Subventionner la consommation d'énergie : pourquoi ce n'est pas une bonne idée et que peut-on faire

Carlo Cottarelli, Directeur, Département des finances publiques, FMI
Publié 27 mars 2013 par le blog du FMI - "iMFdirect"

Soyons clairs : tout le monde aime avoir de l'énergie bon marché. Presque toutes les activités humaines nécessitent une consommation d'énergie et, si un bien est aussi fondamental, il semble assez évident que personne ne devrait en être privé et que les pouvoirs publics devraient le rendre aussi bon marché que possible pour les ménages et les entreprises, notamment à l'aide de subventions. Cela peut aider les ménages à éviter de payer des factures énergétiques exorbitantes à la fin du mois ; les pauvres ne peuvent peut-être pas se le permettre même pour des besoins de base comme le chauffage et la cuisson des aliments. Les entreprises aussi peuvent avoir besoin de subventions énergétiques pour rester compétitives. Les subventions énergétiques semblent encore plus appropriées, et même évidentes, dans les pays où l'offre d'énergie est abondante, par exemple dans les pays producteurs de pétrole. Après tout, cette richesse naturelle sous la forme d'énergie appartient à la population : pourquoi ne serait-elle pas bon marché ?

Il existe un meilleur moyen

Et pourtant, les subventions à l'énergie (c'est-à-dire la différence entre le prix que le consommateur devrait payer pour couvrir les coûts d'approvisionnement et la taxe appropriée sur la consommation, et ce qu'il paie effectivement) ne constituent pas une politique très avisée, selon une étude récente du FMI, intitulée « Réforme des subventions à l'énergie : enseignements et conséquences ».

• Premièrement, les subventions ne sont pas vraiment un bon moyen de réaliser ce que les pouvoirs publics disent qu'ils souhaitent réaliser. Pour ce qui est de la consommation des ménages, les subventions ne ciblent pas vraiment bien les pauvres. En fait, nos travaux montrent que, comme les riches consomment bien plus que les pauvres, 43 % des subventions énergétiques (avant impôts) profite à la tranche de 20 % la plus riche de la population Don les pays émergents les pays à faible revenu. En ce qui concerne les subventions à la consommation des entreprises, elles finissent par favoriser la survie des entreprises inefficientes, ce qui ne peut certainement pas être positif pour la croissance à long terme.

• Deuxièmement, les subventions énergétiques sont coûteuses et se substituent donc à des dépenses publiques plus utiles, par exemple dans l'éducation ou les infrastructures. C'est vrai même pour les pays producteurs d'énergie : les recettes de la vente de pétrole sur les marchés internationaux par exemple pourraient être utilisées à des fins plus productives que la subvention de la consommation d'énergie.

• Troisièmement, à cause des subventions, les pays finissent par consommer trop d'énergie. C'est mauvais pour l'environnement, par exemple avec trop d'émissions de CO2, qui aggravent le changement climatique. Selon nos estimations, l'élimination des subventions énergétiques réduirait les émissions de CO2 de 4½ milliards de tonnes, soit une réduction de 13 %.

Elles sont partout

Les subventions énergétiques existent partout. Commençons par les subventions « avant impôts », c'est-à-dire lorsque le prix que le consommateur paie est inférieur à ce qu'il en coûte de lui fournir cette énergie. Bien que relativement peu de pays aient des subventions avant impôts, leur volume n'est pas à négliger : en 2011, elles avoisinaient 480 milliards de dollars, soit 0,7 % du PIB mondial et 2 % des recettes publiques. Elles sont bien plus élevées dans certaines parties du monde : par exemple, elles s'élevaient à 8,6 % du PIB et à 21,8 % des recettes dans la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.

Mais bien plus de pays n'imposent pas suffisamment l'énergie. Qu'entend-on par « imposer suffisamment l'énergie » ? L'énergie devrait être imposée comme tout autre produit, simplement pour collecter des recettes. En outre, l'énergie doit être imposée un peu plus, parce que sa consommation nuit au reste de la population, par exemple en polluant l'environnement — c'est ce que les économistes appellent les « effets externes ». Compte tenu de ces coûts, et sur la base d'estimations relativement prudentes, notre étude indique que les subventions après impôts s'élevaient à 1.900 milliards de dollars en 2011, soit 2,7 % du PIB mondial et 8 % des recettes publiques. Les pays avancés sont concernés : chacun d'entre eux impose insuffisamment l'énergie, les États-Unis représentant environ un quart du total des subventions après impôts.

Changer de politique

Il n'est pas impossible d'éliminer les subventions énergétiques. Notre étude examine en particulier la réforme des subventions dans 19 pays, notamment des pays où les autorités ont cherché à réduire les subventions avant impôts. Nous avons identifié six facteurs clés qui conditionnent le succès de la réforme :

• un vaste plan de réforme, qui est préférable à des décisions ponctuelles : il faut définir des objectifs à long terme précis, par exemple la libéralisation complète des tarifs et l'amélioration de la qualité des services.

• une stratégie de communication de vaste portée, avec consultation des parties prenantes : le grand public doit comprendre que les subventions entraînent des coûts, et non des avantages, pour l'économie et la société dans leur ensemble.

• la protection des pauvres : cela ne doit pas être difficile, du moins pour ce qui est des ressources. La plupart des subventions profitant aux riches, leur élimination permet non seulement de bien protéger les pauvres, mais aussi de dégager des ressources pour des dépenses publiques propices à la croissance et à l'équité.

• une bonne programmation et un bon échelonnement des hausses tarifaires, ce qui permet aux ménages et aux pouvoirs publics d'ajuster leur consommation d'énergie. Faute de pressions considérables et immédiates sur le budget, il n'est pas nécessaire de hâter l'ajustement, et une démarche progressive semble plus acceptable aussi longtemps qu'elle fait partie d'une stratégie globale précise.

• l'amélioration de l'efficience des entreprises publiques, pour qu'elles grèvent moins le budget.

• la dépolitisation du processus de fixation des prix de l'énergie, pour que l'effet des réformes soit durable.

Il faut aussi examiner les composantes fiscales des subventions, qui sont élevées dans certains pays avancés très endettés. Une augmentation des impôts sur l'énergie peut être un élément essentiel des plans d'assainissement budgétaire qui sont indispensables compte tenu de la montée récente de l'endettement public, qui atteint des niveaux presque sans précédent.

En résumé, il y a d'excellentes raisons de réformer les subventions énergétiques, et l'expérience de nombreux pays offre une voie à suivre. Il est donc bien justifié de redoubler d'efforts pour les réformer.



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