Bulletin du FMI : Reprise fragile au Moyen-Orient sur fond de conflits et de transitions
le 27 octobre 2014
- L’incertitude politique et l’aggravation des conflits plombent la croissance
- Les pays exportateurs de pétrole doivent diversifier davantage leur économie et dépendre moins des recettes pétrolières
- Le lent redressement et les perspectives ternes des pays importateurs de pétrole appellent à des réformes pour améliorer les niveaux de vie
La région Moyen-Orient et Afrique du Nord connaît une croissance terne pour la quatrième année d’affilée, d’après la dernière évaluation régionale effectuée par le FMI.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES
Selon les Perspectives économiques régionales, publiées le 27 octobre par le FMI, la croissance sera en légère hausse, à 2,6 % cette année (voir le tableau). En 2015, elle pourrait rebondir si la situation sécuritaire s’améliore.
«L’intensification des problèmes de sécurité, notamment liés à l’escalade des conflits en Irak et en Syrie, fait craindre une dégradation de la situation. Elle a eu jusqu’ici un impact économique limité, mais le nombre de personnes déplacées, estimé à 11 millions, pèse déjà sur les budgets, les marchés du travail et la cohésion sociale dans les pays voisins», a déclaré Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, lors de la présentation du rapport à Dubaï.
«La région a besoin d’une croissance soutenue, plus forte et plus inclusive pour faire reculer sensiblement le chômage — un problème pressant pour presque tous les pays de la région», a ajouté M. Ahmed.
Les pays exportateurs de pétrole ont besoin d’un nouveau modèle de croissance
Le FMI s’attend à ce que la croissance globale des pays exportateurs de pétrole de la région reste timide, à 2,5 % cette année, en raison de la dégradation de la situation sécuritaire, principalement en Irak et en Libye. La croissance pourrait repartir l’année prochaine, mais une éventuelle dégradation de la situation sécuritaire en Irak, en Libye ou au Yémen pourrait perturber davantage la situation économique et compromettre le redressement prévu.
Le FMI avertit qu’à politiques budgétaires inchangées, les excédents des pays exportateurs de pétrole disparaîtront à l’horizon 2017 et note que, en dehors du Conseil de coopération du Golfe et de Bahreïn, tous les pays sont déjà déficitaires (graphique 1). Le repli marqué des cours du pétrole, de 20 % durant les deux derniers mois, accentue les risques budgétaires.
«Si les cours du pétrole se maintiennent longtemps à leur faible niveau actuel, l’excédent budgétaire global des pays exportateurs pourrait se transformer en déficit dès l’année prochaine» a précisé aux journalistes M. Ahmed. Il importe que les pays qui disposent d’une marge de manœuvre ajustent progressivement leur situation budgétaire afin de limiter l’effet de frein sur la croissance.
Le fléchissement des soldes budgétaires et extérieurs s’explique principalement par le coût élevé des subventions énergétiques et de la masse salariale. Ces pays doivent contenir les dépenses publiques pour préserver la viabilité budgétaire et léguer aux générations futures une part équitable de la richesse tirée des ressources naturelles.
Le modèle de croissance des pays exportateurs de pétrole a jusqu’à présent reposé sur l’accroissement des dépenses publiques à la faveur de la hausse des cours du pétrole. Pour passer à un modèle plus diversifié et tiré par le secteur privé, a indiqué M. Ahmed, les pays du Conseil de coopération du Golfe en particulier auraient avantage à entreprendre les réformes suivantes :
• Encourager la production efficiente de biens et services échangeables au lieu de l’activité des secteurs des biens non échangeables dont la productivité augmente peu;
• Réduire les distorsions du marché du travail qui incitent le secteur privé à faire appel à la main-d’œuvre étrangère;
• Améliorer la qualité de l’éducation pour qu’elle réponde mieux aux besoins du secteur privé.
D’après le FMI, les impératifs prioritaires en dehors du Conseil de coopération du Golfe sont d’améliorer le climat des affaires, de remédier aux goulets d’étranglement infrastructurels et d’élargir l’accès des entreprises privées au crédit.
Les pays importateurs de pétrole ont besoin de réformes pour créer des emplois
Le FMI souligne quelques tendances positives observées dans les pays importateurs de pétrole de la région. Les exportations, le tourisme, et les investissements directs étrangers s’améliorent progressivement dans certains cas, à mesure que les incertitudes politiques se dissipent.
Par ailleurs, de nombreux pays — notamment l’Égypte, la Jordanie, le Maroc, la Mauritanie, le Pakistan, le Soudan et la Tunisie — ont avancé dans la maîtrise des coûts des subventions énergétiques. L’objectif était en général de réaffecter une partie des économies ainsi dégagées pour accompagner la croissance et réduire la pauvreté grâce à des systèmes de protection sociale mieux ciblés, et à des investissements porteurs dans les infrastructures, la santé et l’éducation. Les pays utilisent aussi une partie des économies réalisées grâce à la réforme des subventions pour réduire leurs déficits budgétaires, précise le rapport.
Néanmoins, l’effet conjugué des profondes tensions sociopolitiques, des goulets d’étranglement structurels et des conséquences de l’aggravation des conflits régionaux, empêche la croissance de revenir aux niveaux nécessaires pour réduire les taux de chômage élevés qui existent aujourd’hui, ajoute le rapport.
Le FMI s’attend à ce que l’activité économique dans ces pays reste terne cette année, aux environs de 3 %, et passe à 4 % environ en 2015. Cependant, cette perspective est entachée de risques considérables.
«Les répercussions des conflits régionaux, les revers des transitions politiques et la croissance plus faible que prévu des principaux partenaires commerciaux pourraient miner même la reprise modeste à laquelle nous nous attendons pour la région», a déclaré M. Ahmed.
Le rapport signale aussi que les ratios dette/PIB sont encore en augmentation et que les besoins bruts de financement extérieur de ce groupe de pays devraient se chiffrer à 100 milliards de dollars l’an prochain. Le FMI invite instamment beaucoup des pays importateurs de pétrole à maintenir la dynamique des réformes afin de faire baisser les taux de chômage élevés (graphique 2).
«Pour la plupart des habitants de la région, l’amélioration du niveau de vie ne se fait pas encore sentir car il faut du temps pour que certaines réformes portent leurs fruits», a déclaré M. Ahmed lors de sa conférence de presse. En mettant en valeur les efforts en cours, les pays visent à assurer une trajectoire viable pour leur dette publique et à nourrir la confiance dans l’avenir, ce qui contribuera à promouvoir la croissance et la création d’emplois, atil ajouté.
Le FMI souligne que l’amélioration durable de la croissance à moyen terme et des perspectives de l’emploi nécessitera une profonde transformation sur de multiples plans pour donner libre cours au dynamisme économique dans le secteur privé, ce qui permettra de rehausser le potentiel de croissance, de créer plus d’emplois et de réduire les inégalités.
«Pour promouvoir cette transformation, les dirigeants devraient formuler et mettre en œuvre un programme énergique et crédible de réformes économiques qui recueille le soutien de la population. Il sera essentiel de privilégier les réformes visant à améliorer le climat des affaires, l’éducation et l’efficience du marché du travail pour doper la croissance potentielle», a déclaré M. Ahmed.
Le rapport précise en outre qu’un soutien financier supplémentaire de la communauté internationale, le renforcement des capacités et l’élargissement des débouchés commerciaux permettraient d’accompagner les efforts de réforme des pays et de faciliter un ajustement macroéconomique plus graduel et moins pénible. Le FMI reste profondément déterminé à accompagner la région au moyen de conseils de politique économique, de concours financiers et d’une assistance technique.