La pression s’accentue : comment s’attaquer aux inégalités de revenu — Guide pour l’utilisateur

Par Sanjeev Gupta et Michael Keen
Affiché le 19 mars 2014 par le blog du FMI - iMFdirect

Les temps sont difficiles pour les ministres des finances. Les contraintes budgétaires sont rigoureuses et il est prioritaire d’accélérer la croissance économique. Par ailleurs, les inégalités de revenu s’accentuent, de même que la pression exercée par les populations sur les pouvoirs publics pour qu’ils s’y attaquent à l’aide de leurs impôts et de leurs dépenses. Que peut faire un ministre ? Comment peut-il répondre à ces demandes qui semblent incompatibles ?

Une nouvelle étude fournit des indications. Bien entendu, les pouvoirs publics auront leurs propres objectifs en matière d’équité. L’étude cherche à examiner précisément comment les pays peuvent atteindre leurs objectifs de redistribution, quels qu’ils soient, en pénalisant le moins possible l’efficience économique (et peut-être même en l’accroissant). Cela peut contribuer à pérenniser la croissance et, dans bon nombre de cas, entraîner des économies budgétaires. Selon une étude antérieure du FMI, la redistribution budgétaire va de pair en moyenne avec une croissance plus élevée, parce qu’elle contribue à réduire les inégalités.

La conception des mesures de redistribution du revenu est importante : c’est l’un des messages principaux de la dernière étude du FMI. Par ailleurs, les expériences sont diverses : si les mesures de redistribution sont mal conçues, ou vont trop loin, elles sont source de distorsion. Mais l’expérience montre aussi que certaines mesures peuvent en fait accroître l’efficience et favoriser la croissance, par exemple les mesures qui mettent en valeur le capital humain des ménages à faible revenu. Les détails ont donc leur importance.

Impact des impôts et des dépenses sur la redistribution

La politique budgétaire joue un rôle considérable dans la réduction des inégalités de revenu dans les pays avancés, principalement sous la forme de transferts, tels que les pensions et autres prestations sociales. Les impôts sur le revenu jouent un rôle aussi. Par exemple, il s’est avéré que les transferts et les impôts sur le revenu diminuent les inégalités, mesurées par le coefficient de Gini, d’environ un tiers en moyenne dans les pays avancés (graphique).

Dans les pays en développement, le faible niveau des impôts et des dépenses limite la redistribution budgétaire, de même que l’accès insuffisant des pauvres aux services publics d’éducation et de santé.

Leurs recettes étant plus faibles, les pays en développement dépensent aussi beaucoup moins dans le domaine social : une part relativement plus faible des dépenses y est affectée aux prestations sociales (assurance sociale et aide sociale). Les effets redistributifs des prestations sociales sont atténués aussi par la couverture incomplète des groupes à revenus plus faibles et la part élevée des transferts qui profite aux groupes dont les revenus sont plus élevés. Contrairement à ce qui se passe dans les pays avancés, la distribution de dépenses en nature (éducation et santé) renforce les inégalités, plutôt que de les réduire, car les pauvres, qui vivent souvent dans les zones rurales, ont souvent moins accès aux écoles ou aux établissements de santé publics.

Une conception intelligente — en haut et en bas de l’échelle des revenus

Pour que la redistribution soit efficiente et évite les distorsions, il convient d’établir avec soin les impôts et les dépenses, en accordant une attention particulière aux groupes qui se trouvent tout en haut et tout en bas de l’échelle des revenus. Tous les groupes de revenus doivent payer une part équitable des impôts, y compris ceux qui se trouvent en haut de l’échelle. Mais si les taux d’imposition sont si élevés qu’ils entraînent une forte réduction du travail et de l’investissement, cela pourrait peser sur la croissance économique, au détriment de tous. Les impôts doivent aussi être conçus de manière à ne pas être faciles à éviter.

Pour aider de manière efficiente les populations qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus, la priorité doit être accordée aux programmes de dépenses qui améliorent leur santé et leur éducation. Comme ces programmes rehaussent la productivité du travail, ils peuvent à la fois favoriser l’égalité et accélérer la croissance économique. Les programmes de dépenses doivent aussi cibler les groupes à revenus plus faibles plutôt qu’être offerts tant aux riches qu’aux pauvres. Il est important de ne pas retirer trop vite ces prestations à mesure que le revenu augmente afin de ne pas décourager le travail. Mais, s’il est bien conçu, ce ciblage peut aider les pays à atteindre leurs objectifs de redistribution à un coût budgétaire moindre.

Qu’est-ce que cela veut dire pour un ministre qui cherche à réduire les inégalités ? Premièrement, il s’agit d’examiner les impôts et les dépenses conjointement, plutôt que séparément. En ce qui concerne les impôts, les pays avancés et les pays en développement peuvent envisager les options suivantes :

Un rôle plus important pour les impôts récurrents sur la propriété. Les impôts sur la propriété sont sous-utilisés dans bon nombre de pays, surtout dans les pays en développement où ils ont un potentiel considérable.

Des impôts sur le revenu des particuliers plus progressifs. Certains pays pourraient abandonner leurs taux d’imposition uniformes pour adopter des taux plus progressifs. En outre, la progressivité de ces impôts est souvent compromise par des déductions qui profitent de manière disproportionnée aux groupes à revenus plus élevés.

Un retour des impôts sur les héritages et les donations. Si ces impôts n’ont jamais permis, et ne permettront probablement pas, de recouvrer des recettes considérables, un retour modeste, en évitant une fraude et une évasion à grande échelle — l’erreur de nombreux systèmes par le passé —, pourrait avoir un effet marqué.

Sur le plan des dépenses, les mesures suivantes pourraient être envisagées :

Améliorer l’accès des familles à faibles revenus à l’éducation et à la santé. L’augmentation des bourses pour les familles à faibles revenus est une possibilité d’action. Dans les pays en développement, la fourniture des services essentiels devrait être la priorité en matière de soins de santé ; les pays avancés devraient s’attacher principalement à préserver l’accès des pauvres à la santé, même en période de restriction des dépenses.

Cibler les prestations sociales et renforcer les incitations au travail. Les prestations non ciblées, telles que les subventions énergétiques, doivent être remplacées par des programmes ciblés (voir un livre récent du FMI pour les stratégies à mettre en œuvre à ce sujet). Les pays avancés pourraient lier les prestations sociales à l’activité (par exemple, au moyen de subventions à la garde d’enfants et de crédits d’impôt pour enfants) afin d’encourager la participation à la vie active et de réduire la dépendance à l’égard de l’aide sociale.

Préserver les pensions de retraite et relever les âges de départ à la retraite. Dans les pays avancés, il s’agit de veiller à ce que les niveaux des prestations en faveur des retraités pauvres ne soient pas réduits. Dans les pays en développement où seule une petite partie des personnes âgées pauvres reçoive une pension, il convient de s’attacher principalement à toucher davantage de personnes à l’aide de pensions sociales non contributives et mises sous condition de ressources. Un nouveau livre du FMI examine ces questions en détail.

Conclusion

Les détails sont importants pour concevoir des mesures efficientes. Mais les pouvoirs publics ne doivent pas perdre de vue le tableau d’ensemble. Par exemple, les effets des impôts et des dépenses doivent être examinés conjointement et non séparément pour chaque instrument, et la redistribution doit toujours être compatible avec les autres objectifs macroéconomiques. Il convient aussi de bien tenir compte des contraintes en matière de capacités administratives. Mais ces obstacles ne sont pas insurmontables : la bonne nouvelle, c’est que beaucoup d’informations sont aujourd’hui disponibles en ce qui concerne la meilleure manière pour les pouvoirs publics de concilier équité et efficience.



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