Comment l’Islande, naguère au bord du gouffre, a pu se rétablir

Par Poul M. Thomsen, Directeur adjoint, Département Europe, FMI
Affiché le 26 octobre 2011 par le blog du FMI - iMFdirect

Lorsque je me suis rendu à Reykjavik en octobre 2008 pour proposer l’assistance du FMI, la situation de l’Islande était critique. Les trois plus grandes banques du pays — qui constituaient l’essentiel du système financier — s’étaient effondrées l’une après l’autre en l’espace de deux semaines. Le sentiment de peur et l’état de choc étaient palpables — peu de pays, voire aucun, avaient vécu une débâcle économique aussi catastrophique.

Il y avait fort à craindre qu’une dépréciation incontrôlée de la monnaie pousse à leur perte les ménages et les entreprises si rien n’était fait ou qu’une ruée des déposants sur les guichets des banques ne sape ce qui restait du système financier. Le degré d’incertitude était ahurissant : les trois banques possédaient des actifs d’une valeur supérieure à 10 fois le PIB, et personne ne savait quelle serait l’ampleur des pertes ni comment elles se répartiraient entre les Islandais et les investisseurs étrangers.

Aujourd’hui, trois ans plus tard, il est utile de revenir sur la manière dont l’Islande — un pays qui compte à peine 320.000 habitants ― s’est ressaisie depuis les heures noires de 2008. L’économie est de nouveau en pleine croissance et la création d’emplois a repris : le taux de chômage, encore excessivement élevé pour un pays habitué au plein-emploi ou presque, est tombé en-dessous de 7 % de la population active. En juin dernier, l’État islandais a lancé avec succès une émission obligataire de 1 milliard de dollars EU, marquant ainsi son retour sur le marché international des capitaux.

Par ailleurs, s’il est vrai que la dette publique, actuellement égale à 100 % du PIB, est beaucoup plus élevée qu’avant la crise, les finances publiques ont, grâce à un plan de redressement impressionnant, été remises sur des bases saines au cours des deux dernières années. Les banques, pour leur part, ne pèsent plus que 2 fois le PIB, et sont maintenant entièrement recapitalisées.

Il reste, bien entendu, de nombreux problèmes en suspens, y compris l’épineux dossier Icesave concernant le dédommagement des déposants britanniques et néerlandais, mais les Islandais ont fait la preuve de leur ressort et de leur force en tant que peuple. Ils ont pris en mains leur destinée et mis en œuvre des politiques très dures qui portent aujourd’hui leurs fruits. La tâche n’est pourtant pas achevée et il faut un surcroît d’efforts pour faire reculer le chômage et doper la croissance.

Comment recoller les morceaux

Comment donc l’Islande s’y est-elle prise pour remettre son économie sur pied? Le programme sur lequel nous nous sommes entendus en un temps record avec les autorités comportait quatre volets importants.

• Premièrement, une équipe de juristes a été chargé de veiller à ce que les pertes des banques ne soient pas absorbées par le secteur public. En définitive, il a fallu bien sûr que le secteur public intervienne pour faire en sorte que les nouvelles banques disposent de capitaux suffisants, mais il a été mis à l’abri des énormes pertes du secteur privé. C’était un exploit de taille.

• Deuxièmement, l’objectif unique était à l’origine de stabiliser le taux de change. Nous y sommes parvenus à l’aide de mesures non conventionnelles, le contrôle des mouvements de capitaux notamment.

• Troisièmement, le gouvernement a laissé les stabilisateurs automatiques jouer à plein pendant la première année — ce qui revenait à retarder l’ajustement budgétaire. Cela a permis de soutenir l’activité en période de fortes tensions.

• Quatrièmement, les conditions liées au concours du FMI ont été allégées et centrées sur l’objectif essentiel — la reconstruction du secteur financier. Il y a certes d’autres domaines de l’économie où des réformes seront nécessaires à terme, mais elles ne faisaient pas partie du programme de redressement.

Au bout du compte, le programme appuyé par le FMI à hauteur de 2,1 milliards de dollars EU a fourni aux autorités le répit nécessaire pour déterminer comment faire face aux enjeux et tâches énormes qui les attendaient. Grâce à des engagements de prêts des pays nordiques et de la Pologne, l’Islande a pu entamer le pénible travail de reconstruction de son économie.

Le gouvernement a rapidement marqué le programme de son empreinte. Les autorités étaient déterminées à mettre en œuvre les mesures convenues, mais à leur manière. L’un des objectifs majeurs du gouvernement était de préserver le système de protection sociale islandais, et il y est parvenu. «La coopération dynamique avec le FMI a permis de préserver le modèle social nordique de mon pays», a déclaré récemment le Ministre de l’économie, M. Árni Páll Árnason.

Hors des sentiers battus

Lors de l’élaboration du programme d’appui à l’Islande, les services du FMI ont dû recourir à des instruments qui ne font pas partie de notre arsenal habituel. Cet ensemble éclectique de mesures a été efficace dans le cas de l’Islande, mais il n’est pas du tout certain que les enseignements à en tirer soient transposables ailleurs, y compris dans la zone euro en crise.

Pour faire le point sur la crise et la reprise de l’Islande, le FMI et le gouvernement islandais organisent ensemble le 27 octobre une conférence au cours de laquelle des économistes éminents tels que le Prix Nobel Paul Krugman et les spécialistes de l’économie internationale Willem Buiter et Simon Johnson examineront avec des représentants de la société civile, des milieux universitaires et des services du FMI si les leçons que nous avons apprises peuvent s’appliquer ailleurs. N’hésitez pas à prendre part au débat.



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