Bulletin du FMI : Le FMI encourage le débat sur le secteur privé, la croissance et l’emploi au Moyen-Orient
le 27 novembre 2013
- Le FMI va co-organiser une conférence sur les moyens de stimuler le développement du secteur privé
- La réflexion portera sur le rôle de la politique macroéconomique, du commerce extérieur, de l’investissement et du climat des affaires
- La croissance du secteur privé doit profiter à tous — notamment aux jeunes, aux femmes et aux petites et moyennes entreprises
La contribution du secteur privé à la croissance et à l’emploi reste plus faible dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord est l’une des plus faibles au monde.
Conférence sur le Secteur Privé en Arabie Saoudite
Le secteur privé compte pour plus de 60 % du PIB dans la plupart des pays, comme dans les pays émergents dynamiques d’autres régions. Cela étant, il semble que son développement plus lent ne s’explique pas par la taille du secteur public, mais par les contraintes qui amoindrissent le dynamisme du secteur privé.
Depuis les années 1980, les investissements du secteur privé au Moyen-Orient et en Afrique du Nord représentent en moyenne de 13 à 15 % du PIB, contre près de 20 % en Asie du Sud et 30 % en Asie de l’Est (deux régions où la part des investissements, à l’origine inférieure à 13 %, a commencé à croître à la fin des années 1980). Le niveau du crédit bancaire au secteur privé, actuellement 40 % du PIB, est bien inférieur à celui des autres régions.
Pour étudier comment promouvoir le développement du secteur privé de manière à accroître sa contribution à la croissance, le FMI va coparrainer, avec la Société financière internationale et le Conseil saoudien des chambres de commerce, une conférence à Riyad (Arabie saoudite) le 3 décembre 2013. Cette conférence rassemblera des représentants des milieux d’affaires privés et des cercles universitaires de la région et d’ailleurs, ainsi que des représentants de diverses organisations internationales.
Dans un entretien accordé au Bulletin du FMI, Tim Callen, Chef de mission du FMI pour l’Arabie saoudite, décrit les objectifs de la conférence, certains des enjeux qui se posent au secteur privé dans la région et explique la relation entre le développement du secteur privé et la croissance solidaire.
Bulletin du FMI : pourquoi cette conférence est-elle importante et qui seront les principaux participants?
M. Callen : nous savons tous que la population du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord est très jeune et que beaucoup de ces jeunes seront bientôt en âge de travailler. Mais la croissance n’est pas assez vive pour créer suffisamment d’emplois et répondre aux aspirations des populations.
L’État a joué un rôle central dans la croissance économique par le passé et cela ne peut pas continuer indéfiniment. Beaucoup de pays de la région accusent déjà de gros déficits budgétaires et n’ont guère de marges d’expansion, car la masse salariale du secteur public est déjà excessive dans bien des pays.
L’activité privée sera donc manifestement essentielle pour le développement de la région à l’avenir et je pense qu’il est important pour le FMI de rencontrer les milieux d’affaires, d’écouter ce qu’ils ont à dire et à en tenir compte dans les conseils et orientations qu’il donne à ses pays membres. Nous souhaitons mieux comprendre ce qui freine le développement du secteur privé et l’empêche de créer des emplois, comment il peut contribuer davantage à l’emploi et à la croissance, et ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour que cela se produise.
La conférence permettra aussi de revenir sur les enseignements de l’expérience internationale. Il y aura un certain nombre d’intervenants de Corée, de Turquie et de diverses organisations internationales spécialisées dans la problématique de l’initiative privée. Ils décriront en particulier, le rôle que la croissance tirée par les exportations joue dans le développement du secteur privé, comme nous l’avons observé en Asie.
Nous souhaitons vraiment poursuivre et approfondir le dialogue avec toutes les parties prenantes de la région et nous espérons que cette conférence servira de point de départ pour étoffer les relations avec le secteur privé.
Bulletin du FMI : quels sont les principaux thèmes qui seront abordés par les participants?
M. Callen : la réflexion devrait porter sur trois grandes questions : en quoi les politiques macroéconomiques et financières influent-elles sur le développement du secteur privé; dans quelle mesure la région est-elle ouverte aux échanges et aux investissements, et comment s’y présente le climat des affaires? Je vais passer brièvement en revue chacune de ces questions, mais vais m’étendre un peu plus longuement, si vous le permettez, sur la première — le rôle des politiques macroéconomiques et financières — qui relève davantage de la mission primordiale du FMI.
Dans bien des pays de la région, les politiques macroéconomiques n’ont pas été vraiment propices à la pratique des affaires. Les entrepreneurs recherchent toujours un environnement macroéconomique stable dans lequel ils peuvent décider de créer une société et d’investir et créer des emplois. Lorsque des incertitudes planent sur les principaux prix ou la politique macroéconomique — comme cela a été le cas dans beaucoup de pays de la région —, les entreprises ont beaucoup de mal à faire des plans d’avenir. Il y a, par exemple, tout lieu de penser que les taux d’inflation élevés vont freiner la croissance économique, en particulier dans les pays importateurs de pétrole de la région. De même, la volatilité des taux de change et d’intérêt tend à avoir un effet dissuasif sur l’investissement.
Par ailleurs, les déficits budgétaires, très élevés dans certains pays importateurs de pétrole, sont en général financés par le secteur bancaire intérieur. Cela signifie qu’il y a moins de crédit disponible pour les entreprises et que le coût des emprunts est plus élevé.
Deuxième série de questions : la région est-elle suffisamment ouverte aux échanges et aux investissements? Est-ce qu’elle exporte assez — mis à part l’énergie? Est-elle intégrée aux chaînes d’approvisionnement mondiales? Les pays font-ils suffisamment d’efforts pour tirer parti de la croissance très vigoureuse des pays émergents et des autres régions du monde, de l’Asie en particulier?
Troisième grand sujet : les obstacles qui freinent le développement de l’activité dans et ce que peut faire le secteur privé pour lutter contre les perceptions négatives auxquelles il doit souvent faire face dans la région. Nous devrions en savoir plus sur le temps qu’il faut pour créer une entreprise, la facilité avec laquelle on peut accéder aux services publics, et les conditions d’obtention d’un crédit bancaire. La réticence des banques à accorder du crédit, même en faveur de projets valables, fait entrave au développement du secteur privé et à la création d’emplois. Cela est particulièrement manifeste dans la région, où les petites et moyennes entreprises n’ont pas suffisamment accès au crédit.
Bulletin du FMI : le FMI insiste depuis quelque temps sur le lien entre le développement du secteur privé et la croissance partagée. Pourriez-vous expliquer ce que cela signifie?
M. Callen : il est sûr que le taux de chômage global, tout comme le taux de chômage des jeunes — 10% et 24 %, respectivement — sont plus élevés que dans les autres régions et supérieurs aux taux mondiaux moyens — 6 % et 13 %, respectivement. De plus, de nombreux obstacles s’opposent à la croissance des entreprises, surtout des PME. Par ailleurs, la participation à la vie active et les perspectives d’emploi des femmes demeurent limitées. Le taux de participation féminin de la région est de 22 %; il est toujours plus bas que partout ailleurs. Cela cause un sentiment d’exclusion et nourrit le mécontentement dans certaines parties de la région.
Dans ce contexte, le FMI a maintes fois conseillé aux autorités gouvernementales de promouvoir l’initiative privée de manière à développer les perspectives d’emplois et d’affaires pour tous. La croissance devient solidaire lorsqu’elle profite à toutes les couches de la population, et non à un petit nombre de classes privilégiées. Les citoyens pourraient alors trouver du travail et satisfaire leurs aspirations, et les entreprises pourraient prospérer, quelle que soit leur taille, dès lors qu’elles portent des projets solides et viables. Une plus grande participation des femmes à la vie active, y compris par la promotion de leur mobilité et de l’égalité des chances sur le marché du travail, pourrait aussi doper la croissance solidaire et la productivité.