Bulletin du FMI : Croissance vigoureuse en Afrique subsaharienne, mais aussi des difficultés à surmonter
le 20 octobre 2014
- Les infrastructures, les services et l’agriculture sont les moteurs de la croissance dans la plupart des pays
- Les perspectives favorables sont assombries par les effets de l’épidémie d’Ébola dans les pays touchés
- Les objectifs consistent à parvenir à une croissance forte et solidaire et, dans certains pays, à contrer les risques budgétaires
La croissance économique vigoureuse de la plupart des pays d’Afrique subsaharienne devrait permettre une expansion robuste de la région en 2014 et 2015, indique le rapport du FMI sur les perspectives économiques régionales.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES
Dans la plupart des pays, la croissance s’appuie à la fois sur les investissements d’infrastructure, la vitalité du secteur des services et une abondante production agricole. La dynamique de la croissance demeure particulièrement forte au Nigéria, première économie régionale, et dans les pays à faible revenu de la région. Les révisions apportées récemment aux données des comptes nationaux, notamment au Nigéria, ont aussi révélé que les économies de la région étaient plus diversifiées qu’on ne le pensait, en mettant en évidence en particulier le rôle important joué par les services.
D’après les projections du dernier rapport du FMI sur les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne, la croissance du PIB régional devrait s’accélérer et passer d’environ 5 % en 2013–14 à 5¾ % en 2015. Ces perspectives globalement favorables sont toutefois assombries par des difficultés particulièrement aiguës dans un petit nombre de pays. En Guinée, au Libéria et en Sierra Leone, l’épidémie d’Ébola à de lourdes conséquences humaines et économiques. En outre, la situation en matière de sécurité reste difficile dans certains pays, notamment en République centrafricaine et au Soudan du Sud.
Dans quelques autres pays, l’activité se heurte à des vents contraires liés aux politiques menées par les pouvoirs publics. En Afrique du Sud, la croissance économique reste médiocre à cause des tensions entre les partenaires sociaux, du manque de confiance et de l’approvisionnement insuffisant en électricité. Autre fait plus préoccupant, dans quelques pays, notamment au Ghana et, jusqu’à une date récente, en Zambie, les déséquilibres macro-économiques prononcés ont engendré des tensions sur le taux de change et de l’inflation.
Accentuation des vulnérabilités
La prolongation de l’épidémie d’Ébola ou sa propagation à d’autres pays pourrait nuire grandement à l’économie de la région en pesant sur les échanges commerciaux, les activités de transport et l’investissement. Dans d’autres régions d’Afrique subsaharienne, la montée de l’insécurité pourrait aussi avoir de graves retombées régionales.
Dans un petit nombre d’autres pays, la rapidité de la croissance a masqué l’accentuation des vulnérabilités budgétaires, surtout dans les pays où le creusement des déficits est le résultat d’une accélération des dépenses récurrentes.
Une conjoncture moins porteuse
Au cours de la décennie écoulée, le resserrement des liens avec les pays émergents a favorisé l’expansion et la diversification économiques de la région, mais il l’a aussi rendue plus vulnérable aux chocs exogènes (voir le graphique).
Même si les projections laissent entrevoir un renforcement progressif de la croissance économique mondiale, le ralentissement attendu de l’activité dans les pays émergents et le rééquilibrage de la demande chinoise au profit de la consommation privée vont rendre la conjoncture extérieure moins favorable. En particulier, ces évolutions pourraient réduire la demande mondiale dont font l’objet les principales exportations subsahariennes, notamment les matières premières.
Un resserrement des conditions financières — engendré par à une normalisation plus rapide que prévu de la politique monétaire aux États-Unis, une dégradation de la situation géopolitique ou une détérioration des paramètres économiques fondamentaux des pays — pourrait aussi réduire et rendre plus coûteux l’accès aux financements extérieurs et entraîner une diminution des investissements directs étrangers.
Maintien de taux de croissance élevés
Pour la grande majorité des pays, l’objectif primordial reste le maintien de taux de croissance élevés afin de favoriser la création d’emplois et une croissance solidaire, tout en préservant la stabilité macroéconomique. Les pays doivent continuer de privilégier les mesures de nature à renforcer la croissance, notamment en ciblant les dépenses publiques sur les investissements d’infrastructure et les autres besoins de développement, et en préservant les dispositifs de protection sociale.
Renforcer la mobilisation des recettes budgétaires et améliorer le climat des affaires demeurent aussi des priorités importantes. Les politiques monétaires doivent rester axées sur la consolidation des acquis de ces dernières années en matière d’inflation.
Dans le petit nombre de pays où les déficits budgétaires prononcés et la forte augmentation des dépenses courantes sont sources de préoccupation, il convient de remédier à ces déséquilibres, mais l’ajustement doit s’opérer en évitant d’en faire subir indûment les conséquences néfastes aux pauvres et aux groupes vulnérables de la société.
Dans les pays touchés par l’épidémie d’Ébola, les comptes budgétaires sont soumis à des tensions considérables. Dans l’idéal, l’aide devrait être fournie sous forme de dons par les bailleurs de fonds internationaux. Cependant, si les dons ne sont pas immédiatement accessibles, et pour autant que la dette publique soit gérable, il convient de laisser les déficits budgétaires se creuser, sous réserve que des financements soient disponibles.
Vers une plus grande résilience
Dans le rapport sur les Perspectives économiques régionales, deux études examinent comment les pays fragiles peuvent devenir plus résilients et comment les pays de la région peuvent combler le déficit d’infrastructures qui subsiste.
La première étude compare l’expérience de pays qui étaient jugés fragiles dans les années 1990 et qui ont réussi depuis à devenir plus résilients à d’autres pays qui n’ont fait aucun progrès ou qui ont même régressé dans ce domaine. L’analyse, qui s’appuie sur des données de panel pour 26 pays subsahariens et sur quatre études de cas, montre que le processus suivi par les pays pour sortir de leur situation de fragilité est lent et complexe.
Pour que leurs efforts aboutissent, il faut que les pays concernés agissent de façon ordonnée en définissant bien leurs priorités, pour arriver notamment à un arrangement politique qui décourage la violence, à l’installation de dirigeants compétents et à des réformes centrées sur l’amélioration de la gouvernance, la transparence et la stabilité économique. En particulier, il est essentiel de renforcer les institutions budgétaires, à la fois afin de dégager l’espace budgétaire nécessaire pour assurer les services publics de base et réaliser les investissements urgents, et pour instaurer la confiance entre les citoyens et l’État.
Les parties prenantes internationales devraient être prêtes à accompagner ces pays sur le long terme, à la fois en soutenant le renforcement de leurs capacités et en leur apportant le volume d’aide élevée qui pourrait être nécessaire jusqu’à ce qu’ils atteignent un niveau de résilience minimal.
Combler le déficit d’infrastructures
La seconde étude examine les résultats obtenus ces dernières années par les pays d’Afrique subsaharienne qui se sont efforcés de développer leurs infrastructures, en faisant ressortir les tendances actuelles du financement de ces opérations ainsi que les défis qui se profilent à l’horizon. Il ressort de cette étude que bon nombre de pays de la région ont maintenu des niveaux élevés d’investissement public, mais que seul un petit nombre d’entre eux ont réussi à améliorer sensiblement leurs infrastructures.
Dans ce domaine, ce n’est pas le manque de financement qui semble être le principal obstacle, mais plutôt les contraintes de capacités qui pèsent sur la conception et la mise en œuvre des projets. L’étude conclut que les pays doivent s’efforcer de tirer parti autant que possible des nouveaux instruments et flux de financement en améliorant leur capacité d’absorption et en éliminant les contraintes réglementaires qui subsistent, tout en restant attentifs aux risques budgétaires et en préservant la viabilité de la dette.
Plus précisément, les pays devraient développer leurs capacités de gestion des finances publiques en améliorant la planification, l’exécution et le suivi des investissements publics, en renforçant les procédures d’évaluation des projets et en adoptant un cadre budgétaire à moyen terme qui tienne dûment compte des coûts d’exploitation et d’entretien. Les partenariats public-privé peuvent être un instrument efficace pour moderniser les infrastructures, mais ils doivent s’appuyer sur un cadre institutionnel et juridique approprié et faire l’objet d’un suivi attentif pour réduire autant que possible les risques budgétaires.