nos prévisions il devrait se maintenir au-dessus de 100 % du PIB d’ici 2019 (graphique 1). La reprise demeure vulnérable à plusieurs risques baissiers, dont ceux qui découlent de l’absence de plans explicites dans certaines des grandes économies. Les récents épisodes de turbulences financières ont fait craindre que le durcissement prévu des liquidités mondiales n’expose les pays émergents et en développement aux volte-face des investisseurs et à une dynamique de la dette plus exigeante.

Les risques ne sont pas les mêmes pour tous les pays

Au Japon, par exemple, l’approbation de la deuxième phase de l’augmentation des taxes à la consommation de l’an prochain reste incertaine et le gouvernement n’a pas encore formulé une stratégie budgétaire à moyen terme pour l’après-2015. Aux États-Unis, l’accord bipartite sur le budget a considérablement réduit les incertitudes à court terme, mais les parlementaires ne se sont toujours pas entendus sur un plan global à moyen terme capable de placer la dette et les finances publiques sur une trajectoire viable. S’agissant de la zone euro, les risques budgétaires liés au secteur bancaire n’ont pas été entièrement éliminés et la probabilité d’une période prolongée de croissance décevante préoccupe de plus en plus.

Les pays émergents et en développement sont, eux aussi, vulnérables sur le plan budgétaire, certes à des degrés différents. Une accumulation progressive de déséquilibres budgétaires et extérieurs et le jeu de divers facteurs structurels rendent beaucoup d’entre eux vulnérables à une conjoncture mondiale plus défavorable.

De manière plus précise, la détention par des non-résidents de dette libellée en monnaie locale a plus que doublé depuis 2009 dans les pays émergents, et elle compte pour une part considérable de la dette en Hongrie, en Afrique du Sud et en Malaisie (graphique 2). S’il y a lieu de se réjouir de cette évolution au regard du développement des marchés nationaux et du développement financier global, elle présente cependant certains risques. La détention de dette libellée en monnaie locale par des non-résidents a pour effet de renforcer les liens entre les marchés mondiaux et les marchés locaux et d’accroître la réactivité de la demande des non-résidents en titres d’État à l’évolution de la conjoncture locale, telle que celle de l’inflation.

Ailleurs, les comptes budgétaires subissent également des tensions. Dans les pays à faible revenu, par exemple, les soldes budgétaires se sont dégradés de quelque trois points de pourcentage par rapport à l’avant-crise. Dans des pays pionniers comme le Ghana, le Honduras et la Zambie, la dette a augmenté sans que l’investissement ait lui aussi progressé par ailleurs. La conjoncture extérieure devient en outre plus défavorable. Beaucoup de pays à faible revenu s’attendent à ce que le repli des cours des matières premières et des flux des bailleurs de fonds ait un effet sensible sur le budget.

Fixer le cap de la politique budgétaire

• Les pays avancés doivent élaborer pour le moyen terme des plans crédibles et propices à la croissance de manière à orienter durablement la dette à la baisse. Si les risques baissiers qui pèsent sur la reprise se matérialisaient, et pour autant que les financements le permettraient, il faudrait laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Si la croissance restait durablement faible, il faudrait alors envisager des mesures propres à renforcer la croissance potentielle.

• Les pays émergents et à faible revenu devraient reconstituer leurs marges de manœuvre budgétaire pour se prémunir contre les turbulences des marchés ou contre les chocs exogènes pernicieux, notamment dans le cas des pays qui sont aujourd’hui exposés aux sautes d’humeur des investisseurs.

Les politiques destinées à réduire la dette publique et les déficits doivent tenir compte des tensions à plus long terme sur les finances publiques. Au vu de considérations économiques, il apparaît que les pressions sur les dépenses, déjà en hausse dans beaucoup de pays, continueront de s’intensifier durant les décennies à venir.

En effet, plus un pays devient riche, plus la demande de biens et services publics et leur coût augmentent par rapport aux autres biens et services produits. Le vieillissement démographique devrait accentuer ce phénomène en poussant à la hausse le coût de la santé publique et des retraites. À cet égard, dans les pays avancés, le fait que l’ajustement budgétaire accorde une plus grande place aux mesures liées aux dépenses est à la fois opportun et pertinent. Les pays émergents et en développement devront, eux aussi, s’attaquer aux exigences grandissantes de crédits budgétaires en réformant les dépenses tôt ou tard.

NOTICES BIOGRAPHIQUES :


Sanjeev Gupta
est Directeur adjoint au Département des finances publiques du Fonds monétaire international (FMI)). Avant de rejoindre le FMI, il a été membre du Kiel Institute of World Economics, en Allemagne; professeur titulaire à l’Administrative Staff College of India, à Hyderabad, et Secrétaire (affaires économiques) de la Fédération des chambres de commerce et d'industrie indiennes, à New Delhi. Il a d’abord exercé au sein du Département Europe du FMI, qu’il a rejoint en 1986, puis a travaillé au Département Afrique. M. Gupta a publié de nombreux ouvrages sur des questions de politique macroéconomique et budgétaire. Il a été le co-auteur ou directeur de nombreuses publications, dont : Governance, Corruption, and Economic Performance, dont il a assuré la direction avec G. Abed, en novembre 2002; Helping Countries Develop: The Role of Fiscal Policy, co-dirigé avec B. Clements et G. Inchauste, en septembre 2004; et The Economics of Public Health Care Reform in Advanced and Emerging Economies, co-dirigé avec B. Clements et D. Coady, en avril 2012.


Martine Guerguil
, ressortissante française, supervise entre autres activités la rédaction du Moniteur des finances publiques. Dans ses fonctions précédentes au FMI, elle a dirigé des travaux sur la viabilité et l’allégement de la dette, ainsi que sur la conception des politiques macroéconomiques en Amérique latine et en Afrique. Avant de rejoindre le FMI en 1994, Mme Guerguil a travaillé pour la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes, à Santiago, Chili. Elle a étudié à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Université de Paris, Panthéon-Sorbonne



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