Pourquoi les pays de la région Moyen-Orient et Asie centrale doivent améliorer leurs institutions budgétaires
le 28 octobre 2019
Dans les dix ans qui ont suivi la crise financière mondiale, les pays de la région Moyen-Orient et Asie centrale ont assisté à une envolée de leurs déficits et de leurs dettes ; alors qu’en 2008 le solde budgétaire global des pays de la région était excédentaire d’environ 10 % du PIB, il est systématiquement négatif depuis plusieurs années.
Cela s’explique entre autres par la faiblesse de la croissance, les chocs sur les prix du pétrole et la hausse des besoins de dépenses, notamment dans les pays touchés par les soulèvements arabes. Mais le contexte est également en cause : beaucoup de pays de la région avaient aussi des institutions budgétaires peu développées et peu efficaces. La dernière édition des Perspectives économiques régionales s’intéresse à la relation qui existe entre ces institutions et les résultats budgétaires.
« En améliorant la transparence de leurs institutions budgétaires et en les rendant davantage comptables de leur action, les pays de la région peuvent atténuer la vulnérabilité de leurs finances publiques, promouvoir des politiques viables, accroître l’efficience de la dépense publique et, d’une manière générale, renforcer leurs économies », note Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI.
Comment se classent les institutions budgétaires du Moyen-Orient et d’Asie centrale au regard de celles d’autres pays ?
Lorsqu’elles sont bien structurées et gérées efficacement, les institutions budgétaires peuvent permettre d’améliorer la discipline budgétaire, de renforcer la résilience et de rendre la dépense moins volatile et les finances publiques plus saines — autant d’évolutions qui, avec le temps, atténuent la vulnérabilité économique d'un pays.
L’efficacité des institutions budgétaires peut se mesurer à plusieurs critères, par exemple, la quantité d’informations publiées au sujet du budget, ou l’existence de mécanismes pour élaborer et poursuivre les objectifs budgétaires à moyen terme.
Quelques points positifs sont à noter dans la région. Ainsi, en matière de transparence budgétaire, les pays importateurs de pétrole de la région Moyen-Orient, Afrique du Nord, Afghanistan et Pakistan (MOANAP) et les pays de la région Caucase et Asie centrale (CAC) ont fait des progrès remarquables ces dernières années, même si leurs scores globaux restent relativement faibles. Mais pour un certain nombre de facteurs, les pays des deux régions font moins bien que leurs pairs. Par exemple :
- Les pays MOANAP exportateurs de pétrole ont des scores de transparence budgétaire nettement plus faibles que les autres pays exportateurs de pétrole. Entre 2012 et 2017, l’Algérie, l’Irak et le Qatar n’ont ainsi enregistré aucune amélioration, alors que les autres pays exportateurs de pétrole (Venezuela mis à part) progressaient de 5 % en moyenne. Toutefois, quelques points encourageants sont à noter : ainsi, l'Arabie saoudite a fait des efforts notables de transparence depuis 2017, notamment en publiant des comptes budgétaires plus complets et des états financiers audités.
- S'agissant des marchés publics, de nombreux pays de la région, en particulier ceux de la région CAC, ont de mauvais scores.
- Plus de la moitié des pays MOANAP importateurs de pétrole n’ont aucun mécanisme pour fixer des objectifs budgétaires et définir des stratégies pluriannuelles pour les atteindre.
La conclusion générale de l’analyse du FMI est claire : dans les pays des régions MOANAP et CAC, il y a encore beaucoup à faire en ce qui concerne le renforcement des institutions budgétaires.
Vers une trajectoire plus viable
En renforçant leurs institutions budgétaires, les pays MOANAP exportateurs de pétrole préserveraient mieux leurs économies de la volatilité des prix mondiaux du pétrole, les pays importateurs de pétrole pourraient modérer le gonflement de leurs dettes publiques, et les pays CAC seraient mieux à même de réduire leur vulnérabilité face aux chocs futurs. Un tel effort aurait de multiples avantages. Ainsi, on estime que l’accumulation de dette publique pourrait, à moyen terme, ralentir de plus de 4 % du PIB par rapport aux niveaux actuels si les pays adoptaient de bonnes pratiques pour plusieurs attributs clés de l’efficacité des institutions budgétaires.
Alors, comment procéder ? Les pays qui ont un mauvais score de transparence devraient ouvrir leurs processus budgétaires et communiquer davantage de données sur les projections et les risques. Ainsi, la Tunisie et l’Ouzbékistan, avec l’assistance technique du FMI, ont engagé des actions importantes à cet égard en adoptant un système d’évaluation de la transparence budgétaire ; les autres pays pourraient s'inspirer de leurs exemples pour concevoir leurs réformes.
L’établissement d’objectifs et de stratégies budgétaires à moyen terme peut améliorer la discipline budgétaire et réduire le rythme d’accumulation de la dette. Il importe aussi de renforcer les systèmes de gestion des finances publiques et les procédures de passation des marchés publics. Le Koweït, qui a récemment adopté une loi visant à accroître la concurrence et la transparence des marchés publics, offre un exemple encourageant à cet égard. La pleine entrée en application de cette législation va moderniser l’évaluation des soumissions et devrait encourager la participation des petites et moyennes entreprises.
Il n’existe pas de solution unique qui convienne à tous les pays pour renforcer les institutions budgétaires et faire face aux enjeux budgétaires, et le problème présente d’autres aspects importants que les gouvernements doivent garder à l’esprit. Toutefois, en reconnaissant que la qualité des institutions budgétaires est inextricablement liée au succès (ou à l’échec) de la politique budgétaire, les dirigeants peuvent accomplir des progrès importants tandis qu’ils cherchent à rendre leurs pays plus résilients et plus prospères dans les années à venir.