Un Kényan compte les billets qu'il a retirés à un point M-Pesa, à Nairobi, en utilisant un téléphone portable. M-Pesa permet d'envoyer des fonds par « texto ». (photo: Daniel Irungu/EPA/Newscom)

Mettre la technologie financière au service des catégories sous-bancarisées

le 19 septembre 2016

  • L'inclusion financière stimule la croissance
  • La technologie propre à ce domaine contribue à la diffusion de services financiers à tous les milieux sociaux
  • Des services financiers abordables favorisent le développement des pays à faible revenu

Plus de deux milliards d'habitants de la planète n'ont pas de compte bancaire. La plupart sont pauvres et, en Afrique subsaharienne, un tiers seulement des adultes a accès à un service financier de base. Selon Mitsuhiro Furusawa, directeur général adjoint du FMI, cette forme d'exclusion handicape la région dans la course au développement.

« L'accès aux services financiers permet aux familles de lisser leur consommation et d'investir dans l'éducation et la santé pour assurer leur avenir. L'accès au crédit permet aux entreprises de croître et de créer des emplois, d'où une réduction des inégalités », a ajouté M. Furusawa.

M. Furusawa se trouve actuellement à Dakar pour assister à une conférence consacrée à la promotion de l'inclusion financière en Afrique de l'ouest. En freinant la demande de produits africains, le ralentissement de l'économie mondiale oblige de nombreux pays de la région, en particulier ceux qui exportent des ressources naturelles, à trouver des moyens de redynamiser l'activité. M. Furusawa a déclaré que l'inclusion financière était l'un des facteurs essentiels d'une croissance forte et régulière.

La difficulté d'obtenir des services financiers classiques a de multiples causes. Mais, pour Roger Nord, Directeur adjoint du Département Afrique du FMI, l'innovation technologique dans le secteur financier, qualifiée communément de Fintech, pourrait être le vecteur le plus prometteur de l'inclusion financière.

« Dans les pays à faible revenu, il est souvent difficile de se procurer des services financiers formels: d'une part, les agences bancaires sont concentrées en zone urbaine; d'autre part, il arrive qu'elles facturent des intérêts et des commissions élevés. La technologie financière est en mesure de remédier à ces deux problèmes: tout propriétaire d'un téléphone portable dispose instantanément de services financiers bien moins onéreux », a souligné M. Nord.

L'extension rapide de cette technologie est la preuve de son utilité. L'Afrique subsaharienne est leader mondial des opérations bancaires via la téléphonie mobile.

De la simplicité de payer à la simplicité d'épargner

Au Kenya, par exemple, le système d'opérations bancaires par téléphonie mobile, appelé M-Pesa, après avoir permis d'échanger du temps d'appel inutilisé, s'est rapidement transformé en plateforme de paiement. Au lieu de passer plusieurs jours en autocar pour apporter des espèces aux membres de la famille habitant des villages, il est possible d'envoyer de l'argent par « texto » à très bon marché.

Les banques locales se sont associées à M-Pesa et ont commencé à proposer une formule d'épargne pour les soldes non utilisés des comptes M-Pesa -- avec versement d'intérêt quel que soit le montant. Par ailleurs, les données sur les utilisateurs permettent l'octroi de micro-crédits à des personnes jugées fiables.

C'est pourquoi de plus en plus de kényans épargnent et empruntent, de sorte que la proportion de la population exclue des services financiers est tombée en deçà de 17 %. Le Kenya occupe désormais la troisième place en Afrique subsaharienne pour l'accès aux services financiers, derrière l'Afrique du sud et Maurice. D'autres pays d'Afrique de l'est, comme la Tanzanie, l'Ouganda et le Rwanda, suivent son exemple en se servant de la technologie pour supplanter le système bancaire traditionnel et faire bénéficier de l'accès aux services financiers tous les milieux sociaux.

Les promesses de Fintech

Une autre application porteuse de Fintech dans les pays à faible revenu permettrait d'abaisser le coût des virements de fonds transfrontaliers; cela remédierait à la diminution préoccupante des relations de correspondance bancaire que constatent beaucoup de ces pays depuis quelques années, du fait d'une désaffection des banques commerciales confrontées à la hausse des coûts de mise en conformité. Cette application pourrait beaucoup aider les pays à faible revenu qui reçoivent un montant significatif de fonds de leurs travailleurs émigrés.

Ce n'est pas seulement dans les pays africains à faible revenu que la technologie financière fait baisser les coûts de transaction et facilite l'accès aux services financiers. Une conférence récente, organisée conjointement par le FMI et l'université de management de Singapour (SMU), a illustré son potentiel à l'échelle mondiale.

En Chine, la branche de services financiers du distributeur en ligne Alibaba s'est développée si rapidement que son chiffre d'affaires dépasse désormais celui des plus grandes banques de ce pays. En Inde, le système d'identification biométrique Aardhar a commencé à commercialiser des services financiers bon marché auprès de populations auparavant négligées. Dans les économies avancées, une multitude de jeunes pousses technologiques cherche à révolutionner les systèmes mondiaux de paiement et de règlement au moyen de monnaies numériques et le « blockchain ».

Pour leur part, les régulateurs examinent attentivement les effets de la nouvelle technologie sur la stabilité du système financier, y compris sous l'angle du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme. Cette révolution technologique n'est sans doute pas arrivée à son terme, mais ses avantages sont déjà manifestes dans les pays à faible revenu, comme on le voit au Kenya avec le système M-Pesa. Les institutions financières et banques centrales s'adaptent vite aux innovations résultant de Fintech qui, en définitive, augmentera la population bancarisée, ce que M. Furusawa juge indispensable au développement économique de la région.

La conférence de Dakar est organisée par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'ouest (BCEAO) et le FMI; elle a pour thèmes les perspectives de l'inclusion financière et les mesures destinées à la promouvoir.