Bulletin du FMI : La croissance économique marque le pas au Moyen-Orient
le 21 mai 2013
- La croissance non pétrolière des pays exportateurs de pétrole reste ferme, mais elle reste modérée pour les importateurs
- Les pays en transition doivent prendre des mesures résolues pour maintenir la stabilité économique et lancer des réformes pour promouvoir une croissance inclusive
- L’aide de la communauté internationale reste cruciale
Les différences de croissance économique dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) devraient s'estomper en 2013, quoique la situation économique des exportateurs et importateurs de pétrole présente des différences marquées, annonce le FMI dans sa dernière mise à jour des Perspectives de l'économie régionale, qui tablent cette année sur une croissance d’environ 3,1%.
Perspectives économiques régionales
Selon les projections, les taux de croissance robustes des exportateurs de pétrole de la région — l'Algérie, Bahreïn, l'Iran, Irak, le Koweït, la Libye, Oman, le Qatar, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis et le Yémen — devraient marquer le pas et passer d'une moyenne de 5,7% en 2012 à 3,2 % en 2013 (voir tableau), ce qui est essentiellement imputable à un ralentissement de la production pétrolière face au recul de la demande mondiale.
En revanche, les importateurs de pétrole de la région — l'Afghanistan, Djibouti, l'Égypte, la Jordanie, le Liban, la Mauritanie, le Maroc, le Pakistan, le Soudan et la Tunisie — évoluent dans un environnement extérieur difficile. En moyenne, ce groupe de pays devraient afficher cette année, d'après les projections, une croissance modérée de 3 %. Dans les pays arabes en transition, la persistance des incertitudes politiques bride aussi la croissance.
« Dans la plupart des pays importateurs de pétrole de la région MOAN, les conditions économiques, conjuguées aux troubles sociaux, à des transitions politiques complexes et à un contexte économique qui se caractérise par une croissance globale modeste, la persistance des prix élevés des produits alimentaires et énergétiques et une confiance interne en berne, restent défavorables», a déclaré M. Masood Ahmed , Directeur du Département du Moyen-Orient du FMI lors d'une conférence de presse à Dubaï.
Les exportateurs de pétrole toujours dynamiques
En 2012, les pays exportateurs de pétrole de la région ont enregistré une solide croissance de 5,7% grâce au rétablissement quasi complet de la production pétrolière de la Libye et à la forte expansion des pays du Conseil de coopération du Golfe. D'après les projections, la croissance économique devrait chuter en 2013 à 3,2 %, alors que la progression de la production pétrolière marque le pas face à une demande mondiale en baisse. Pour autant, la croissance hors pétrole reste tonique, à environ 4½% en moyenne.
La hausse des volumes et des prix des exportations de pétrole et de gaz a permis aux exportateurs de pétrole d’accumuler en 2012 des excédents du compte courant d'environ 440 milliards de dollars. Une légère baisse des prix mondiaux projetés du pétrole (sur la base des marchés à terme) de même que l'augmentation attendue des importations se traduiront cette année par un excédent du compte courant légèrement inférieur — mais encore confortable — d’environ 370 milliards de dollars.
Ces derniers mois, les risques pour les perspectives mondiales ont légèrement diminué, mais restent élevés. Le ralentissement de l'activité économique mondiale, par exemple dans les marchés émergents qui connaissent actuellement une rapide croissance, déboucherait vraisemblablement sur une baisse des prix du pétrole. Un certain nombre d'exportateurs de pétrole voient leur déficit budgétaire hors pétrole se creuser, ce qui les rend plus vulnérables à une baisse prolongée des prix du pétrole. Dans la majorité des pays, le niveau de prix du pétrole assurant que les comptes budgétaires sont en équilibre pour un niveau donné de dépenses suit une tendance à la hausse. Dans plusieurs pays, il conviendra d'envisager certaines mesures de rééquilibrage budgétaire — pour maîtriser les dépenses et réduire le déficit de l'État — afin que les soldes budgétaires reviennent à un niveau plus soutenable.
« Pour se préserver d'une augmentation soutenue éventuelle du prix du pétrole, les exportateurs devraient contenir les augmentations des dépenses courantes de l'État qui sont difficiles à réduire, telles que la masse salariale et les subventions», a déclaré M. Ahmed.
Des dépenses sociales et de capital efficaces peuvent minimiser la dépendance des recettes pétrolières à long terme en favorisant la croissance future dans les secteurs non énergétiques. Une éducation de haute qualité peut appuyer la création d'emplois pour les nationaux, a ajouté le FMI.
Les importateurs de pétrole sous pression
En 2013, la croissance des importateurs de pétrole de la région devrait reprendre, mais à un rythme modéré, projeté à près de 3 % — un taux bien inférieur à ce qui est nécessaire pour remédier aux taux de chômage élevés de ces pays.
La confiance des investisseurs reste timide à cause des incertitudes politiques et des troubles sociaux dans tous les pays arabes en transition et des retombées régionales du tragique conflit en Syrie — y compris le coût des réfugiés, les bouleversements du commerce bilatéral et de transit et l'aggravation des préoccupations sécuritaires.
L’environnement économique extérieur difficile continue d'exercer des pressions sur les réserves internationales de nombre de pays importateurs de pétrole. La croissance mondiale atone et la récession dans la zone euro empêchent une reprise plus rapide des exportations et du tourisme. Entre-temps, les prix mondiaux élevés des produits alimentaires et énergétiques contribuent à l'augmentation des factures d'importation.
Des mesures résolues sont requises
Avec des déficits budgétaires élevés et une réduction des amortisseurs des réserves internationales, nombre de pays importateurs de pétrole doivent sans plus tarder faire des choix difficiles — un rééquilibrage budgétaire draconien — pour favoriser la croissance et maintenir l'équilibre social — dans un contexte d'assouplissement accru du taux de change. Cela devrait contribuer à maintenir la stabilité macroéconomique, à restaurer la croissance, à préserver la compétitivité et à mobiliser le financement extérieur, toutes conditions essentielles pour une saine reprise économique, déclare le FMI.
« Les récentes réformes des subventions, associées à des mesures destinées à mettre en œuvre une protection sociale mieux ciblée, commencent à réduire les pressions qui s'exercent sur le budget et les réserves dans certains pays de la région. Toutefois, les pays devront davantage rationaliser les subventions, tout en instaurant des mécanismes mieux ciblés pour protéger les pauvres», a déclaré M. Ahmed aux journalistes.
Les réformes ne peuvent attendre
Au-delà des défis à court terme, nombre de pays de la région devront accélérer les réformes structurelles pour obtenir une croissance inclusive et créer des emplois permanents, note le FMI.
« S'il est important de mettre l'accent aujourd'hui sur le maintien de la stabilité économique, il ne faut pas perdre de vue le défi fondamental à moyen terme qui consiste à moderniser et diversifier les économies de la région, à créer davantage d'emplois et à offrir des opportunités justes et équitables à tous», a déclaré M. Ahmed lors de la conférence. Il a insisté sur un certain nombre de réformes importantes qui ne sauraient être retardées afin de débloquer le vaste potentiel de croissance à moyen terme de la région.
• Une plus grande intégration commerciale, à la fois dans la région et dans l'économie mondiale, non seulement pour doper la croissance mais aussi pour catalyser d'autres réformes importantes.
• La réglementation des affaires et les réformes de la gouvernance afin d'assurer un traitement simple, transparent et équitable des sociétés, et donc une transparence et une responsabilisation accrues des institutions publiques.
• Une réforme du marché du travail et de l'éducation qui assureront un renforcement équitable des compétences et des incitations à l'emploi, tout en maintenant une protection adéquate des travailleurs.
• L'amélioration de l'accès au financement pour aider à catalyser l'esprit d'entreprise et l'investissement privé.
• Une réforme des finances publiques pour libérer des ressources pour les dépenses hautement prioritaires et réduire les vulnérabilités, ce qui permettra aussi d'aiguillonner la croissance.
M. Ahmed a souligné que, si une réforme exhaustive s'inscrit dans la durée, «un certain nombre de mesures pourraient être prises rapidement, telles que la réduction de réglementations discrétionnaires ou qui se chevauchent et qui compliquent le démarrage et l’exploitation des entreprises, le relâchement du ratio minimum de fonds propres et des restrictions sur la propriété étrangère de même que le démantèlement des barrières non tarifaires aux échanges». Il a ajouté que «des progrès rapides pourraient aussi être accomplis dans le domaine de la transparence grâce à la publication plus systématique les budgets de l'État».
Rôle de la communauté internationale
Outre l'assistance technique et les avis de politique économique prodigués à de nombreux pays de la région, le FMI a offert environ 8,2 milliards de dollars de soutien financier à la HYPERLINK "http://www.imf.org/external/np/sec/pr/2012/pr12275.htm"Jordanie, au HYPERLINK "http://www.imf.org/external/np/sec/pr/2012/pr12287.htm"Maroc et au HYPERLINK "http://www.imf.org/external/pubs/ft/survey/so/2012/car040512a.htm"Yemen; un accord a aussi été conclu le mois dernier avec les services du FMI sur un prêt de 1,75 milliard de dollars en faveur de la HYPERLINK "http://www.imf.org/external/np/sec/pr/2013/pr13136.htm"Tunisie. L’institution examine aussi un accord financier avec l’HYPERLINK "http://www.imf.org/external/np/sec/pr/2013/pr13137.htm"Égypte de même qu'un second accord avec le Yémen.
Le soutien des autres partenaires internationaux est aussi crucial. «La communauté internationale a un rôle vital à jouer pour appuyer les pays en transition. En offrant des avis économiques et techniques, un financement et un accès commercial, les partenaires bilatéraux et multilatéraux peuvent contribuer à un changement positif», a déclaré M.Ahmed.