Face à la hausse des risques pesant sur la stabilité financière, des mesures énergiques sont nécessaires

Par José Viñals, Conseiller financier et Directeur, Département des marchés de capitaux internationaux, FMI
Affiché le 16 juillet 2012 par le blog du FMI - "iMFdirect"

La dernière mise à jour du Rapport sur la stabilité financière dans le monde contient trois messages clés.

Primo, les risques qui pèsent sur la stabilité financière se sont accrus, en raison des tensions grandissantes qui s’exercent sur les financements et les marchés, et des perspectives de croissance moroses.

Secundo, les mesures décidées au récent sommet des dirigeants de l’Union européenne constituent des initiatives importantes face à la crise immédiate, mais il y a encore fort à faire. Il est primordial de mettre ces mesures en œuvre sans tarder et de faire avancer la construction de l’union bancaire et de l’intégration budgétaire.

Tertio, le temps nous est compté. C’est maintenant qu’il faut faire preuve d’une forte volonté politique, car il va falloir prendre des décisions difficiles pour rétablir la confiance et asseoir durablement la stabilité financière tant dans les pays avancés que dans les pays émergents. Il est temps d’agir.

Pourquoi les risques se sont-ils intensifiés?

Tout d’abord, les rendements obligataires des pays du Sud de l’Europe ont considérablement augmenté, tandis que les conditions de financement de nombreuses banques européennes se sont dégradées. Les effets bénéfiques des opérations de refinancement exceptionnelles de la Banque centrale européenne se sont atténués ces derniers mois, sur fond de regain d’incertitudes et de craintes grandissantes pour la santé des banques. Cela a provoqué un puissant mouvement de fuite vers des actifs sûrs.

En second lieu, la fragmentation financière a exacerbé les interactions néfastes entre les banques en difficulté et les États affaiblis, et elle menace de saper l’union monétaire. Les sorties de capitaux privés ont continué à éroder la base d’investisseurs étrangers pour les titres d’État émis par des pays tels que l’Italie et l’Espagne. Les États se sont tournés vers les banques nationales pour financer la dette publique. Dans le même temps, ces banques ont fait de plus en plus appel à la Banque centrale européenne pour satisfaire leurs besoins de liquidités, car les marchés du financement interbancaire leur sont restés inaccessibles.

Troisièmement, les difficultés de financement des États et des banques se sont répercutées sur le secteur des entreprises à la périphérie de la zone euro. Ces entreprises ont vu à la fois leurs coûts de financement de gros augmenter et leurs crédits bancaires se raréfier. Elles doivent en outre rembourser un montant considérable d’obligations venant prochainement à échéance, ce qui ne peut qu’aggraver le manque de financements.

Enfin, les perspectives de croissance des autres pays avancés et des pays émergents sont un peu moins engageantes. Cela les rend plus vulnérables aux répercussions de la crise européenne. Il leur est aussi plus difficile de faire face à leurs propres vulnérabilités budgétaires et financières. Les incertitudes liées aux perspectives budgétaires aux États-Unis constituent un risque latent particulier pour la stabilité financière mondiale.

(Vidéo disponible en anglais seulement)

Impératifs prioritaires

Compte tenu de ces risques, il importe de redoubler d’efforts pour éviter que la situation financière ne se détériore davantage et plombe la croissance.

Dans la zone euro, les mesures décidées au récent sommet des dirigeants de l’Union européenne constituent des initiatives importantes pour faire face à la crise immédiate. Il est certes essentiel qu’elles soient mises en œuvre sans tarder, mais il faut aussi agir davantage pour briser une fois pour toutes le cercle vicieux des interactions entre les banques en difficultés et les États souverains affaiblis. Il faut en particulier prendre des mesures pour promouvoir la stabilisation, l’intégration et la croissance de la zone euro.

La stabilisation nécessite des mesures énergiques dès maintenant. Les décideurs doivent :

  • Assainir les bilans des banques viables par voie de recapitalisations ou de restructurations si besoin est. Dans certains cas, cela pourrait nécessiter des injections directes de capitaux du fonds de secours, le Mécanisme européen de stabilité.

  • Assainir les comptes publics des États souverains en mettant en œuvre des stratégies de rééquilibrage en temps voulu et en appliquant de vastes réformes structurelles.

  • Poursuivre les politiques d’accompagnement monétaire et de soutien des liquidités.

  • Envisager par ailleurs des mesures au niveau de la zone euro pour stabiliser les conditions de financement sur les marchés de la dette souveraine, par exemple en réactivant le programme de rachat d’obligations (SMP) de la Banque centrale européenne.

En matière d’intégration, il est nécessaire de s’acheminer vers une union bancaire à part entière et d’approfondir l’intégration budgétaire. Le système de supervision unifié qu’il est prévu de mettre en place est le premier élément d’une future union bancaire. Il faut ajouter d’autres pierres à cet édifice, y compris un système de garantie des dépôts paneuropéen et un mécanisme de résolution des défaillances bancaires assorti de ressources communes.

L’économie américaine se trouve aussi à un important tournant budgétaire. Au début de l’année prochaine, le plafond actuel de la dette fédérale devrait être atteint. D’après le consensus des marchés financiers, ce plafond devrait être relevé à temps pour éviter le défaut de paiement. Mais on ne peut pas exclure une réaction très négative du marché, surtout en cas d’impasse politique sur la question du relèvement du plafond de la dette publique. Un plan de rééquilibrage à moyen terme crédible est nécessaire pour éviter de nouvelles rétrogradations de la note des États-Unis et pour préserver un important bien public mondial : la stabilité du marché des bons du Trésor américain.

Les pays émergents sont pour leur part confrontés à deux impératifs : absorber les répercussions des difficultés économiques des pays avancés et faire face à des vulnérabilités endogènes grandissantes.

  • Le ralentissement de la croissance mondiale et les répercussions de la crise de la zone euro ont manifestement eu une incidence sur de nombreux pays émergents, comme le montre l’évolution des marchés boursiers et des flux de capitaux.

  • Les vulnérabilités endogènes tiennent notamment à l’expansion rapide des actifs bancaires et du crédit ces dernières années, qui pourrait en définitive déclencher une hausse sensible des créances improductives. Par ailleurs, le ralentissement de la croissance intérieure pourrait miner la rentabilité des banques et menacer la stabilité financière de pays tels que le Brésil, la Chine et l’Inde.

  • Dans ces conditions, les pays émergents doivent prêter une attention particulière à la santé de leurs systèmes financiers internes. Il leur faut parallèlement préserver, voire accroître leurs marges de manœuvre pour faire face à des chocs endogènes et exogènes qui pourraient être de grande ampleur.

Des mesures énergiques sont nécessaires pour remédier aux problèmes bilanciels des banques et des États souverains. La politique monétaire a permis de gagner un répit précieux et de fournir les liquidités essentielles aux systèmes financiers, mais il faut maintenant que les dirigeants politiques aillent de l’avant. Les inquiétudes concernant la solvabilité des établissements bancaires et des États, par exemple ne peuvent pas être dissipées uniquement par des distributions de liquidités.

Il est temps que les pays avancés prennent des mesures énergiques et concrètes pour assainir durablement les bilans et réformer les institutions. Il faudra prendre des décisions difficiles pour rétablir la confiance et asseoir durablement la stabilité financière dans les pays avancés comme dans les pays émergents.



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