Typical street scene in Santa Ana, El Salvador. (Photo: iStock)

(photo : Sultan Mahmud Mukut/SOPA Image/Newscom)

Bulletin du FMI : Le Sénégal se dote d’un nouveau plan pour parvenir à l’émergence

le 14 janvier 2015

  • Le Sénégal a mené à bonne fin le dernier programme appuyé par le FMI
  • Les résultats économiques sont insuffisants en matière de croissance, d’emploi et de lutte contre la pauvreté
  • Une nouvelle stratégie de développement vise à faire du Sénégal un pays émergent à l’horizon 2035

Le Sénégal a élaboré un nouveau plan de développement pour sortir de la trappe de croissance faible et de pauvreté élevée. La mise en œuvre systématique de ce plan pourra donner un coup de fouet à l’économie, selon l’évaluation qu’ont faite les services du FMI à l’occasion de la revue régulière de la situation économique du pays.

Vendeuse de paniers à Thiès. Les réformes préconisées par le FMI au Sénégal visent notamment à améliorer le climat des affaires (photo : Morandi Bruno/ZUMAPRESS/Newscom)

Vendeuse de paniers à Thiès. Les réformes préconisées par le FMI au Sénégal visent notamment à améliorer le climat des affaires (photo : Morandi Bruno/ZUMAPRESS/Newscom)

BILAN DE SANTÉ ÉCONOMIQUE

Le plan offre une occasion exceptionnelle de promouvoir une croissance inclusive et généralisée pour faire du Sénégal une plaque tournante régionale et un pays émergent.

Ces dernières années, le Sénégal a enregistré une croissance timide, ce qui a freiné les progrès vers l’inclusion et la réduction de la pauvreté. Le maintien de politiques prudentes a contribué à préserver la stabilité macroéconomique, mais la lenteur des réformes structurelles continue de peser sur la croissance.

Entre 1995 et 2005, une croissance relativement vigoureuse de 4,5 %, quoique tout de même inférieure à la moyenne, a abouti à un recul considérable de la pauvreté, de 68 à 48 %. Cependant, entre 2006 et 2013, la croissance est tombée à 3,4 % en moyenne, à cause d’un climat des affaires médiocre, de problèmes dans le secteur énergétique, de la faible efficience des investissements publics et des subventions improductives.

Série de chocs

En outre, le Sénégal a subi une série de chocs exogènes, tels que l’envolée des prix des produits alimentaires et énergétiques, la crise financière mondiale, les sécheresses et les inondations régionales et, plus récemment, les retombées de la flambée d’Ébola. En conséquence, la pauvreté n’a diminué que légèrement ces dernières années et avoisine 47 %.

Selon le rapport des services du FMI sur l’économie sénégalaise, la croissance du PIB pourrait se hisser à 4,5 % en 2014 puis à 7 % en 2019. La mise en œuvre systématique des réformes énoncées dans le nouveau plan de développement préservera certes la viabilité des finances publiques et de la dette, mais elle constitue en outre une condition préalable essentielle à l’accélération de la croissance.

Les autorités prennent des mesures dans ce sens. Les perspectives budgétaires se sont améliorées grâce au renforcement des recettes et à une meilleure maîtrise des dépenses et le déficit global devrait descendre à environ 5 % du PIB en 2014. Le budget de 2015 prévoit la poursuite de cette tendance baissière à 4,7 % du PIB.

Les autorités entendent maîtriser le déficit en ne débloquant des crédits pour les nouveaux projets d’investissement que lorsque les études de faisabilité sont prêtes. Elles restent déterminées à aligner le déficit budgétaire sur le critère fixé par l’Union économique et monétaire ouest-africaine, de 3 % du PIB à moyen terme.

Le plan pour l’avenir

Les autorités ont adopté le Plan Sénégal émergent (PSE) pour aider le pays à sortir de la trappe de faible croissance et de pauvreté élevée de ces dernières années. Elles entendent faire du Sénégal une plaque tournante pour l’Afrique de l’Ouest en assurant une croissance forte et équitablement répartie. Ce plan s’appuie sur trois piliers :

• Croissance plus élevée et durable grâce à une transformation structurelle,

• Développement humain et protection sociale, et

• Amélioration de la gouvernance, de la paix et de la sécurité

Le PSE prévoit des réformes structurelles pour attirer l’investissement étranger et accroître l’investissement privé. Il préconise aussi de maîtriser la consommation de l’État et d’accroître l’épargne publique pour créer un espace budgétaire propre à augmenter l’investissement public dans le capital humain et les infrastructures.

La priorité sera accordée à une prestation plus efficiente des services publics, à une meilleure productivité des dépenses grâce à des réformes de gestion des finances publiques, à la maîtrise de la consommation de l’État, de manière à dégager un espace budgétaire pour investir dans le capital humain et l’infrastructure publique et au renforcement des dispositifs de protection sociale.

Préserver la viabilité de la dette

Le FMI salue le plan adopté par les autorités mais leur recommande de rester vigilantes et de subordonner toute augmentation des dépenses d’investissement au souci de viabilité de la dette à long terme dans un cadre budgétaire à moyen terme. Pour créer l’espace budgétaire nécessaire à la mise en œuvre du PSE il faudra renforcer davantage les mesures liées à la fiscalité et aux dépenses, et notamment accroître l’efficience des investissements publics.

Tous les investissements couverts doivent s’inscrire dans le prolongement du travail de rééquilibrage budgétaire déjà réalisé par les autorités, et se conformer à la capacité d’absorption du Sénégal. Les décisions visant à contracter un financement non concessionnel doivent faire l’objet d’une évaluation approfondie.

En outre, les services du FMI soulignent que la réussite du plan dépendra des réformes structurelles en matière de finances publiques et du renforcement des institutions budgétaires. Les réformes dans cet important domaine devront se centrer sur des dossiers fondamentaux tels que la définition des politiques macrobudgétaires, l’élaboration d’un cadre de dépenses à moyen terme et le renforcement de la discipline dans l’exécution budgétaire.

Miser sur l’agriculture

Les exportations du Sénégal sont relativement bien diversifiées mais les exportations de qualité élevée ont un poids plutôt modeste. Les secteurs où la qualité des produits exportés est comparativement faible, tels que l’alimentation et les animaux vivants, représentent une part élevée des produits exportés. La population active du Sénégal étant concentrée dans l’agriculture, il pourrait être utile d’accroître la qualité des produits agricoles pour compléter la diversification des exportations tirée par l’IDE

Parmi les autres domaines de réformes structurelles recommandées par le FMI, on citera l’amélioration du climat des affaires, de la gouvernance et de l’investissement dans le capital humain et l’infrastructure publique, et le renforcement des dispositifs de protection sociale. Il importera également d’engager une vaste restructuration du secteur énergétique et d’accroître la compétitivité des exportations.

Il convient de gérer les vulnérabilités du secteur financier, notamment celles liées à la qualité des actifs bancaires. Il est en outre nécessaire de rester vigilant face au niveau élevé de prêts improductifs, en coopération avec la BCEAO et avec la Commission bancaire de l’UEMOA, et de veiller également à faciliter l’accès aux services financiers.

L’expérience des autres pays

Dans un document connexe au rapport des services du FMI, ces derniers passent en revue l’expérience d’autres pays et jugent réalisable l’ambition du Sénégal de parvenir à l’émergence sur les deux prochaines décennies.

Entre 1990 et 2013, une quarantaine de pays dans le monde ont connu un taux de croissance du PIB réel par habitant en parité de pouvoir d’achat de 5 % ou plus. Parmi les pays que le Sénégal pourrait émuler figurent le Cap-Vert, le Guyana, l’Indonésie, Maurice, l’Ouganda, Sri Lanka, la Tunisie et le Vietnam. Plusieurs pays africains ont déjà entamé la trajectoire qui a été celle des tigres asiatiques pour passer du statut de pays à faible revenu à celui de pays émergent à revenu intermédiaire.

L’expérience des autres pays montre que les réformes structurelles pourraient permettre au Sénégal de porter son taux de croissance à 7 % à moyen terme grâce à une expansion des exportations alimentée par l’investissement étranger.

Les autorités ont déjà commencé à travailler avec plusieurs pays pour mettre au point des activités d’apprentissage entre pairs afin de mener à bien les réformes requises. Des journées de réflexion de haut niveau ont ainsi été organisées au siège du FMI, à Washington, du 15 au 17 décembre 2014 sous le titre «Transformer le Sénégal en un pays à revenu intermédiaire». Il s’agissait là d’une première initiative dans ce sens.