Les services du FMI concluent une mission de consultation au titre de l’Article IV avec Haïti
le 25 novembre 2019
- Haïti fait face à une grave crise politique, économique, et sociale. Les manifestations et blocages répétés du pays depuis l’été 2018 sont à l’origine d’une récession et d’une forte inflation. Malgré les efforts considérables des autorités fiscales et monétaires, les coûts économiques et sociaux de cette crise politique sont particulièrement élevés pour une population déjà pauvre et vulnérable.
- Les priorités à court terme pour les autorités sont la restauration de la stabilité macroéconomique, la mobilisation des revenus fiscaux, la lutte contre la corruption, et le renforcement du filet de sécurité sociale avec, en particulier, le développement d’un nouveau programme pilote de transferts monétaires en faveur des familles vulnérables.
- Les autorités veilleront au renforcement des moyens juridiques et financiers des agences en charge de la lutte contre la corruption et s’assureront de l’application des obligations de déclaration de patrimoine des hauts-fonctionnaires, magistrats et élus.
Une mission du Fonds Monétaire International (FMI), dirigée par Madame Nicole Laframboise, a discuté avec les autorités haïtiennes à Port-au-Prince et à Washington dans le cadre de la consultation au titre de l’Article IV. À l’issue des réunions, Madame Laframboise a fait la déclaration suivante :
« Nous remercions vivement les autorités haïtiennes ainsi que les fonctionnaires et employés du secteur public et les représentants du secteur privé et de la société civile avec qui nous avons discuté, pour leurs efforts en vue de la tenue de cette consultation, malgré une situation très difficile en Haïti.
Haïti est confrontée à une crise politique, économique, et sociale sans précédent. Les blocages répétés du pays en novembre 2018, février, juin et septembre 2019 ont affecté sévèrement l’activité économique. La croissance pour l’année fiscale 2019 devrait être autour de -1,2 pour cent, tandis que l’inflation est estimée à plus de 20 pour cent à fin septembre, alimentant la pauvreté et l’insécurité et privant l’État des moyens d’investir et de soutenir l’activité.
Depuis mars 2019, l’absence d’un gouvernement ratifié par le Parlement, a entravé l’approbation par le FMI de l’accord conclu au niveau technique pour un programme au titre de la Facilité Elargie de Crédit (FEC). Cela a aussi entrainé la suspension des supports budgétaires extérieurs.
Nos projections à moyen terme ne prévoient pas de grandes réformes, qu’il est irréaliste d’envisager à ce stade, et tablent sur une stabilisation de la situation politique et du PIB au cours de l’année 2020 avec une très faible reprise de la croissance autour de 0,9 pour cent en 2021 . Dans ce contexte, il serait difficile d’envisager un taux d’inflation très en-deçà de 20 pour cent par an pour les deux prochaines années. De même, la croissance potentielle est estimée à 1,5 pour cent par an à plus long terme.
La poursuite de la crise politique actuelle serait dévastatrice pour le pays avec des conséquences de moyen terme plus sévères en raison des pertes de capital physique et humain.
D’un autre côté, une sortie de crise dans le court terme pourrait conduire à un rebond de l’activité économique. La nomination d’un gouvernement déterminé à entreprendre des réformes et la reprise de l’appui de la communauté internationale permettraient de desserrer la contrainte budgétaire. Il s’en suivrait une augmentation des dépenses publiques, notamment d’investissement, en même temps qu’une réduction du financement de la banque centrale facilitant ainsi une baisse de l’inflation et une hausse de la croissance à court et moyen et long-terme.
La priorité immédiate doit être la stabilisation de la situation économique. À défaut d’un budget soumis à l’examen du parlement, il est important que le gouvernement prépare et publie, comme annoncé, un cadre budgétaire pour 2020 dans les plus brefs délais. Ce cadre devrait inclure des mesures pour contenir les dépenses non-prioritaires et améliorer la collecte des recettes fiscales, particulièrement par le renforcement de l’administration fiscale et la réduction des exemptions d’impôt.
Nous félicitons les autorités pour la signature et le respect du Pacte de Gouvernance Économique et Financière entre la Banque de la République d’Haïti et le Ministère de l’Economie et des Finances, qui a contribué à stabiliser l’inflation et le taux de change jusqu’à la fin de septembre 2019. La reconduction de ce pacte est nécessaire pour limiter de nouveau le financement monétaire du déficit budgétaire, source d’inflation.
Nous félicitons les autorités des efforts mis en œuvre pour finaliser la rédaction d’une Politique Nationale de Protection et de Promotion Sociale (PNPPS) et encourageons le Conseil des ministres à adopter formellement cette politique et à lancer un nouveau programme pilote de transferts monétaires aux personnes vulnérables. La PNPPS doit permettre de réduire la fragmentation et la superposition des programmes existants, source d’inefficacité. Les services du FMI recommandent que cette politique conduise à la mise en place, sous l’égide du Ministère des Affaires Sociales et du Travail (MAST), d’un nombre limité de programmes de transferts monétaires à destination de groupes vulnérables de la population.
La lutte contre la corruption est une autre priorité de court terme. L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) doit voir ses moyens juridiques et financiers renforcés pour assurer pleinement sa mission. Le Comité de Pilotage prévu dans la Stratégie Nationale de Lutte contre la Corruption de 2009 doit être mis en place avec l’intégration des représentants indépendants de la société civile et doit participer à la préparation de la nouvelle stratégie anti-corruption. Les obligations de déclaration du patrimoine « des personnalités politiques, fonctionnaires et agents publics », doivent être appliquées conformément aux lois régissant la matière (Loi du 12 février 2008). Les mesures de lutte contre le blanchiment d’argent peuvent renforcer les efforts de lutte contre la corruption, notamment la vérification de la provenance de fonds par les banques dans le cadre de leurs obligations de connaissance du client, en particulier les personnes politiquement exposées.
Nous souhaitons que le retour à la stabilité politique permette un consensus sur un ensemble de réformes plus approfondies en matière de gestion des finances publiques, d’amélioration de la gouvernance économique, d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’énergie ainsi que de la protection et de la promotion sociale.
Haïti dispose du potentiel pour une croissance plus forte et plus inclusive. Le FMI continue à fournir des conseils stratégiques et une assistance technique et se tient prêt à aider à la réalisation de ce potentiel avec un soutien plus intensif, une fois les conditions politiques réunies.
Département de la communication du FMI
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