Allocution prononcée par M. Horst Köhler, Président du Conseil d'administration et Directeur général du Fonds monétaire international, devant le Conseil des gouverneurs du FMI
le 26 septembre 2000
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devant le Conseil des gouverneurs du FMI
à Prague, le 26 septembre 2000
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, Mesdames, Messieurs, c’est avec le plus grand plaisir que je vous souhaite à mon tour la bienvenue, au nom du FMI, à l’Assemblée annuelle 2000. Nous avons le privilège d’avoir le Président Havel parmi nous, et je tiens à lui exprimer mes remerciements, ainsi qu’au gouvernement et au peuple de la République tchèque et aux citoyens de la belle cité historique de Prague, pour la chaleureuse hospitalité avec laquelle ils accueillent nos réunions.
Cette Assemblée annuelle marque à la fois le terme d’une décennie de transition et le tournant du siècle. Comme nous l’a rappelé le Président Havel, Prague a toujours été un foyer de rencontres créatives et de développement spirituel. Même aux heures les plus sombres de son histoire, cette cité n’a jamais perdu sa dignité. C’est à Prague que, sous l’inspiration de Václav Havel, la liberté et la démocratie ont brisé leurs chaînes. C’est un lieu où naît l’espoir et apparaissent des horizons nouveaux. Je n’aurais pas pu imaginer un endroit plus indiqué pour une Assemblée annuelle à l’aube du nouveau millénaire — ma première Assemblée annuelle, qui plus est.
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs, je suis profondément honoré par la confiance et l’appui que vous m’avez témoignés en me nommant au poste de Directeur général du FMI. Les encouragements que vous m’avez prodigués pendant nos réunions m’ont énormément touché et je vous en remercie. Depuis mon arrivée au FMI, il y a cinq mois, j’ai pu apprécier ses forces — le professionnalisme et le dévouement de son personnel et de mes collègues de la direction, le sérieux et la qualité des délibérations du Conseil d’administration et la confiance que ses membres placent dans l’institution. Et j’apprécie beaucoup l’esprit de proche partenariat qui a présidé à mes travaux avec Jim Wolfensohn et ses collaborateurs à la Banque mondiale.
Je tiens à rendre hommage à mon prédécesseur, M. Michel Camdessus, qui a su mener cette institution avec compétence, mais aussi avec compassion, à travers une période souvent difficile. Tout au long de ses mandats successifs, M. Camdessus s’est appliqué à adapter le FMI à l’évolution de l’économie mondiale, et j’entends pour ma part continuer son _uvre. Je voudrais aussi remercier M. Stanley Fischer pour le travail remarquable qu’il a accompli à la tête du FMI lorsqu’il a assuré l’intérim de la direction générale.
Monsieur le Président, les États membres du FMI ont, à mon avis, deux grands défis à relever :
D’une part, les flux internationaux de capitaux privés sont aujourd’hui une source majeure de croissance, de productivité et de création d’emplois. Mais ils peuvent être aussi une source d’instabilité et de crises. Celles de 1997-98 ont fait mieux comprendre que la stabilité du système financier international est, en soi, un bien public important pour tous.
D’autre part, dix ans après la fin de la guerre froide, nous bénéficions de conditions plus favorables que jamais à l’éclosion d’un monde meilleur. Les fractures idéologiques du passé se sont estompées, et les nouvelles technologies se conjuguent à l’expansion des marchés pour nous ouvrir le nouvel horizon d’une prospérité partagée. Mais nous n’ignorons pas non plus qu’à l’aube du nouveau millénaire, d’énormes problèmes n’ont toujours pas été résolus. Le plus pressant d’entre eux est la pauvreté, qui fait peser une menace grave sur la stabilité politique de notre monde.
Voilà donc les défis qu’il nous faut relever, et je vous propose de commencer par cette réflexion du philosophe Karl Popper, qui écrivait en 1991 : «l’avenir recèle des possibilités, tout aussi imprévisibles que différentes sur le plan moral. La question à se poser n’est donc pas «Que va-t-il se passer?» mais «Que faire pour rendre ce monde un peu meilleur?». Et il ajoutait : «la vie se passe à résoudre des problèmes». C’est aussi, si je puis dire, ma démarche et la façon dont j’envisage mon rôle de Directeur général du FMI.
À mon sens, notre institution doit :
- s’efforcer de promouvoir une croissance économique non inflationniste soutenue qui bénéficie à tous les peuples du monde;
- constituer un pôle d’expertise pour la stabilité du système financier international;
- travailler en synergie avec les autres institutions chargées de préserver les biens publics mondiaux;
- être une institution ouverte au monde extérieur, qui tire les leçons de l’expérience et du dialogue et qui s’adapte en permanence à l’évolution des choses.
Telle est ma vision du FMI : une entité active travaillant avec tant d’autres à mettre la mondialisation au service de tous. Cette vision va de pair avec le partenariat renforcé avec la Banque mondiale, fondé sur la reconnaissance de la complémentarité de nos deux institutions, dont Jim Wolfensohn et moi-même avons tracé les contours dans une récente déclaration adressée aux administrateurs et au personnel de nos institutions.
Et je remercie en toute humilité le Président Havel de nous avoir rappelé que notre mission, qui consiste à mettre la mondialisation au service de tous, a une dimension éthique importante : donner au monde un nouveau sens des responsabilités. Je souscris pleinement à l’appel qu’il a lancé : nous avons besoin de principes moraux communs à l’échelle de la planète. Pour paraphraser Hans Küng : à économie mondiale, morale mondiale.
Les critiques à l’égard de la mondialisation et les nombreuses questions qui ont été soulevées doivent, je le sais, retenir toute notre attention. Mais parlons clair : si le FMI n’existait pas, ce serait le moment de l’inventer. Plus que jamais, la mondialisation appelle la coopération, et il faut des institutions pour organiser cette coopération. Ses 182 États membres font du FMI une institution vraiment mondiale et l’esprit de coopération qui l’anime est un atout irremplaçable. C’est pourquoi nous devons tous nous employer à préserver cet atout et à le renforcer. La coopération doit se fonder sur la confiance. Il faut donc que chacun soit convaincu :
- que les intérêts de tous les pays membres sont pris en compte;
- que chacun des pays membres assume ses propres responsabilités.
Cela signifie que les États membres doivent être à l’écoute les uns des autres et que le FMI doit se considérer comme leur partenaire et les aider à s’aider eux-mêmes. Cela signifie aussi que le mandat qui nous est confié consiste à promouvoir le bien commun de l’humanité.
Dans cette optique, j’ai jugé qu’il était très important d’employer une bonne partie de ces six premiers mois à la tête du FMI à faire en personne le tour des États membres, et je me suis rendu dans un grand nombre de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. J’ai tiré de ces voyages une série d’enseignements :
- Premièrement, l’initiative privée et la démocratie gagnent manifestement du terrain à travers le monde. Il faut rendre justice au FMI et reconnaître qu’il n’est pas étranger à cette tendance positive, fondamentale et universelle.
- Deuxièmement, chacun s’accorde à reconnaître que, souvent, les problèmes graves que connaissent certains pays en développement ou émergents — mauvaise gestion des affaires publiques, corruption, conflits armés — sont de nature endogène, et que c’est donc aux pays eux-mêmes qu’il incombe au premier chef d’y remédier.
- Troisièmement, j’ai entendu de nombreuses critiques à l’adresse du FMI. Manifestement, il y a encore du chemin à faire. Mais il ne fait aucun doute pour moi que, dans l’ensemble, tant les pays émergents que les pays en développement apprécient notre institution et souhaitent vivement continuer à travailler avec nous.
La croissance économique n’est pas tout, mais sans croissance on n’arrive à rien. Elle exige de nos sociétés une capacité permanente d’innovation, d’adaptation et de réforme. C’est là un défi que les pays en développement ou en transition ont accepté de relever avec un courage remarquable, en dépit des difficultés et des écueils à surmonter. Mais ce processus ne doit pas être à sens unique. De nombreux pays industrialisés n’ont pas encore pris suffisamment conscience qu’ils ont le devoir d’apporter leur pierre à l’édifice pour que la mondialisation bénéficie à tous. Il est vital, en particulier, que ces pays reconnaissent qu’il est dans leur intérêt, et dans celui de l’économie mondiale, de donner clairement l’exemple en ouvrant leurs marchés. Et il est indispensable aussi de prendre davantage conscience qu’il importe de maintenir des relations de change équilibrées entre les principales monnaies. Je me réjouis de l’initiative prise par la Banque centrale européenne (BCE), en collaboration avec d’autres grandes banques centrales, pour que la valeur de l’euro reflète mieux la santé foncière de l’économie européenne. Cette initiative démontre la maturité institutionnelle de la BCE.
Je suis de ceux qui pensent que le mandat du FMI lui commande de donner son avis sur tout ce qui a trait aux taux de change et au commerce international, car ce sont des enjeux pertinents pour la stabilité et la croissance de l’économie mondiale. Si l’on abaissait de moitié les obstacles qui s’opposent aux échanges à travers le monde, les retombées pour les pays en développement pourraient dépasser les 100 milliards de dollars par an! C’est dire si l’amélioration de l’accès aux marchés des pays industriels est cruciale dans la lutte contre la pauvreté. Il y a quelques mois, les États-Unis ont décidé d’ouvrir leur marché en franchise de droit à plus de 70 pays d’Afrique, d’Amérique centrale et des Caraïbes. Et, tout récemment, la Commission européenne a proposé d’ouvrir les marchés des pays de l’Union à tous les produits des 48 pays les plus pauvres — à l’exception des armes. Je me réjouis de ces initiatives, et j’appelle de mes vœux d’autres mesures énergiques, en particulier en ce qui concerne les produits agricoles.
J’ai la ferme conviction que, si la volonté des pays en développement et des économies de marché émergentes de s’attaquer énergiquement à leurs propres problèmes se conjugue à une détermination plus forte des pays industrialisés à réformer et ouvrir leurs marchés, nous pouvons gagner sur tous les tableaux et nous donner les moyens d’atteindre l’objectif qu’ont fixé les Nations Unies, à savoir réduire de moitié, d’ici 2015, le pourcentage de personnes en situation de pauvreté.
Pour gagner en efficacité et mieux asseoir sa légitimité, le FMI doit aujourd’hui se recentrer. Son objectif doit être, d’abord, de promouvoir la stabilité macroéconomique, fondement essentiel d’une croissance soutenue, en favorisant l’application de politiques monétaires, budgétaires et de change avisées et en préconisant l’adoption des réformes structurelles et institutionnelles dont elles doivent s’accompagner. En outre — et c’est plus important encore dans l’économie moderne —, le FMI a aussi pour mandat de contrôler le système monétaire international et d’en assurer le fonctionnement effectif. Il a donc quasiment l’obligation de porter une attention particulière aux aspects systémiques des marchés financiers nationaux et internationaux.
Afin de s’acquitter efficacement de cette tâche, le FMI doit s’appliquer à mieux comprendre et apprécier la dynamique des marchés internationaux de capitaux et les opérations des intermédiaires financiers privés. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai souhaité la création d’un Groupe consultatif sur les marchés de capitaux, qui nous permettra d’entretenir un dialogue suivi avec le secteur privé. Ce dialogue sera, au demeurant, un volet important de nos efforts de prévention des crises. Grâce à l’expertise que nous accumulerons, nous devrions aussi être conduits, tout naturellement, à coordonner les travaux des divers organismes où se traitent les questions relatives aux marchés financiers.
Mon ambition n’est pas de multiplier à l’envi les programmes de prêt, mais de placer la prévention des crises, et par conséquent la surveillance, au cœur des activités de notre institution. Pour ce faire, nous devons développer, au sein du FMI, une culture institutionnelle qui incitera les États membres à solliciter d’eux-mêmes ses avis, et à le faire en temps utile. Notre surveillance bilatérale doit privilégier la recherche des facteurs de vulnérabilité externe et de fragilité du secteur financier, tout en aidant les États membres à faire face à la volatilité des flux internationaux de capitaux. Notre surveillance multilatérale doit être développée elle aussi afin que nous puissions détecter plus tôt les problèmes et les risques systémiques, en particulier sur les marchés financiers mondiaux. Enfin, nous devons être plus attentifs, dans nos fonctions de conseil, aux questions d’intégration régionale, y compris dans le cadre de la surveillance que nous exerçons à ce niveau. J’ajoute que, dans les avis que nous formulons, nous devons prendre soin de respecter les traditions culturelles et historiques de nos États membres, et éviter de leur faire la leçon. Mais il nous faut en même temps présenter avec franchise notre analyse technique et nos conclusions aux États membres.
Le Comité monétaire et financier international (CMFI) a lancé toute une série de mesures destinées à consolider l’architecture financière mondiale, en insistant notamment sur une plus grande transparence des données, l’adoption de normes et de codes, l’évaluation des facteurs de vulnérabilité et la mise en œuvre du programme d’évaluation du secteur financier, qui est une initiative conjointe du FMI et de la Banque mondiale. Au vu du bilan que nous pouvons dresser aujourd’hui, nous pouvons affirmer que le système financier international est plus solide qu’avant la crise qui a éclaté en Asie. Mais ne nous endormons pas sur nos lauriers. Dans bien des pays, le secteur financier n’est pas encore aussi robuste qu’il devrait l’être et il y a lieu de craindre que les taux de croissance élevés incitent à en ajourner la réforme. Tous nos États membres doivent réfléchir aux moyens d’accélérer ces réformes. Je crois fermement qu’il est dans l’intérêt de tous que chacun prenne part et adhère pleinement aux initiatives engagées dans ce domaine.
Le moment est venu, dans le programme de travail du FMI, d’arrêter nos priorités d’action et de nous concentrer sur leur mise en œuvre. Nous devons nous appliquer en particulier à développer le programme d’évaluation du secteur financier. Il constitue une démarche systématique et globale qui vise à donner une assise solide à un système financier international bien intégré. Il sera précieux pour les pays qui cherchent à accéder aux marchés de capitaux et qui ont besoin pour ce faire de conseils spécialisés. J’exhorte les pays qui y ont d’ores et déjà accès, et qui sont par conséquent plus exposés à la volatilité des flux de capitaux, à se porter volontaires pour participer à ce programme.
Je n’ignore pas les difficultés que, compte tenu des moyens dont ils disposent, les pays émergents ou en développement peuvent avoir à appliquer les normes et codes élaborés par la communauté internationale. Nous devons nous fixer des priorités et tenir davantage compte du stade de développement des secteurs financiers nationaux. Il nous faut en particulier mieux définir les axes prioritaires de notre assistance technique, et en améliorer la coordination avec les divers prestataires.
Afin de promouvoir efficacement la stabilité du système financier international, le FMI doit pouvoir s’appuyer sur des évaluations particulièrement fines et rigoureuses du bien-fondé des régimes de change adoptés par les États membres. Nous devons aussi définir clairement le juste équilibre à maintenir entre la libéralisation des mouvements de capitaux et le développement du secteur financier, ainsi que l’ordre dans lequel il convient d’opérer ces réformes. J’ajoute que, selon moi, le FMI doit prendre davantage l’initiative dans le débat sur le degré de réglementation et de contrôle souhaitable des marchés financiers internationaux. C’est un autre domaine dans lequel nous devrons affiner encore nos travaux de recherche et d’analyse.
Les échanges que j’ai eus avec les représentants du secteur privé, en particulier dans le cadre du Groupe consultatif sur les marchés de capitaux, confirment que le travail de prévention des crises du FMI et les efforts que nous déployons pour consolider l’architecture financière mondiale porteront leurs fruits. Cela dit, nous devons avoir conscience que des crises peuvent à nouveau se produire dans cette économie mondiale ouverte et dynamique, et comprendre que notre travail consiste à faire en sorte que ces crises soient moins fréquentes et moins graves. Nous devons aussi favoriser la mise sur pied de secteurs financiers capables d’absorber ces chocs, ce qui veut dire encourager la concurrence et la diversité des intermédiaires financiers. Cela signifie également que les établissements financiers privés qui opèrent sur les marchés mondiaux doivent renforcer sans cesse leur capacité d’évaluation et de gestion des risques.
Pour apporter une réponse crédible aux situations de crise et être en mesure de les surmonter, le FMI doit disposer de mécanismes de prêt efficaces et de ressources suffisantes. Mais, sa capacité de financement étant limitée, il ne peut être considéré comme un prêteur en dernier ressort, aussi était-il important de procéder à un réexamen complet de ses mécanismes et facilités. Le bilan dressé à la suite de ce réexamen insiste sur le rôle catalyseur du FMI et la nécessaire rotation de ses ressources. Il met également en évidence le profond enracinement de l’esprit de solidarité des États membres au sein du FMI. Avec un ensemble de facilités diversifiées, mais simplifiées et mieux ciblées, le FMI dispose d’un arsenal de premier ordre pour gérer les crises et prévenir les risques de contagion.
Des progrès considérables ont été accomplis dans la définition d’un cadre permettant d’associer le secteur privé à la résolution des crises. Le retour rapide des capitaux privés dans nombre des pays touchés par la crise souligne qu’il est tout indiqué d’associer de manière constructive le secteur privé tant à la prévention qu’à la résolution des crises. Les investisseurs privés savent qu’ils doivent assumer pleinement leur part de responsabilité pour les risques qu’ils prennent. On s’accorde aussi à reconnaître que le cadre opérationnel de la participation du secteur privé doit s’appuyer, autant que possible, sur des solutions de marché et sur des démarches volontaires. Et nul ne conteste que, dans des cas exceptionnellement difficiles, il sera peut-être nécessaire de recourir à des méthodes plus concertées, y compris, vraiment en dernier recours, des sursis de paiement. L’appréciation des situations jouera alors un rôle crucial, mais il faudra aussi convenir d’un ensemble clair de principes directeurs. L’application des règles devra donc être souple et la marge d’appréciation discrétionnaire limitée. En d’autres termes, nous devrons approfondir l’examen d’une voie médiane entre ces solutions afin de rendre ce cadre opérationnel. Cela suppose que nous poursuivions nos études et analyses afin de mieux savoir évaluer les risques de retombées sur d’autres pays et de mieux comprendre ce qui fait qu’un pays retrouve plus ou moins vite l’accès au marché.
Nous devons continuer d’assortir nos opérations de prêt de certaines conditions — la fameuse conditionnalité —, mais nous efforcer dans le même temps de veiller à l’internalisation des programmes qui reçoivent notre appui. Nous le savons, pour surmonter leurs difficultés économiques, il est indispensable que les pays prennent les mesures énergiques de stabilisation et de réforme qui conviennent. Or, cela ne peut se faire que si les autorités cherchent à appliquer des mesures qui leur paraissent conformes aux besoins et susceptibles de recueillir l’adhésion de l’opinion publique. Je crois donc fermement que cette adhésion est favorisée lorsque la conditionnalité du FMI — en termes de contenu comme de calendrier — est centrée sur les mesures essentielles pour assurer la stabilité macroéconomique et la croissance. On peut faire plus avec moins si notre action contribue à ouvrir la voie à un processus d’ajustement et de réforme durable. En outre, les programmes doivent tenir compte de la dimension sociale de l’ajustement et de la spécificité de chaque pays. Le FMI devrait aussi envisager des solutions de rechange lorsqu’il discute des programmes avec les États membres. Cette démarche, qui vise à favoriser l’adhésion nationale et à rationaliser la conditionnalité du FMI, devra être menée en étroite concertation avec la Banque mondiale. À cet égard, je salue et je soutiens la décision de la Banque de mettre sur pied un crédit d’appui à la réduction de la pauvreté, qui devrait à mon sens accroître l’efficacité de notre travail conjoint en faveur des pays les plus pauvres.
La facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) constitue à mes yeux un instrument novateur qui s’inscrit dans le cadre des efforts menés par le FMI pour que la mondialisation bénéficie à tous. Premièrement, parce qu’elle vise à s’attaquer aux causes profondes de la pauvreté; deuxièmement, parce que son caractère concessionnel est une marque de solidarité vis-à-vis des plus pauvres. Abandonner ces pays serait contraire à la mission du FMI et ne ferait qu’aggraver les clivages à l’échelle mondiale. Cela reviendrait à nier les aspirations des peuples des pays pauvres ainsi que les talents et le potentiel qu’ils recèlent. Nous devons au contraire encourager ces talents en leur donnant les moyens de s’exprimer.
La FRPC sera aussi un élément déterminant du succès de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). C’est ici que la coopération entre la Banque mondiale et le FMI prendra toute son importance dans les mois qui viennent. Jim Wolfensohn et moi-même sommes déterminés à faire en sorte que le plus grand nombre possible de pays bénéficient, aussi rapidement que possible, de l’allégement de la dette prévu dans le cadre cette initiative, dont le succès se mesurera, en dernière analyse, par son efficacité à faire reculer la pauvreté. Je suis convaincu que les dirigeants des pays pauvres ont pleinement conscience qu’il importe d’appliquer des politiques saines et de privilégier la bonne gestion des affaires publiques.
J’ai perçu, en particulier lors de ma visite en Afrique, une profonde amertume face aux promesses non tenues d’aide publique au développement. En effet, les pays membres de l’OCDE se sont engagés à consacrer l’équivalent de 0,7 % de leur PIB à l’APD; or, nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 0,24 % en moyenne. En valeur absolue, la différence se chiffre à 100 milliards de dollars par an. Je pense que les gouvernants des pays riches doivent mobiliser plus activement le soutien de leurs opinions publiques dans ce domaine. Leur tâche sera sans aucun doute plus aisée si les pays bénéficiaires peuvent montrer que cette aide sert effectivement à faire reculer la pauvreté.
La pauvreté reculera de manière significative si l’épargne et l’investissement privés s’enracinent fermement dans ces pays, et si une part plus importante de l’épargne qui se crée dans le reste du monde est mise à leur disposition. À cet égard, le crédit est et demeurera un moyen important de financer l’investissement, donc une dimension essentielle de toute stratégie à long terme de lutte contre la pauvreté. En conséquence, nous ne devons pas perdre de vue la nécessité de préserver ou de développer une bonne culture du crédit. Le terme crédit vient du latin credere. Credere est un terme qui évoque la confiance, et la confiance dans les relations entre créancier et débiteur est indispensable pour garantir un flux continu de capitaux d’investissement en direction des pays en développement et, de façon plus générale, pour assurer la stabilité à long terme d’un système financier international intégré. Il faut donc travailler sans relâche sur le terrain afin de renforcer les structures institutionnelles pour les rendre propices à l’expansion de l’initiative privée dans les pays en développement. Chaque jour qui passe dans l’inaction est un jour perdu pour la lutte contre la pauvreté.
C’est tout le sens de l’action que mènent ensemble le FMI et la Banque mondiale pour favoriser l’élaboration de stratégies de lutte contre la pauvreté et de croissance, issues de consultations aussi larges que possible. Pour moi, la mondialisation signifie qu’il faut s’attacher en priorité à donner aux pays les moyens de résoudre les problèmes qui se posent au plan local et régional, et d’aider les gens qui vivent là-bas à s’aider eux-mêmes. Une manière très concrète d’y parvenir consisterait à inviter de façon plus systématique les investisseurs privés, les pouvoirs publics et les institutions financières internationales (IFI) à débattre des aspects pratiques du climat de l’investissement dans le pays concerné. Cette entraide pourrait d’ailleurs être favorisée par une plus grande intégration régionale et par la coopération des milieux d’affaires dans les pays en développement. Jim Wolfensohn et moi-même entendons marquer notre attachement à l’Afrique en nous rendant ensemble sur place dans un avenir proche.
La hausse du prix du pétrole est un revers particulièrement rude pour les pays les plus pauvres. Lors de nos discussions ayant trait à la surveillance multilatérale, il est apparu clairement que, dans l’esprit de chacun, le prix actuel, excessivement élevé, n’est dans l’intérêt ni des pays producteurs ni des pays importateurs de pétrole. Je crois fermement que le dialogue entre producteurs et consommateurs portera ses fruits. Somme toute, je demeure optimiste quant aux perspectives d’évolution de l’économie mondiale. Nous savons certes que les risques sont nombreux. Nous en avons parlé au sein du CMFI et sommes arrivés à la conclusion que, maîtrisés comme il convient, ces risques ne devraient pas se matérialiser.
Monsieur le Président, le FMI de l’avenir devra plaider inlassablement pour une meilleure gestion des affaires publiques dans tous ses États membres. Il doit donc être à l’écoute de ceux qui l’engagent à être lui-même plus transparent et comptable de son action. Sa nouvelle politique d’ouverture marque déjà un changement radical. Nous venons de décider d’étendre le programme de publication volontaire des rapports et des évaluations que nos services établissent sur chaque pays. En outre, le Conseil d’administration vient d’engager le processus de création d’un bureau d’évaluation indépendant au sein du FMI. Mais il faut admettre qu’il subsiste des domaines dans lesquels la discussion ne pourrait pas être franche et directe si elle devait se tenir sur la place publique. Le FMI doit trouver un juste équilibre entre l’impératif d’ouverture et le souhait de ses États membres, qui attendent de lui des conseils francs, certes, mais confidentiels. Et le FMI doit mieux expliquer son action — ce qu’il est et ce qu’il fait —, en particulier dans les pays où il appuie un programme. Il doit par conséquent élargir le dialogue avec les opinions publiques et sensibiliser en particulier la société civile à l’échelle régionale et nationale. Il ne faudrait pas toutefois aboutir à la confusion des genres : n’oublions pas qu’en définitive, c’est aux gouvernements de ses États membres que le FMI doit rendre compte.
En conclusion, je forme le vœu que vous apporterez votre concours à l’édification d’un Fonds monétaire international tourné vers l’avenir et inspiré par la vision que je viens de vous exposer. À condition de recentrer son action en priorité sur la stabilité du système financier international, le FMI peut contribuer de façon décisive à l’instauration d’une croissance durable au profit de tous. Le partenariat renforcé avec la Banque mondiale et notre étroite coopération avec les autres institutions nous y aideront.
Je considère que la réflexion sur l’avenir du FMI doit être un processus permanent et il me paraît indispensable que notre institution soit le lieu privilégié de ce débat. Je sais l’importance que les services, la direction et le Conseil d’administration accordent à l’accomplissement de la mission du FMI et leur entier dévouement à cette tâche. J’invite les États membres à faire bon usage de ce dévouement en épaulant le FMI dans un nouvel esprit de partenariat à l’échelle planétaire.
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