Bulletin du FMI : Une intégration budgétaire accrue pour accroître la résistance de la zone euro
le 25 septembre 2013
- La crise a mis en lumière les importantes lacunes de l’architecture de la zone euro
- Le renforcement de la gouvernance budgétaire et des mécanismes d’assurance transfrontaliers permettraient de réduire la probabilité et la gravité des crises futures
- Un soutien budgétaire commun à l’union bancaire est une priorité
Une intégration budgétaire accrue dans la zone euro pourrait combler les lacunes de l’architecture du système, rendre la zone plus résistante aux crises futures et donner une crédibilité à long terme aux mesures déjà adoptées pour répondre à la crise.
L’UNION BUDGÉTAIRE DE LA ZONE EURO
Un nouveau document des services du Fonds monétaire international avance qu’une plus grande intégration budgétaire permettrait de remédier à un certain nombre d’insuffisances dans l’architecture de la zone euro. Outre l’union bancaire, une union budgétaire réduirait l’incidence et la gravité des crises futures en renforçant la discipline budgétaire et en offrant une assurance minimum contre les profondes récessions. Même si la mise en place de cette union budgétaire prendra du temps, il est essentiel de préparer une feuille de route pour sa mise en œuvre afin d’ancrer la confiance qu’inspire la viabilité de la zone euro et, partant, d’appuyer les efforts actuels de gestion des crises.
Les décideurs européens ont pris d’importantes mesures pour renforcer les cadres de gouvernance budgétaire et économique. Pour autant, une mise en œuvre vigoureuse et de solides mécanismes d’application sont indispensables en vue d’une plus grande intégration budgétaire. Avec ces sauvegardes en place, selon le document, une démarche préventive plus claire de la discipline budgétaire, conjuguée à des mécanismes d’assurance transfrontaliers — plutôt qu’une stratégie qui s’appuie exclusivement sur le soutien lorsque les crises ont déjà éclaté — consoliderait l’architecture et assurerait la stabilité de l’Union économique et monétaire.
Lacunes de l’architecture de la zone euro
Contrairement aux attentes, le lancement de la monnaie commune n’a pas rendu les économies de la zone plus similaires avec le temps, ni plus résistantes aux chocs. La convergence réelle a déçu les attentes et les chocs spécifiques aux pays — qu’ils leur soient ou non propres — sont restés importants et plus fréquents que prévu. Par exemple, la baisse des coûts d’emprunt a contribué à l’expansion localisée du crédit dans certains pays. Parallèlement, un commerce intense et, plus important encore, l’intégration financière, ont été sources potentielles de problèmes dans un pays qui se sont ensuite répercutés sur d’autres pays. Cela été particulièrement évident au plus fort de la crise lorsque les difficultés des banques ont suscité des doutes quant à la solvabilité souveraine ; les tensions souveraines ont à leur tour aggravé les pressions s’exerçant sur les bilans des banques. Les tensions financières se sont ensuite transmises entre les banques interconnectées dans la zone euro.
Le document note également que la faiblesse des politiques nationales a aggravé les effets des chocs économiques négatifs et que les cadres de gouvernance européens n’ont pas été appliqués avec suffisamment de vigueur. Lorsque la crise a frappé, les pays n’avaient donc pas une marge de manœuvre nationale suffisante pour se protéger du ralentissement économique.
Parallèlement, les forces du marché qui auraient pu empêcher et corriger les déséquilibres croissants étaient peu nombreuses : une fois que le choc économique négatif avait frappé, les prix et les salaires n’ont pas été ajustés à la baisse pour compenser les pertes de compétitivité et la mobilité de la main-d’œuvre est restée limitée dans la zone monétaire. De même, les marchés de capitaux — optimistes quant aux perspectives de croissance de la région et sceptiques sur la clause de non-sauvetage — ont manqué de faire la distinction entre des politiques budgétaires saines et malsaines.
Ces interactions ont planté le décor de la crise qui a frappé la zone euro en 2010 : avec des marges de manœuvre budgétaire limitées, sans instrument de soutien pour toute la zone ni disjoncteur pour empêcher les chaînes de réactions négatives, les déséquilibres qui s’étaient accumulés dans certains pays se sont rapidement transformés en tensions financières généralisées et en chocs économiques touchant individuellement les pays ; ces chocs sont devenus systémiques, menaçant l’union elle-même.
La démarche adoptée à ce jour — résoudre les crises après-coup— s’est révélée onéreuse, non seulement en termes d’assistance financière directe, mais aussi en termes de perte de production et d’augmentation du chômage.
Composantes essentielles d’une union budgétaire
Le document avance que l’intégration budgétaire définit un cadre de discipline budgétaire et des mécanismes d’assurance qui permettraient de contenir les chocs économiques et financiers tout en assurant que de meilleures politiques nationales sont en place avant les crises. De toute évidence, ce sont les préférences sociales et politiques qui détermineront l’ampleur et les contours ultimes d’une nouvelle intégration budgétaire dans la zone euro. Mais les leçons tirées des crises et la pratique d’autres unions budgétaires indiquent que les quatre éléments qui suivent sont indispensables :
• Une meilleure supervision des politiques nationales et des règles pour leur application. La conception de la politique budgétaire s’est améliorée car on met davantage l’accent sur les objectifs budgétaires structurels et les réformes en cours du cadre de gouvernance. Pour autant, il serait souhaitable à l’avenir que le centre intervienne davantage dans les décisions budgétaires nationales et dans l’éclaircissement des règles de sauvetage en vue de rétablir la discipline budgétaire et de redynamiser la discipline du marché.
• Des risques mieux partagés. Un partage prédéterminé des risques réduit la nécessité d’un soutien onéreux par la suite. Sous réserve d’une meilleure discipline des politiques budgétaires nationales, tous les pays de la zone euro tireraient parti de mécanismes transfrontaliers d’assurance budgétaire. Un certain nombre d’options sont disponibles, y compris la création d’un fonds de précaution pour toute la zone, un régime commun d’assurance-chômage ou un budget pour la zone euro. En tout état de cause, il est indispensable qu’il y ait un minimum de partage des risques budgétaires pour pouvoir compter sur la discipline du marché, car cela accroît la crédibilité des dispositifs qui ne prévoient pas de sauvetages.
• Des emprunts centralisés. A long terme, lorsque les structures adéquates de gouvernance seront en place, les emprunts par le centre — adossés à ses propres recettes — pourraient aider à financer les instruments de partage des risques et réduire le potentiel de déplacements importants de portefeuilles entre les souverains en offrant un actif sûr.
• Un soutien budgétaire pour les banques de la zone euro. Les décideurs européens ont fait des progrès majeurs vers une union bancaire. Les actions en cours en vue d’établir un Mécanisme de surveillance unique et un Mécanisme de résolution unique devraient être complétées par un engagement ferme et précoce pour mettre en place un soutien adéquat destiné à ancrer la confiance dans le système bancaire. Même si une partie des assurances contre les accidents bancaires pourrait être financée par l’industrie, un soutien commun pour la recapitalisation, la résolution et l’assurance des dépôts contribuerait à réduire le risque de contagion.
Si les trois premiers de ces éléments pourraient aider à construire une union plus stable du moyen au long terme, le dernier est urgent et exige une attention immédiate.
Il est crucial que la feuille de route claire qui définit les limites d’une union budgétaire fasse l’objet d’un appui politique. Les progrès de l’intégration budgétaire prendront naturellement du temps, mais l’expérience historique montre qu’une gestion effective des crises est souvent associée à des réformes audacieuses à long terme, y compris au transfert de certaines responsabilités budgétaires au niveau central.