Bulletin du FMI : Les prévisions de croissance mondiale sont révisées en baisse malgré le repli des prix du pétrole et l’accélération de la croissance américaine
le 20 janvier 2015
- Une croissance mondiale de 3,5 % est prévue pour 2015, soit une révision à la baisse de 0,3 point
- Des facteurs négatifs l’emportent sur le gain net tiré de la baisse des prix du pétrole
- Les aléas entourant la croissance mondiale sont plus équilibrés grâce à la baisse des prix du pétrole
Même avec la forte baisse des prix du pétrole, qui constitue un gain net pour la croissance mondiale, les perspectives de l’économie mondiale restent moroses, plombées par des faiblesses fondamentales ailleurs, selon la dernière Mise à jour des PEM du FMI.
PERSPECTIVES DE L’ÉCONOMIE MONDIALE
La croissance mondiale devrait s’accélérer modérément en 2015–16, pour passer de 3,3 % en 2014 à 3,5 % en 2015 et à 3,7 % 2016 (voir tableau), soit une révision à la baisse de 0,3 point pour les deux années par rapport à l’édition d’octobre 2004 des Perspectives de l’économie mondiale (PEM).
Des développements récents, qui concernent différents pays de différentes manières, ont influé sur l’économie mondiale depuis la publication de l’édition d’octobre dernier des PEM, selon le rapport. De nouveaux facteurs qui soutiennent la croissance (baisse des prix du pétrole, mais aussi dépréciation de l’euro et du yen) sont plus que compensés par des forces négatives persistantes, notamment les séquelles de la crise et la baisse de la croissance potentielle dans de nombreux pays.
« Au niveau des pays, les courants contraires conduisent à une situation compliquée, note Olivier Blanchard, Conseiller économique et Directeur du Département des études du FMI. De bonnes nouvelles pour les pays importateurs de pétrole et de mauvaises pour les pays exportateurs. De bonnes nouvelles pour les pays importateurs de produits de base et de mauvaises pour les pays exportateurs. Des difficultés persistantes pour les pays qui souffrent des séquelles de la crise et pas pour d’autres. De bonnes nouvelles pour les pays qui sont davantage liés à l’euro et au yen et de mauvaises pour ceux qui sont davantage liés au dollar ».
Courants contraires
Dans les pays avancés, la croissance devrait s’accélérer à 2,4 % en 2015 et en 2016. Cependant, ces perspectives plus ou moins inchangées masquent une divergence croissante entre les États-Unis d’une part et la zone euro et le Japon d’autre part.
Pour 2015, la croissance économique américaine a été révisée à la hausse, à 3,6 %, principalement à cause de l’affermissement de la demande intérieure privée. La baisse des prix du pétrole accroît les revenus réels et la confiance des consommateurs, et la politique monétaire accommodante continue de soutenir l’activité, en dépit de la hausse progressive des taux d’intérêt qui est attendue. Par contre, l’affaiblissement des perspectives d’investissement pèse sur les perspectives de croissance dans la zone euro, qui ont été révisées à la baisse, à 1,2 %, en dépit du recul des prix du pétrole, du nouvel assouplissement de la politique monétaire, d’une politique budgétaire plus neutre et de la dépréciation récente de l’euro. Au Japon, où l’économie est tombée techniquement en récession au troisième trimestre de 2014, la croissance a été révisée à la baisse, à 0,6 %. La riposte des autorités, conjuguée à la baisse des prix du pétrole et à la dépréciation du yen, devrait affermir la croissance en 2015–16.
Dans les pays émergents et les pays en développement, la croissance devrait rester plus ou moins stable à 4,3 % en 2015 et passer à 4,7 % en 2016, soit un rythme plus faible que prévu dans l’édition d’octobre 2014 des PEM. Trois facteurs principaux expliquent cette révision à la baisse.
• Premièrement, les prévisions de croissance pour la Chine, où la croissance de l’investissement a ralenti et devrait encore se modérer, ont été révisées à la baisse, au-dessous de 7 %. On s’attend maintenant à ce que les autorités s’attachent davantage à réduire la vulnérabilité liée à la croissance rapide du crédit et de l’investissement ces derniers temps, et les prévisions supposent donc que les autorités réagiront moins au ralentissement de fond. Cependant, ce ralentissement de la croissance a des répercussions sur le reste de l’Asie.
• Deuxièmement, les perspectives économiques de la Russie se sont nettement détériorées, avec une prévision de croissance de -3,0 % pour 2015, en raison de l’impact économique de la forte baisse des prix du pétrole et de la montée des tensions géopolitiques.
• Troisièmement, dans beaucoup de pays émergents et en développement, le rebond attendu de la croissance dans les pays exportateurs de produits de base est plus faible ou retardé par rapport aux projections d’octobre 2014, car l’impact de la baisse des prix du pétrole et d’autres produits de base sur les termes de l’échange et les revenus réels pèse davantage sur la croissance à moyen terme. Pour de nombreux pays importateurs de pétrole, l’impulsion résultant de la baisse des prix du pétrole est moindre que dans les pays avancés, car une plus grande partie des gains exceptionnels qui en sont tirés revient aux pouvoirs publics (par exemple, sous la forme d’une baisse des subventions énergétiques).
Risques pesant sur la reprise
La distribution des aléas qui entourent la croissance mondiale est plus équilibrée qu’en octobre, selon la Mise à jour des PEM. Du côté positif, la baisse des prix du pétrole pourrait offrir une impulsion plus vigoureuse que prévu. Parmi les aléas qui pourraient peser sur les perspectives figurent les changements d’opinion et la volatilité sur les marchés financiers mondiaux, en particulier dans les pays émergents. Cependant, la forte baisse des prix du pétrole a modifié l’exposition à ces risques. Cette dernière s’est accrue dans les pays exportateurs de pétrole, où la vulnérabilité du secteur extérieur et des bilans a augmenté, alors qu’elle a diminué dans les pays importateurs, qui en ont profité pour renforcer leurs amortisseurs.
Priorités
La dégradation des perspectives de croissance mondiale pour 2015-16 souligne qu’il est nécessaire de rehausser la croissance effective et potentielle dans la plupart des pays, note la Mise à jour des PEM. Cela signifie qu’il convient de faire avancer résolument les réformes structurelles dans tous les pays, même si les priorités de la politique macroéconomique diffèrent.
Dans la plupart des pays avancés, l’impulsion donnée par la baisse des prix du pétrole à la demande vient à point nommé. Cependant, elle réduira aussi l’inflation, ce qui pourrait contribuer à une nouvelle baisse des anticipations inflationnistes, et accroître le risque de déflation. La politique monétaire doit rester accommodante pour éviter une hausse des taux d’intérêt réels, y compris par d’autres moyens si les taux directeurs ne peuvent être réduits davantage. Dans certains pays, il y a d’excellentes raisons d’accroître l’investissement dans les infrastructures.
Dans beaucoup de pays émergents, les possibilités de soutenir la croissance à l’aide de la politique macroéconomique restent limitées. Mais la baisse des prix du pétrole peut alléger les tensions inflationnistes et réduire la vulnérabilité extérieure, ce qui permettra aux banques centrales de remettre à plus tard le relèvement des taux d’intérêt directeurs.
Les pays exportateurs de pétrole, pour lesquels les recettes pétrolières représentent généralement une part considérable du total des recettes budgétaires, sont confrontés à des chocs de plus grande envergure par rapport à leur économie. Ceux qui ont profité des prix plus élevés du passé pour accumuler des ressources considérables peuvent laisser filer leur déficit budgétaire et utiliser ces ressources pour ajuster plus progressivement leurs dépenses publiques en fonction de la baisse des prix. Les autres pays peuvent laisser leur monnaie se déprécier considérablement pour atténuer l’impact du choc sur leur économie.
La baisse des prix du pétrole offre aussi une occasion de réformer les subventions et les taxes énergétiques tant dans les pays exportateurs de pétrole que dans les pays importateurs. Dans les pays importateurs, les ressources dégagées grâce à l’élimination des subventions énergétiques généralisées devraient être utilisées pour mettre en place des transferts mieux ciblés en faveur des pauvres, réduire le déficit budgétaire s’il y a lieu et développer les infrastructures publiques si les conditions sont favorables.