Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : Avec la baisse des recettes pétrolières, l’Algérie cherche à diversifier et à transformer son économie

le 19 mai 2016

  • La croissance de l’Algérie devrait ralentir alors que le pays s’ajuste au choc du prix du pétrole
  • Le pays doit diversifier son économie en s’appuyant moins sur les hydrocarbures et transformer son modèle de croissance
  • Des réformes vigoureuses peuvent doper la croissance et créer des emplois pour une population jeune qui augmente rapidement

La croissance de l’Algérie est restée stable en 2015 à 3,9 %, mais le pays doit relever d’importants défis en raison de la baisse marquée des prix du pétrole, a déclaré le FMI lors de sa dernière évaluation.

Magasin à Alger, Algérie. De vastes réformes peuvent doper l'activité économique alors que le pays réagit au choc du prix du pétrole (photo: Monique Jaques/Gettyimages)

Magasin à Alger, Algérie. De vastes réformes peuvent doper l'activité économique alors que le pays réagit au choc du prix du pétrole (photo: Monique Jaques/Gettyimages)

BILAN DE SANTE ECONOMIQUE

La croissance de l’Algérie est restée stable en 2015 à 3,9 %, mais le pays doit relever d’importants défis en raison de la baisse marquée des prix du pétrole, a déclaré le FMI lors de sa dernière évaluation.

Le gouvernement a commencé à rééquilibrer les finances publiques et initié certaines réformes, mais beaucoup reste à faire pour apporter une réponse vigoureuse au choc marqué et persistant du prix du pétrole et remédier aux vulnérabilités de longue date. Dans un entretien avec le Bulletin du FMI, le Chef de mission pour l’Algérie, Jean-François Dauphin, a déclaré que, correctement gérée, la situation actuelle présentait l’occasion de refondre le modèle de croissance de l’Algérie.

Bulletin du FMI : Quelles sont les perspectives de l’Algérie ? Comment se présente l’avenir de l’économie du pays ?

Dauphin: Les perspectives économiques dépendent largement de la réaction des autorités au choc du prix du pétrole. Grâce à l’épargne accumulée par le passé et à un très faible endettement, l’Algérie peut se permettre de s’ajuster au choc et de mener ses réformes progressivement. Mais elle ne peut pas se permettre de laisser passer cette occasion sans agir.

A court terme, la croissance devrait ralentir sous l’effet du nécessaire rééquilibrage des finances publiques. À moyen terme, cependant, une masse critique de réformes structurelles pourrait rendre l’économie plus dynamique et diversifiée, assortie d’une croissance plus forte et plus génératrice d’emplois. En revanche, des réformes insuffisantes risqueraient de déboucher sur des difficultés économiques sévères si l’épuisement des marges de manœuvre budgétaire et extérieure rendait nécessaire un ajustement plus soudain et plus draconien.

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Bulletin du FMI : Pouvez-vous nous parler de l’impact du choc du prix du pétrole sur l’Algérie ? Le gouvernement a-t-il pris des mesures pour réduire la dépendance du pétrole et diversifier l’économie ?

Dauphin: Bien que la chute des prix du pétrole n’ait pas encore causé un ralentissement de la croissance, elle a nettement affaibli les soldes budgétaire et extérieur de l’Algérie. La position budgétaire — déjà fragilisée par une augmentation des dépenses à la suite du Printemps arabe — s’est détériorée davantage suite à l’effondrement des recettes pétrolières. L’épargne budgétaire a été pratiquement épuisée pour financer les importants déficits budgétaires. Après plusieurs années d’excédents confortables, le solde du compte courant a plongé dans le rouge et les réserves officielles, quoiqu’encore importantes, sont en baisse. Cependant, les dettes publique et extérieure restent faibles. Dans son ensemble, le système bancaire semble sain, mais la chute du prix du pétrole augmente les risques pour la stabilité financière.

La réponse à ce choc s’est révélée insuffisante en 2015, mais la loi de finances 2016 prévoit une nette réduction des dépenses et les autorités ont initié certaines réformes, notamment une réforme indispensable du système de subventions de même qu’un renforcement du cadre prudentiel du secteur financier. Il est nécessaire de mettre en œuvre des réformes structurelles de grande envergure pour réduire la dépendance de l’Algérie aux hydrocarbures et la diversifier l’économie.

Bulletin du FMI : Cette année, le chômage a progressé et est particulièrement élevé chez les jeunes (environ 30 %). Que peuvent faire les autorités pour créer davantage d’emplois et assurer une croissance plus inclusive ?

Dauphin: Pour créer davantage d’emplois et assurer une croissance plus inclusive, les autorités doivent transformer le modèle de croissance de l’Algérie dirigé par l’État et basé sur les hydrocarbures en un modèle plus diversifié tiré par le secteur privé. Cette transformation nécessite un ambitieux programme de réformes structurelles. Les réformes clés incluent l’amélioration du climat des affaires, par exemple en simplifiant la réglementation et les procédures administratives et en facilitant la création d’entreprises, de même que l’ouverture de l’économie au commerce extérieur et à l’investissement étranger, l’amélioration de l’accès au financement, le développement les marchés de capitaux et le renforcement de la gouvernance, de la concurrence et de la transparence.

Il faut aussi améliorer le fonctionnement du marché du travail. À cet égard, la révision en cours du code du travail est une bonne occasion d’accroître la souplesse du marché du travail tout en veillant à assurer une protection adéquate des travailleurs. Il est aussi important de resserrer les liens entre le système d’éducation et le secteur privé pour assurer que les compétences acquises par les demandeurs d’emploi correspondent à celles que recherchent les employeurs.

Bulletin du FMI : Vous dites qu’un rééquilibrage soutenu des finances publiques sera nécessaire. Quelle serait le la bonne démarche ?

Dauphin: Le rééquilibrage des finances publiques est effectivement nécessaire pour rétablir la viabilité budgétaire et appuyer l’ajustement extérieur ; son impact sur la croissance peut être atténué par des réformes structurelles. Ce rééquilibrage doit se faire sur plusieurs fronts : il faut mobiliser d’avantage les recettes hors hydrocarbures, notamment en réduisant les exonérations fiscales et en améliorant le recouvrement des impôts, maîtriser les dépenses courantes, poursuivre la réforme des subventions tout en protégeant les plus pauvres, réduire l’investissement public tout en accroissant nettement son efficacité et renforcer le cadre budgétaire.

Avec la baisse rapide de l’épargne budgétaire, l’Algérie devra davantage compter sur d’autres sources pour financer les futurs déficits. Le faible niveau de la dette laisse de l’espace pour accroître l’endettement. Par ailleurs, l’ouverture, dans la transparence, du capital de certaines entreprises publiques aux investisseurs privés contribuerait aussi à satisfaire les besoins de financement tout en améliorant leur gouvernance.

Bulletin du FMI : Vous avez aussi mentionné la réforme des subventions. Quelle est l’importance des subventions en Algérie et que faut-il faire ?

Dauphin: Nous estimons qu’en 2015, les subventions ont coûté l’équivalent de 14 % du PIB. Leur coût budgétaire n’est pas le seul problème : les subventions sont largement inéquitables car elles profitent aux riches beaucoup plus qu’aux pauvres. Par exemple, les 20 % des ménages les plus riches dépensent, en moyenne, six fois plus en produits combustibles subventionnés que les 20 % des ménages les plus pauvres. Qui plus est, les subventions encouragent aussi la surconsommation et se traduisent par des distorsions économiques et environnementales. Continuer à réduire de façon progressive les subventions généralisées et les remplacer par un système de transferts monétaires ciblé pour protéger les ménages les plus vulnérables rendrait le système plus juste, tout en réduisant son coût.

Bulletin du FMI : Dans quelle mesure l’économie de l’Algérie est-elle exposée aux retombées des conflits régionaux ?

Dauphin: Les conflits régionaux sont une source de préoccupations même si leur impact direct sur l’économie algérienne est limité du fait de la faible importance des flux commerciaux et financiers dans la région. Dans ce contexte régional, il est crucial de préserver la stabilité sociale. Le risque, cependant, est que les difficultés à dégager un consensus sur les réformes nécessaires compliquent leur mise en œuvre et, en fin de compte, se traduisent par un ajustement plus brutal. Pour naviguer cette situation délicate, une campagne de communication efficace peut aider à faire comprendre les avantages des réformes — notamment une croissance plus élevée et des sources de création d’emplois plus durables, le coût de l’inaction et la manière dont le fardeau de l’ajustement sera réparti.

Bulletin du FMI : L’Algérie a récemment adopté une nouvelle constitution pour promouvoir une transparence accrue, une meilleure gouvernance et une économie davantage basée sur le marché. Comment le FMI peut-il aider les autorités à réaliser ces objectifs ?

Dauphin: Ce sont effectivement des objectifs importants et la nouvelle constitution envoie un signal fort. Pour sa part, le FMI est déterminé à aider l’Algérie à atteindre ses objectifs et à s’ajuster au choc du prix du pétrole, par ses conseils de politique économique et son assistance technique.