Finance pour tous : Promouvoir l'inclusion financière en Afrique de l'Ouest

le 20 septembre 2016

Bonjour. C'est un honneur pour moi de m’adresser aujourd’hui à un groupe d’aussi haut niveau sur le thème de l’inclusion financière. Je tiens à remercier les collègues de la BCEAO et du Sénégal de leur étroite coopération dans l’organisation de cette conférence, qui fait partie de la série de conférences que le FMI a organisées sur ce thème ces dernières années ici en Afrique et dans d’autres régions.

La question de l’inclusion financière est très importante. L’accès aux services financiers dans le cadre du processus de développement est un élément de plus en plus important de votre travail, ainsi que des conseils, des études et de l’assistance technique du FMI dans cette région.

Les chiffres sont peu réjouissants : à l’heure actuelle, environ 2 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès à des services financiers de base. La plupart sont pauvres et une grande proportion, africaine.

Bon nombre de vos pays ont accompli des progrès considérables en ce qui concerne l’accès aux services financiers ces dernières années. Ici au Sénégal, la part de la population qui détient un compte en banque a plus que doublé entre 2011 et 2014 pour avoisiner 12 %. Le Bénin, le Mali, le Niger et le Togo ont bien progressé aussi. La banque mobile complète les services bancaires traditionnels.

Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir. Même avec la banque mobile, seulement 34 % de la population adulte africaine a accès à des services bancaires ; dans l’UEMOA, c’est moins de 18 %. Trop de ménages n’ont pas de compte en banque ; trop de petites entreprises n’ont pas accès au crédit. L’exclusion nuit au développement.

Les avantages de l’inclusion financière et d’une croissance inclusive, c’est-à-dire dont les fruits sont partagés, sont clairement établis. L’accès aux services financiers ouvre des portes aux familles, en leur permettant de lisser leur consommation et d’investir dans leur avenir grâce à l’éducation et à la santé. L’accès au crédit permet aux entreprises de se développer, en créant des emplois et en réduisant les inégalités. L’inclusion financière jette un pont entre les opportunités économiques et les résultats.

Il est plus impératif que jamais de s’attaquer à cette question — étant donné non seulement les avantages à en retirer par vos pays, mais aussi les problèmes liés à l’évolution de l’économie mondiale. Nous enregistrons une croissance mondiale décevante, qui devrait persister en 2017. Le ralentissement de la demande des pays avancés et des pays émergents a durement touché l’Afrique depuis 2014, en particulier les pays exportateurs de ressources naturelles.

Plusieurs de vos pays continuent d'enregistrer une croissance élevée, mais d’autres pays africains éprouvent des difficultés après plus de 10 ans d’expansion. Il ne faut pas relâcher l’effort. Il est essentiel de mettre en place des politiques qui peuvent maintenir ou relancer la croissance, et le développement du secteur financier et l’inclusion financière doivent faire partie de cet effort. En fait, des analyses du FMI ont montré que l’inclusion est propice à la croissance. Donc, pour une fois, il est possible d’avoir à la fois une croissance plus élevée et une inclusion plus élevée.

Je souhaiterais maintenant préparer le terrain pour notre débat en offrant quelques perspectives globales sur les meilleurs moyens d’accroître l’inclusion financière et la connexion cruciale entre inclusion et stabilité financière.

Enseignements du passé

Nous pouvons nous tourner vers de nombreux succès dans le monde entier pour chercher la meilleure méthode d’inclusion financière. En Asie, des pays tels que la Chine, l’Inde et l’Indonésie mène une politique qui a rapidement amené des millions de personnes dans le circuit financier général. En Afrique de l’Est, les progrès du Kenya et d’autres pays sur le plan de la banque mobile peuvent offrir un modèle à d’autres pays.

Plusieurs enseignements fondamentaux peuvent être tirés.

Premièrement et de façon générale, il convient de considérer l’inclusion financière comme étant étroitement liée au processus de développement du secteur financier. Si l’inclusion signifie un accès à la banque, ces services doivent être plus proches de la population, en offrant collecte des dépôts, traitement des paiements, micro financement, prêts hypothécaires, produits d’assurance — en d’autres termes, tous les produits et services qui alimentent l’investissement, créent des emplois et stimulent la croissance.

Les banques centrales jouent inévitablement un rôle crucial dans la mise en place d’un environnement propice à l’accès aux services financiers. Il leur revient de trouver le juste équilibre entre accès aux instruments financiers et protection des banques contre l’instabilité et les risques…

Au-delà des banques centrales centrale, les pouvoirs publics sont chargés d'établir les lois et les réglementations qui encouragent à la fois le développement du secteur financier et l’inclusion financière. Les réglementations sont particulièrement importantes, par exemple des éléments de base tels que les documents à présenter pour ouvrir un compte. Des clients potentiels pourraient être exclus s’ils doivent fournir une adresse fixe ou une preuve d’emploi dans le secteur formel. Les innovations technologiques telles que la banque mobile exigeront des réglementations particulières. Des lois pourraient aussi être nécessaires pour autoriser l’entrée sur le marché d’institutions qui offrent des produits financiers conformes à la charia — un problème fondamental dans plusieurs pays africains. Les banques centrales peuvent aussi jouer un rôle fondamental en ce qui concerne bon nombre de ces points.

Bien entendu, l’inclusion financière ne concerne pas seulement l’État. Bien d’autres acteurs sont requis, en particulier le secteur privé, mais aussi la société civile.

Je suis sûr que nous examinerons certains de ces sujets plus en détail aujourd’hui.

Technologie et inclusion

J’ai déjà évoqué le rôle de la technologie dans l’inclusion, mais permettez-moi d’y revenir. Les progrès technologiques ont déjà permis d’améliorer l’accès aux services financiers, notamment en réduisant les coûts et en permettant d’offrir des services dans des zones où il n’y a peut-être pas de succursales bancaires.

Le dernier rapport Findex de la Banque mondiale est encourageant : parmi toutes les régions du monde, l’Afrique subsaharienne a la proportion la plus élevée de comptes de banque mobile. Le potentiel d’augmentation de l’accès aux services financiers est bien plus élevé que celui de la banque traditionnelle.

Au Kenya, le service de paiement mobile M-PESA est devenu partie intégrante de l’économie de marché et s’étend aux pays voisins. Au cours des 10 dernières années, la proportion de Kenyans qui n’ont pas accès aux services financiers est tombée de 41 à 17 %. Aujourd’hui, un dispositif d’épargne mobile offre aussi des crédits à la consommation.

La banque mobile s’installe en Afrique de l’Ouest aussi, mais dans de moindres proportions. Toutefois, il est à noter que, en Côte d’Ivoire, le nombre de comptes mobiles dépasse le nombre de comptes traditionnels.

Globalement, il est intéressant à mes yeux de noter que c’est une compagnie de télécommunication qui a joué un rôle essentiel dans le développement du système de banque mobile au Kenya. Dans d’autres pays, c’est le secteur bancaire. Je suis donc très curieux d’entendre votre avis sur ce qui serait le meilleur moyen de développer ces services.

Permettez-moi maintenant d’examiner de plus près la question de la stabilité financière. Nous savons très bien que lorsque l’on parle du développement de l’inclusion financière, on s’inquiète souvent de ses implications pour la stabilité du système financier. C’est une question valable. L’octroi de crédit à des projets improductifs ou à des clients incapables de rembourser peut exposer le prêteur à des risques plus élevés ; il peut aussi exposer des emprunteurs mal informés à un risque accru de surendettement.

Mais l’amélioration de l’accès aux services financiers ne doit pas nécessairement conduire à l’instabilité. L’inclusion ne signifie pas qu’il faut accorder des prêts à tout le monde à n’importe quel prix.

C’est là que les réglementations, et la supervision, sont aussi importantes. Une inclusion financière durable et efficiente exige un équilibre entre l’innovation et des garde-fous qui permettent d’assurer la bonne santé du secteur financier. Il s’agit d’aider les consommateurs, en particulier les plus vulnérables, à profiter de l’accès aux services financiers sans s’endetter davantage. Donc, des réglementations financières bien conçues, y compris un solide contrôle prudentiel, peuvent orienter les prêts vers les usages les plus productifs. Bon nombre de pays ont réussi à atteindre cet équilibre, et l’inclusion financière a progressé.

Encourager une inclusion active

Avant de conclure, permettez-moi de faire une autre observation en ce qui concerne l’inclusion financière. L’accès aux services financiers n’est pas nécessairement la même chose qu’une participation active au système financier. Prenons l’exemple de l’Afrique du Sud : les comptes en banque incluant un service minimum ont conduit à une augmentation considérable du nombre de comptes. Mais cinq ans plus tard, 42 % de ces comptes étaient inactifs. Donc, si beaucoup de clients ont profité de ce système, ce ne fut pas le cas pour un grand nombre d’autres clients.

L’enseignement à tirer de cette expérience est qu’il convient de s’efforcer d’aider les personnes qui viennent d’être incluses au système à tirer parti des services qui sont mis à leur disposition. Une formation est nécessaire, en particulier en ce qui concerne la comptabilité, l’établissement d’un budget et la planification pour les petites entreprises. Évidemment, il faut aussi que les chômeurs et les personnes qui sont sous-employés aient un emploi, afin d’avoir un revenu à épargner et à investir. Mais c’est là le sujet d’une autre conférence.

Notre tâche consiste à veiller à ce que l’inclusion financière donne des moyens d’agir aux individus, aux familles et aux petites entreprises, en particulier dans les communautés pauvres, parallèlement à des systèmes financiers qui fonctionnent bien et qui peuvent leur donner du pouvoir et renforcer les économies. Le FMI considère que l'inclusion financière est un pilier essentiel du développement économique. Avec la Banque mondiale et d'autres institutions régionales, nous collaborons avec beaucoup de pays africains pour concevoir des réformes qui peuvent favoriser cette inclusion.

Nous continuerons de chercher à mieux comprendre les questions en jeu, ainsi qu'à développer et à partager les pratiques optimales avec nos pays membres, afin d'encourager les politiques qui permettront à de plus en plus de personnes de tirer parti des possibilités qui leur sont offertes d'améliorer leur vie. Cet effort ne fait que commencer. Je me réjouis d’entendre vos avis sur ces questions aujourd’hui. Je vous remercie de votre attention.

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