L’assainissement des finances publiques bute encore sur quelques obstacles
Par Martine Guerguil
"iMFdirect" Le 09 octobre 2013Cinq ans après le début de la crise, le paysage budgétaire reste rébarbatif. Sur le plan positif, les efforts de réduction des déficits et les premiers signes de reprise ont atténué les tensions budgétaires dans beaucoup de pays avancés; mais leurs ratios d’endettement restent souvent à des niveaux historiques. Parallèlement, la croissance au ralenti et la hausse des coûts d’emprunt, alliées à la demande toujours aussi forte de services publics, pèsent sur les finances publiques des pays émergents.
Pays avancés : pas encore au bout de leurs peines
Avec un déficit en moyenne inférieur de plus de 4 points de PIB par rapport au plus fort de la crise, la plupart des pays avancés sont en bonne voie pour atteindre leur objectif budgétaire à moyen terme : ramener les ratios de la dette publique à des niveaux plus confortables. D’après les estimations du Moniteur des finances publiques du FMI (en anglais) , ceux qui doivent faire le plus de progrès en matière de réduction des déficits ont fait les trois quarts du chemin — à l’exception du Japon.
Cela ne signifie pas que la dernière ligne droite sera aisée. Pour comprendre les difficultés qui subsistent, nous avons tiré les enseignements des précédents efforts de rééquilibrage des finances publiques et établi un indice de «difficulté du rééquilibrage budgétaire». Nous avons examiné deux aspects :
• le degré de difficulté pour arriver à un excédent primaire au bout d’une période donnée (axe vertical du graphique ci-dessous),
• le degré de difficulté pour préserver cet excédent pendant une autre période donnée (axe horizontal du graphique).
Il ressort clairement du graphique que — du moins pour la plupart des pays — le plus difficile est de préserver l’excédent budgétaire pendant la période requise, en raison de la «lassitude de l’ajustement» qui commence à se fait sentir. C’est en particulier le cas en Europe, où la croissance économique reste faible, ce qui pèse encore plus sur une situation budgétaire déjà tendue.
Pays émergents : montée des tensions budgétaires
La vulnérabilité des finances publiques des pays émergents a augmenté ces deux ou trois dernières années. Cela tient principalement à deux facteurs. Premièrement, le contexte favorable des taux d’intérêt et de croissance s’est dégradé. Les prévisions de croissance ont été révisées à la baisse de 1¾ point en moyenne et les coûts d’emprunt ont augmenté, en particulier en Asie et au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Deuxièmement, les déficits se sont creusés et les ratios d’endettement ont augmenté dans de nombreux pays qui — le plus souvent à juste titre — ont laissé jouer les stabilisateurs automatiques et eu recours à la relance budgétaire pour contenir les effets de la crise mondiale. Dans certains pays, les activités quasi-budgétaires telles que les prêts bonifiés des banques publiques ou les dépenses hors-budget des collectivités locales et autres instituions publiques se sont ajoutées aux facteurs de vulnérabilité déjà présents.
Cela dit, la gravité des difficultés budgétaires varie selon les pays émergents : certains ont un endettement et un déficit élevés, et le rééquilibrage a donc un caractère d’urgence; dans d’autres pays, la montée des risques incite les autorités à entamer le processus de rééquilibrage des finances publiques; d’autres encore ont une situation budgétaire confortable. Mais, globalement, il n’y a plus guère de marge de manœuvre par voie de mesures discrétionnaires à court terme. Et la demande de services publics en plus grand nombre et de meilleure qualité qui ne cesse de croître dans le monde en développement constitue un enjeu d’envergure pour le moyen terme.
Si l’assainissement des finances publiques est à l’ordre du jour dans l’ensemble du monde, les pays doivent veiller à ce que leur fiscalité soit aussi efficace, équitable et efficiente que possible. La deuxième partie du Moniteur des finances publiques (en anglais) décrit en détail comment il est possible d’y parvenir — et cela fera l’objet d’un autre billet sur ce blog dans quelques jours.
Martine Guerguil, de nationalité française, supervise entre autres la rédaction du Moniteur des finances publiques. Dans ses fonctions précédentes au FMI, elle a dirigé des travaux sur la viabilité et l’allégement de la dette, ainsi que sur la conception de la politique macroéconomique en Amérique latine et en Afrique. Avant de rejoindre le FMI en 1994, Madame Guerguil a travaillé pour la Commission économique des Nations Unies pour l’Amérique latine et les Caraïbes, à Santiago. Elle a étudié à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’université de Paris, Panthéon-Sorbonne.