Principauté d’Andorre : conclusions des services du FMI à l’issue de leur mission de 2021 au titre de l’article IV

le 8 avril 2021

Les conclusions décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d’une visite (ou « mission ») officielle, le plus souvent dans des pays membres. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’ article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des discussions sur les programmes de référence, ou d’une autre forme de suivi de l’évolution économique.

Les autorités ont consenti à la publication des présentes conclusions. Les avis qui y sont exprimés sont ceux des services du FMI et ne correspondent pas nécessairement à ceux du conseil d’administration de l’institution. Sur la base des observations préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve de l'approbation de la direction, sera soumis au conseil d'administration pour examen et décision.

Washington. Une mission du Fonds monétaire international (FMI), dirigée par Mme Srobona Mitra, a mené des entretiens en ligne du 19 mars au 8 avril dans le cadre des consultations de 2021 au titre de l'article IV. [1] À l'issue de cette visite, la mission a publié les conclusions ci-dessous.

La Principauté d’Andorre, dernier pays à être devenu membre du FMI, en octobre 2020, a participé à sa première consultation au titre de l’article IV en s’engageant à continuer de renforcer la transparence. Le tourisme et les services bancaires dominent l’activité économique dans cette économie euroïsée. Le pays est stable depuis longtemps sur le plan politique, a établi de bons antécédents en matière de discipline budgétaire, dispose d’une main-d’œuvre bien équilibrée entre hommes et femmes et offre des stations de ski de niveau international. Les autorités ont bien géré la pandémie au moyen d'un dépistage universel et d’une expansion des capacités hospitalières qui ont maintenu le taux de létalité à un très bas niveau. Cette stratégie a aidé Andorre à appliquer des restrictions internes plus ciblées que les pays voisins. Par ailleurs, les mesures budgétaires d’urgence ont stabilisé les revenus réels et aidé les entreprises. Les autorités sont très actives dans la transition vers une économie verte et numérique, ainsi que dans la diversification des services de tourisme. Elles négocient un accord d’association avec l’Union européenne, après avoir transposé presque toutes les réglementations européennes du secteur financier dans le cadre de l’accord monétaire. Les autorités ont commencé à établir des données sur la balance des paiements, en un temps record et en collaboration étroite avec le FMI.

La pandémie a lourdement pesé sur l’économie du pays et les entretiens ont porté principalement sur les moyens de garantir une reprise durable. Un soutien budgétaire d’urgence doit rester en place jusqu’à ce qu’une reprise se soit installée et jusqu’à ce qu’une part suffisante de la population ait été vaccinée tant à Andorre que dans la région. Une augmentation de l’investissement public et une diversification des sources de financement de l’État pourraient contribuer à accélérer la croissance à long terme tout en maintenant la dette à un niveau gérable. Les autorités budgétaires devraient aussi constituer progressivement des réserves de change. Dans le secteur financier, les fonds propres des banques semblent suffisants pour absorber le choc de la pandémie, mais il convient d’évaluer soigneusement les pleines répercussions de la crise lorsque le soutien des pouvoirs publics prendra fin. À moyen terme, il faudra évaluer les volants de fonds propres des banques en tenant compte des risques liés à de fortes expositions intérieures à un petit nombre de clients, aux prêts entre parties liées et à une base de dépôts considérable de non-résidents. En s'appuyant sur les efforts considérables consentis ces dernières années, les autorités pourraient encore améliorer l’efficacité du contrôle du blanchiment de capitaux afin de consolider la stabilité financière. La diffusion des statistiques officielles conformément aux normes internationales renforcera la transparence et facilitera la surveillance.

Perspectives économiques

La pandémie a durement touché Andorre, mais la crise sanitaire a été bien gérée, avec un dépistage universel et une mise à niveau des capacités hospitalières. Le tourisme et les services intérieurs ont souffert des strictes mesures d’endiguement qui ont été prises au premier semestre de 2020, mais ont rebondi vivement pendant l’été avec l’arrivée de touristes et un assouplissement temporaire desdites mesures. Comme les frontières française et espagnole étaient fermées jusqu’à récemment, en particulier au pic de la saison de ski au premier trimestre de 2021, les hôtels et les stations de ski ont déjà perdu une grande partie de leurs recettes annuelles. Par rapport aux régions voisines cependant, le dépistage universel a peut-être permis de prendre des mesures d’endiguement plus ciblées et de détecter rapidement des cas, avec des obligations de quarantaine en conséquence, ce qui a permis de sauver des vies et des moyens de subsistance. Sur le front sanitaire, malgré le très grand nombre de cas de COVID-19 par habitant, le taux de létalité figure parmi les plus faibles du monde, car les autorités ont rapidement renforcé les capacités hospitalières et l’offre de matériel de protection face à la pandémie. Jusqu’à présent, le rythme des vaccinations a été comparable à celui des pays de l’UE qui font face à des problèmes similaires sur le plan de l’offre. Cependant, des doses de vaccin du mécanisme COVAX pour presque la moitié de la population sont arrivées la semaine dernière. En outre, le plan national de vaccination qui est en place permettra d'administrer rapidement les doses.

Les autorités ont réagi en prenant des mesures budgétaires qui ont limité les répercussions négatives sur l’économie. Elles ont pris des mesures représentant 2,4 % du PIB du côté des dépenses et 0,4 % du PIB du côté des recettes, y compris des dépenses de soins de santé, des aides au paiement des loyers et des salaires pour les entreprises (y compris au moyen de mécanismes à court terme) et une expansion des allocations chômage pour les ménages. En outre, des garanties publiques à hauteur de 9 % du PIB ont été mises à disposition pour des prêts bancaires à des entreprises en mal de liquidités. Ces mesures ont limité la hausse du chômage (dont le niveau reste l'un des plus faibles de la région), ont stabilisé le revenu réel des ménages et ont contribué à couvrir les coûts opérationnels des entreprises, ce qui a permis d’éviter des fermetures. En outre, des moratoires sur le service de la dette ont limité les prêts improductifs et les insolvabilités d’entreprise.

La croissance du PIB réel devrait rebondir cette année, mais sur fond de forte incertitude, elle risque d’être révisée à la baisse. Selon des estimations, l’activité économique s’est contractée de 11,8 % en 2020 et devrait progresser de 5,8 % en 2021, pour retrouver son niveau d’avant la crise d’ici 2023. Les risques pesant sur les perspectives sont considérables. Une campagne de vaccination plus lente que prévu à Andorre et dans les pays voisins, due en partie à un approvisionnement limité en vaccins à l'échelle mondiale, pourrait donner lieu à des confinements prolongés en 2021 si les vagues d’infection n'étaient pas maîtrisées. Si les fonds propres des banques sont suffisants dans le scénario de référence, ils pourraient être mis sous pression par d’éventuelles pertes sur prêts lorsque les mesures budgétaires et autres seront abandonnées. Un appel de garanties publiques à grande échelle pourrait accroître sensiblement la dette publique et les coûts de refinancement des secteurs public et privé. D’autre part, la vaccination de l’ensemble de la population adulte à Andorre et dans les pays voisins pourrait entraîner une révision à la hausse des perspectives.

Maintenir le soutien budgétaire et accumuler des réserves

La dette publique reste viable même si elle a augmenté temporairement au-delà de la limite fixée par la règle budgétaire. Les mesures de relance liées à la COVID-19 ont fait tomber le solde global de l’administration centrale à -4,3 % du PIB en 2020, ce qui vient s’ajouter aux remboursements élevés de la dette à venir. Ces besoins de financement supplémentaires et une augmentation stratégique des actifs en espèces ont été couverts principalement par de nouvelles dettes, notamment par une première émission obligataire privée extérieure, qui a été sursouscrite. Mais les autorités ont réduit les investissements publics prévus afin de faire de la place pour les dépenses liées à la pandémie, contrairement à ce qui s’est passé dans l’Union européenne en moyenne. La dette de l’administration centrale est montée à 48,4 % du PIB, du fait de l’activation de la clause de sauvegarde de la règle budgétaire. Les autorités cherchent à réduire les besoins de financement bruts en allongeant l’échéance moyenne de la dette et en réduisant les charges d’intérêts. La hausse des recettes pendant la reprise, notamment grâce à la mise en place de la taxe carbone et à des révisions des déductions fiscales au profit des entreprises, et le démantèlement des mesures liées à la COVID-19 permettront de dégager des excédents primaires à compter de 2023, la dette diminuant pour atteindre la limite de la règle budgétaire de 40 % du PIB.

La politique budgétaire doit continuer de soutenir l’activité à court terme et prévoir une marge pour une hausse de l’investissement public à moyen terme. Le risque de nouveaux confinement et l’incertitude entourant diverses souches du virus appellent à maintenir des mesures d’urgence. Ces mesures ne doivent être démantelées que progressivement, avec une réduction de leur couverture et de leur générosité si la transmission locale est faible et si l’activité commence à se rétablir. Certains des investissements prévus dans les technologies numériques et dans les mesures d’adaptation et d’atténuation du changement climatique pourraient être avancés en 2021 afin de favoriser la reprise. Une concentration de l’investissement public prévu en début de période pourrait stimuler l’investissement privé dans les secteurs liés au tourisme, qui sont réticents à investir en période d’incertitude. À moyen terme, une hausse des dépenses dans les infrastructures, par exemple une amélioration des transports afin de mieux connecter Andorre aux pôles européens, diversifierait les pays d’origine des touristes, réduirait les embouteillages et renforcerait encore la compétitivité dans le secteur du tourisme. Les réformes prévues dans le système des retraites publiques constituent un pas dans la bonne direction en vue de réduire les risques budgétaires à moyen terme.

Les autorités budgétaires devront à terme constituer des réserves de change pour couvrir leurs besoins de liquidités en cas de tensions futures. Les services du FMI évaluent ces besoins de réserves à environ 12 % du PIB, ce qui serait suffisant pour couvrir un mois d’importation, les fluctuations des recettes budgétaires et le service de la dette extérieure à court terme. Face à ces besoins, les liquidités disponibles à l’heure actuelle se limitent aux avoirs de réserve auprès du FMI, qui représentent 2 % du PIB actuellement. Les 10 autres % du PIB pourraient être accumulés au fil du temps au moyen d’économies budgétaires prévues et exceptionnelles, ainsi que d’excédents courants élevés persistants. Les besoins de liquidités de l’État pourraient augmenter si les banques présentaient un écart de liquidités à l’avenir, en l’absence d’un prêteur de dernier ressort dans les pays euroïsés tels qu’Andorre. L’écart de liquidité des banques est actuellement nul avec l’adaptation des règles de liquidité requise par l’Union européenne. Diverses options sont disponibles pour accumuler les avoirs de réserves nécessaires.

Renforcer la santé des banques pour favoriser la reprise

Les banques ont abordé la pandémie avec des fonds propres et des bénéfices solides, mais avec un niveau élevé de prêts improductifs. Les banques, dont les actifs représentent 450 % du PIB, opèrent à Andorre et dans 12 autres pays, avec une spécialisation dans la gestion de patrimoine par des filiales étrangères. Cette diversification a été utile au secteur bancaire et a abouti à des bénéfices plus élevés que dans les banques de la région. Les fonds propres bancaires publiés sont suffisamment élevés pour faire face au choc de la pandémie. Cependant, les prêts improductifs sont plus élevés que dans la région, en partie à cause d’une résolution de banque en cours, et pourraient augmenter lorsque les mesures exceptionnelles liées à la pandémie seront démantelées.

Comme dans beaucoup d’autres petits pays où le secteur bancaire est de grande taille, les banques andorranes sont exposées à des risques supplémentaires liés à de fortes expositions et à des prêts entre parties liées. De fortes expositions envers un petit nombre de clients pourraient aboutir à une plus forte sensibilité des pertes sur prêts au ralentissement économique. Par ailleurs, une part considérable des prêts bancaires sont accordés à des « parties liées » telles que des actionnaires. Cela constitue un risque car les fonds propres des banques ne sont pas pleinement utilisables et doivent être ajustés en fonction de ces positions.

À court terme, assurer la bonne santé des banques devrait leur permettre d’accroître leurs prêts tandis que la demande en provenance du secteur privé s’affermit. L’Autorité financière andorrane devrait évaluer les répercussions de la pandémie sur les fonds propres des banques, et n’accorder de moratoires qu’aux clients admissibles si nécessaire. Les moratoires temporaires sur le service de la dette ont peut-être rendu les bilans bancaires moins transparents, et l’Autorité financière andorrane doit veiller à ce que les prêts soient classés et provisionnés selon les normes réglementaires.

À moyen terme, l’Autorité financière andorrane doit continuer de gérer trois grands risques. Premièrement, elle devrait envisager des fonds propres supplémentaires (Pilier 2) en ce qui concerne les expositions de certaines banques envers des parties liées. Deuxièmement, elle devrait continuer de veiller à ce que les banques ne présentent pas d’écart de liquidité, c’est-à-dire qu’il y ait toujours des actifs liquides de qualité pour couvrir au moins 100 % des sorties nettes éventuelles dans le mois qui suit. Troisièmement, les autorités devraient renforcer le suivi des flux de capitaux internationaux, notamment en coopérant avec leurs homologues étrangers, et continuer de chercher à mieux comprendre les risques liés au blanchiment de capitaux. Les autorités sont déjà conscientes de ces besoins sur le plan du contrôle et, à leur demande, des experts du FMI collaboreront avec elles pour renforcer le contrôle bancaire plus tard dans l’année.

Continuer de combler les déficits de données

Les autorités reconnaissent qu’il est important de publier des statistiques conformes aux normes internationales. Elles avancent rapidement dans l’établissement de données plus détaillées sur l’économie nationale aux fins d’améliorer la surveillance. Elles ont produit des statistiques de la balance des paiements, avec l’aide du FMI, dans les mois qui ont suivi l’adhésion du pays au FMI. D’autres statistiques des secteurs extérieur, réel, budgétaire et financier doivent être établies et communiquées conformément aux normes internationales. Les autorités ont l’intention de collaborer avec le FMI dans ce domaine et de participer au système général de diffusion des données amélioré (eGDDS), le premier niveau de la norme du FMI pour le partage de données macroéconomiques essentielles pour l’élaboration de la politique économique et la surveillance.

***

La mission tient à remercier les autorités et tous leurs autres interlocuteurs de leur partage de données et informations détaillées, de leur participation à un dialogue constructif et de leur collaboration productive et transparente.



[1] Conformément aux dispositions de l’article IV de ses Statuts, le FMI procède, habituellement chaque année, à des consultations bilatérales avec ses pays membres. Une mission des services du FMI se rend dans le pays, recueille des données économiques et financières, et s'entretient avec les responsables nationaux de l'évolution et des politiques économiques du pays. De retour au siège, les membres de la mission rédigent un rapport qui sert de cadre aux délibérations du conseil d'administration.

Département de la communication du FMI
RELATIONS AVEC LES MÉDIAS

ATTACHÉ DE PRESSE: Wafa Amr

TÉLÉPHONE:+1 202 623-7100COURRIEL: MEDIA@IMF.org