France : déclaration des services du FMI à la fin de leur mission de 2018 au titre de l’article IV
le 4 juin 2018
Les conclusions décrivent les observations préliminaires des services du FMI au terme d'une visite (ou « mission ») officielle, le plus souvent dans un pays membre. Les missions sont effectuées dans le cadre des consultations périodiques (généralement annuelles) au titre de l’article IV des Statuts du FMI, d’une demande d’utilisation (emprunt) des ressources du FMI, des discussions sur les programmes de référence ou d’une autre forme de suivi de l'évolution économique. Les autorités ont consenti à la publication des présentes conclusions.
Les opinions exprimées dans ces conclusions sont celles des services du FMI et ne sont pas nécessairement celles du Conseil d'administration. Sur la base des observations préliminaires de cette mission, les services du FMI établiront un rapport qui, sous réserve de l'approbation de la direction, sera soumis à l'examen et à la décision du Conseil d'administration du FMI.L’économie française connaît une reprise vigoureuse, portée par des conditions favorables à l’échelle nationale et mondiale. En s’appuyant sur des perspectives favorables, les autorités devraient principalement s’attaquer aux enjeux à long terme et accroître la résilience aux chocs. Au cours de l’année écoulée, la France a accompli des progrès impressionnants à cet égard, et le programme de réformes à venir est tout aussi ambitieux. À terme, nous encourageons les autorités à s’attacher en priorité à :
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Parachever et mettre en œuvre les réformes prévues de la formation professionnelle et de l’apprentissage afin de réduire l’inadéquation entre la demande et l’offre de travail, de faire baisser le chômage structurel et d’améliorer les débouchés des groupes désavantagés. Être prêtes à renforcer ces réformes à l’aide de mesures supplémentaires si nécessaire ;
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Poursuivre les réformes complémentaires des marchés de produits et de services afin d’ouvrir le secteur des chemins de fer à la concurrence et de réduire la charge administrative des entreprises, tout en continuant de libéraliser les professions protégées ;
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Fournir des plans spécifiques de réduction de la dépense publique tout en la rendant plus efficiente, et mettre la dette publique sur une trajectoire de réduction soutenue à moyen terme ;
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Être prêtes à déployer des outils macroprudentiels de manière prospective afin d’éviter l’accumulation de déséquilibres tant que les conditions financières restent lâches.
Perspectives et risques
La France connaît une reprise généralisée. La croissance du PIB réel a accéléré en 2017, pour atteindre 2,3 %, portée par des réformes domestiques déjà en place ou en cours, une politique monétaire accommodante et un environnement mondial favorable. La reprise économique a stimulé les recettes fiscales et a contribué à réduire le déficit budgétaire à 2,6 % du PIB, soit en deçà du plafond de 3 % établi dans la procédure de déficit excessif. Si le chômage reste élevé, il a baissé, grâce à la solide croissance de l’emploi, et l’inflation et l’inflation sous-jacente, quoique à partir de bas niveaux.
Les perspectives sont favorables, même si elles sont exposées à des risques de dégradation . Cette année et l’année prochaine, la croissance devrait rester vigoureuse, quoique moins dynamique qu’en 2017, avec un investissement robuste, des exportations dynamiques et une consommation solide. À moyen terme, la croissance devrait se modérer et converger progressivement vers son potentiel à plus long terme, tandis que les réformes structurelles soutiendront la croissance de la productivité. Cependant, il subsiste des risques tant internes qu’externes. Sur le plan interne, la croissance sera plus faible si le rythme des réformes ralentit, ou si les réformes s’avèrent moins efficaces que prévu. Sur le plan externe, une montée des tensions commerciales, l’incertitude géopolitique ou une érosion de la confiance dans le projet européen pourraient peser sur les exportations et la croissance, tandis qu’une normalisation plus rapide que prévu des taux d’intérêt pourrait grever les bilans publiques et privés.
Les autorités devraient continuer de poursuivre leur programme de réformes et tirer parti des perspectives favorables pour s’attaquer aux problèmes structurels qui subsistent et accroître la résilience aux chocs. Les résultats économiques de la France sont depuis longtemps entravés par le manque de souplesse du marché du travail et le niveau élevé du chômage structurel, la faiblesse de la compétitivité et le niveau élevé des dépenses et de la dette publique. Ces dernières années, la dette du secteur privé a aussi augmenté. Pendant sa première année, le nouveau gouvernement a opéré un nombre impressionnant de réformes visant à s’attaquer à plusieurs de ces problèmes. Le programme d’action à venir est tout aussi ambitieux et met l’accent à juste titre sur les points suivants : i) réduire l’inadéquation entre l’offre et la demande de travail et les déficits de qualifications qui désavantagent certains groupes, ii) améliorer le climat des affaires et soutenir l’investissement, iii) réduire les dépenses et la dette publique à moyen terme et iv) s’attaquer aux vulnérabilités liées à la dette du secteur privé. La reprise en cours offre l’occasion de poursuivre ces réformes.
Réformes structurelles
Les réformes du marché du travail et de la fiscalité qui ont été opérées l’an dernier devraient être favorables à l’investissement, à l’emploi et à la croissance. En ce qui concerne le marché du travail, les mesures prises prévoient une plus grande flexibilité et une simplification des négociations salariales au niveau des entreprises, tout en réduisant l’incertitude juridique entourant les licenciements. Sur le plan de la fiscalité, les réformes ont réduit la charge sur le revenu du travail, ont abaissé l’impôt sur les bénéfices des sociétés et ont remanié l’imposition du capital. Nous nous attendons à ce que ces réformes facilitent un meilleur alignement des salaires sur la productivité, encouragent l’investissement privé et dopent la compétitivité.
Une deuxième phase de réformes du marché du travail, qui est attendue cet été, devrait améliorer les perspectives des travailleurs peu qualifiés. Ces réformes prévoient d’améliorer la qualité des systèmes d’apprentissage et de formation professionnelle, notamment en faisant mieux correspondre la formation aux besoins des entreprises, en renforçant les droits des individus et en améliorant la gouvernance. Des réformes concomitantes du système d’éducation réduiront la taille des classes dans les écoles primaires dans les zones désavantagées et modifieront l’accès à l’enseignement supérieur. Ces réformes devraient réduire le chômage structurel en alignant mieux les compétences des travailleurs sur les qualifications dont les entreprises ont besoin. Elles devraient aussi contribuer à intégrer les groupes vulnérables, par exemple les jeunes et les travailleurs peu qualifiés, dans le marché du travail. Ces groupes vont aussi bénéficier des mesures récentes de renforcer les minima sociaux.
Des réformes complémentaires des marchés de produits et de services créeront des synergies et renforceront la compétitivité et la croissance à long terme. Nous saluons l’intention des autorités de restructurer la Société Nationale des Chemins de Fer et d’améliorer sa viabilité financière tandis que le secteur s’ouvre à la concurrence. En s’appuyant sur des réformes antérieures (par exemple la loi Macron 2015), les autorités élaborent d’autres mesures qui amélioreront le climat des affaires (Loi Pacte) and renforcerons les politiques d’innovation, notamment en simplifiant les charges administratives et en mettant en place des systèmes de rémunération plus flexibles qui sont liés aux résultats des entreprises, ce qui peut contribuer à l’investissement, à l’emploi et à la croissance.
Etant donné ce rythme ambitieux de réformes, la France est maintenant devenue un chef de file des réformes en Europe ; néanmoins, il convient de mettre en œuvre ces réformes de manière résolue, de les suivre avec soin et de les renforcer si nécessaire. En ce qui concerne le marché du travail, les autorités pourraient aussi, par exemple, accroître la flexibilité des entreprises sur le plan de la formation des salaires de base, réduire le champ d’application du mécanisme qui régit les salaires minimums, élargir les réformes de la formation et de l’éducation afin d’y inclure les lycées professionnels et les programmes de pré-apprentissage pour les groupes désavantagés, et réexaminer la durée, le niveau et le taux d’accumulation des allocations chômage. Les autorités pourraient aussi envisager de réduire davantage les restrictions et les obstacles à la concurrence dans les professions protégées (par exemple pharmacies, etc.) afin de réduire les coûts et d’accroître la productivité.
Politique budgétaire
Le gouvernement a des objectifs budgétaires suffisamment ambitieux, mais doit encore préciser en détail comment il compte les atteindre. Pour orienter fermement la dette publique à la baisse et atteindre son objectif de moyen terme (OMT), des efforts devront être réaliser pour s’assurer que le ratio des dépenses publiques par rapport au PIB baisse d’environ 4 % (net de crédits d’impôt) à moyen-terme. Il s’agit d’une réduction considérable, même si elle n’est pas sans précédent à l’échelle internationale, qui exigera un effort déterminé et soutenu dans l’ensemble du secteur publique. Dans ce contexte, il convient de résister aux appels à de nouvelles baisses d’impôts non financées afin d’éviter de rendre la tâche encore plus ardue. À court terme, les mesures figurant dans la loi de finances de cette année devraient être renforcées : il s’agira notamment de maîtriser les dépenses de santé, de réduire le recours aux emplois subventionnés, de rationaliser l’aide au logement de limiter la croissance des dépenses des collectivités locales grâce à une approche contractuelle. Ces efforts devraient plus ou moins compenser les coûts de l’allégement fiscal qui a déjà été adopté. Cependant, il reste à définir dans une large mesure les mesures qui permettront de réduire le déficit à moyen terme.
Pour assurer la crédibilité de la stratégie, il est essentiel de procéder à des réformes des dépenses à tous les niveaux des administrations publiques à compter de la loi de finances 2019. Cela réduirait aussi l’incertitude et faciliterait la planification. Ces réformes devraient constituer une occasion de réexaminer comment les services publics sont fournis, ainsi que d’en moderniser et d’en améliorer la qualité. Le Comité Action Publique 2022, dirigé par des experts, publiera bientôt un rapport contenant des recommandations à cet égard. Notre analyse indique des domaines de réformes ci-après :
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les prestations sociales pourraient mieux être ciblées sur ceux qui en ont besoin et être simplifiées;
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les niches fiscales et les subventions aux entreprises pourraient être rationalisées et rendues plus efficientes;
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les dépenses de santé pourraient être maîtrisées sans compromettre les résultats, notamment en recourant davantage aux médicaments génériques, en réformant les hôpitaux et les soins de base, et en intégrant mieux les différents niveaux de soins;
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la réforme des retraites en cours de consultation, qui a pour objectif d’unifier les différents régimes et de simplifier le système, pourrait aussi prévoir de relever progressivement l’âge effectif de départ à la retraite en tenant compte de l’allongement de la durée de vie et en le rapprochant des pays européens comparables.
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la réforme prévue du service public , notamment le recours accru aux contrats à durée déterminée, les plans de départs volontaires et l’établissement d’un système de rémunération au mérite, pourrait être complétée par des réductions supplémentaires et ciblées des effectifs de fonctionnaires par attrition;
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quant aux collectivités locales, outre les plans actuels, la fusion des petites municipalités et l’élimination des doublons entre les fonctions des collectivités locales et de l’administration centrale pourraient créer de nouvelles économies d’efficience.
Secteur financier
Face à des taux d’intérêt qui restent à un bas niveau et à une croissance vigoureuse du crédit, les autorités devraient être prêtes à déployer des outils macroprudentiels si nécessaire. Le secteur bancaire a amélioré sa résilience, en particulier en renforçant les coussins de fonds propres. Comme les conditions financières demeurent souples, l’endettement privé est en hausse, surtout dans certaines parties du secteur des entreprises, ce qui pourrait conduire à des déséquilibres lorsque les taux d’intérêt se normaliseront. Les autorités macroprudentielles ont plafonné les engagements des banques envers de grandes entreprises endettées, ciblant ainsi de manière appropriée un éventuel domaine de vulnérabilité. À terme, elles devront surveiller l’évolution générale du crédit et être prêtes à activer le volant anticyclique de fonds propres si la tendance persiste ou s’accélère.
La mission remercie les autorités de leur hospitalité, de leur coopération et de leur volonté de mener des entretiens ouverts et productifs.
Département de la communication du FMI
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