Bulletin du FMI : Christine Lagarde préconise un «Nouveau multilatéralisme pour le XXIe siècle»
le 3 février 2014
- Les nouvelles tendances à l’œuvre au sein de l’économie mondiale appellent un élan renouvelé en faveur du multilatéralisme
- Le défi d’un monde plus diversifié où le pouvoir est plus diffus
- Le nouveau multilatéralisme doit être plus inclusif et être à l’écoute des nouvelles voix de l’économie mondiale
Pour faire face aux tendances économiques présentes et futures il faudra insuffler une nouvelle vigueur à la coopération internationale, a déclaré Christine Lagarde en prononçant la conférence Dimbleby de 2014 à Londres.
CONFÉRENCE DIMBLEBY 2014
Elle a évoqué «deux grands courants» qui vont marquer les décennies à venir — les tensions croissantes sur le plan des interconnexions mondiales et de la pérennité économique.
Pour faire face à ces tensions, elle a proposé «une solution qui s’inspire du passé et qui s’adapte à l’avenir : un cadre renforcé pour la coopération internationale. Bref, un nouveau multilatéralisme pour le XXIe siècle».
Les composantes du nouveau multilatéralisme
Ce multilatéralisme renouvelé présenterait plusieurs caractéristiques :
• la réaffirmation de la volonté d’ouverture et des «bienfaits réciproques des échanges commerciaux et des investissements étrangers»;
• la gestion d’un système monétaire international de plus en plus complexe qui est à des «années-lumière» de l’ancien système de Bretton Woods;
• la construction, au sortir de la crise, d’un secteur financier mondial qui «se mette au service de l’économie productive au lieu de défendre ses propres intérêts».
Christine Lagarde a ajouté que le «nouveau multilatéralisme» exigera un sens plus affirmé de la responsabilité planétaire pour pouvoir attaquer efficacement les grands dossiers du changement climatique et des inégalités.
«Il ne sera pas facile d’instaurer la coopération que j’imagine pour le XXIe siècle», a-t-elle précisé. «Cela pourrait même devenir de plus en plus ardu avec le passage du temps, lorsque la crise sera derrière nous, que la complaisance s’installera — et même peut-être que la prochaine crise sera en train de germer».
Mme Lagarde a signalé qu’il existait déjà des formes de coopération concrètes qui ont fait leurs preuves, citant à cet égard les Nations Unies, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce et le FMI. «Nous pourrions dire qu’elles représentent des formes de gouvernance mondiale concrètes ou formelles», a-t-elle ajouté.
Il existe aussi un certain nombre d’instruments «informels», tels que le G20 ou les réseaux d’organisations non gouvernementales. Pour Christine Lagarde, ces modalités «formelles» et «informelles» de coopération peuvent jouer des rôles complémentaires.
« Le nouveau multilatéralisme doit être plus inclusif — embrassant non seulement les puissances émergentes de par le monde, mais aussi les réseaux et coalitions en expansion qui font maintenant partie intégrante du tissu de l’économie mondiale. Le nouveau multilatéralisme doit être en mesure d’entendre ces voix nouvelles et d’y répondre».
Par-delà la crise actuelle
Christine Lagarde a déclaré que la priorité immédiate pour la croissance était de tourner la page de la crise financière, qui a débuté il y a six ans et nous préoccupe encore.
« Cela exige un effort soutenu et concerté pour résoudre les problèmes qui subsistent — séquelles du surendettement privé et public, de la fragilité des systèmes bancaires et des obstacles structurels à la compétitivité et à la croissance — et qui nous laissent face à des niveaux de chômage excessivement élevés».
Mme Lagarde a ajouté que l’intégration financière peut causer des crises plus fréquentes et dévastatrices et que la communication instantanée à grande échelle peut semer la discorde et la confusion. «C’est pourquoi le risque d’instabilité peut peser encore plus sur l’économie mondiale».
Elle a souligné que le renforcement de la coopération internationale était vital pour gérer ces risques.
Contraintes à long terme pour la stabilité mondiale
Christine Lagarde a situé la crise actuelle dans la perspective des grands défis à long terme que le monde devra relever durant les décennies à venir :
• Évolution démographique : à savoir les défis du vieillissement dans les pays avancés et de l’«explosion des jeunes» dans beaucoup de pays émergents et en développement. Près de trois milliards de personnes (la moitié de la population mondiale) ont de moins de 25 ans. Il importera de créer suffisamment d’emplois et de croissance pour satisfaire les aspirations de cette génération montante.
• Dégradation de l’environnement : les ressources naturelles seront mises à rude épreuve à mesure que la prospérité s’étendra à une plus grande partie de la population. La solution du problème doit passer par la suppression progressive des subventions énergétiques qui profitent surtout aux populations relativement aisées plutôt qu’aux pauvres. Il y a tout à gagner, pour l’humanité et pour la planète, à réduire les subventions énergétiques et à imposer de manière appropriée la consommation d’énergie.
• Inégalité des revenus : une répartition inégale du revenu porte atteinte au rythme et à la pérennité de la croissance dans le long terme. Les systèmes budgétaires peuvent aider à réduire les inégalités pour peu que la politique fiscale et l’affectation des dépenses soient bien pensées.
Mme Lagarde a lancé un nouvel appel en faveur de plus d’égalité entre les hommes et les femmes et une plus grande autonomisation de ces dernières. «En refusant la contribution des femmes, on abaisse le niveau de vie de toute la société», a-t-elle ajouté.
«Oser la différence», c’est mon mot d’ordre — permettre aux femmes de participer à la vie active à égalité avec les hommes —, voilà qui pourrait changer la donne économique mondiale. Nous nous devons de laisser les femmes réussir — pour nous-mêmes et pour toutes les petites filles — et les petits garçons — de demain».
Mme Lagarde a signalé que le risque est celui d’un monde plus intégré sur les plans économique, financier et technologique, mais plus fragmenté en termes de pouvoir, d’influence et de prise de décision. «Cela peut mener à l’indécision, à l’impasse et à l’insécurité et exige des solutions novatrices».
Une coopération renforcée — un nouveau multilatéralisme — est essentiel pour parvenir à ces solutions, a-t-elle conclu.