Bulletin du FMI : Emploi, croissance et équité : axes prioritaires pour le monde arabe
le 16 mai 2014
- La conférence d’Amman a permis d’échanger des idées sur l’avenir de la région
- La création d’emplois, l’amélioration du climat des affaires et le renforcement de la gouvernance figurent au titre des priorités
- Les pays arabes en transition vont s’atteler au travail de réforme
Une conférence régionale organisée à Amman, Jordanie, a mis en évidence que la lutte contre le chômage des jeunes et le redéploiement des dépenses publiques en faveur d’une croissance inclusive sont deux des priorités les plus urgentes pour les pays arabes en transition.
Amman Conference
Près de 300 hauts responsables gouvernementaux et représentants du secteur privé, de la société civile, du monde universitaire et des médias se sont réunis à Amman les 11 et 12 mai pour traiter des principaux axes d’une vision économique commune pour la région. Plus de trois ans après l’éclosion des transitions économiques et politiques fondamentales de nombreux pays du monde arabe, la stabilisation économique est en cours mais le défi consiste désormais à passer de la stabilisation à la croissance.
Les participants à la conférence ont traité de quatre grands dossiers : parvenir à la stabilité macroéconomique dans la région, créer plus d’emplois pour les jeunes, améliorer le climat des affaires et renforcer la transparence et la gouvernance dans les secteurs public et privé.
Chaque pays doit certes s’employer à relever ses propres défis, mais la région partage une même priorité qui consiste à doper l’emploi, notamment chez les jeunes.
«Pour pouvoir répondre aux attentes d’une population jeune qui aspire à rejoindre le marché du travail, la région devra accélérer sensiblement son taux de croissance, qui aujourd’hui se situe aux alentours de 3 %», a déclaré Christine Lagarde, Directrice générale du FMI, lors de la rencontre.
Les défis de la transition
Organisée conjointement par le FMI, le gouvernement jordanien et le Fonds arabe pour le développement économique et social, la conférence a débuté par une journée d’ateliers destinés à connaître les différents avis sur les principaux thèmes de la conférence. À l’issue d’un débat les participants ont été invités à voter pour définir les trois initiatives prioritaires dans chacun des domaines. Les résultats ont ensuite été dépouillés grâce à un mécanisme électronique de vote. La deuxième journée, des panels constitués de ministres de l’économie et des finances et de gouverneurs de banque centrale de la région ont débattu de ces priorités et des mesures envisageables pour y répondre.
Lors de la séance d’ouverture sur les défis des transitions économiques dans les pays arabes, le Premier Ministre jordanien, M. Abdullah Ensour, a rendu compte de l’expérience de son pays en matière de réformes. Il a attribué leur réussite en partie au fait que le gouvernement a agi avec franchise et a cherché à obtenir l’adhésion de la société, ce qui lui a permis d’agir avec crédibilité. «Nous avons présenté la réalité des faits, qu’ils plaisent ou non», a-t-il ajouté.
Mme Lagarde a elle aussi estimé que la franchise et la crédibilité du gouvernement avaient joué un rôle essentiel, notamment à l’égard de dossiers aussi sensibles que la réforme des subventions. Elle a précisé que lorsqu’il s’agit de réduire les subventions universelles pour dégager les moyens qui permettront de mieux cibler les dépenses, il est vital de bien communiquer. «Vous ne pouvez être crédible que si vous êtes transparent et avez à rendre compte de l’emploi des fonds publics. C’est là le chemin incontournable vers la souveraineté et l’indépendance économique».
Politiques macroéconomiques
Les participants aux panels ont débattu des politiques macroéconomiques optimales pour assurer la stabilité économique et la croissance inclusive. De leur avis, la priorité absolue consiste à forger une vision solide et partagée de l’avenir économique dans chaque pays. Cette vision, qui doit aller de pair avec un leadership énergique et efficace, est nécessaire pour promouvoir un changement durable dans le monde arabe.
L’amélioration de la composition des dépenses publiques pour assurer plus d’équité, d’efficience et, en dernière analyse, une croissance plus inclusive, a également été jugée importante. Nasser Saidi, ancien Ministre de l’Économie et de l’industrie du Liban, a noté que les subventions énergétiques absorbent une part considérable du budget des États (voir graphique 1), mais ne font guère avancer les pays sur la voie du développement.
«Nous dépensons plus en subventions qu’en éducation, or nous avons la population la plus jeune de la planète, et celle qui augmente le plus vite», a-t-il précisé.
Bonne gouvernance
Les participants ont convenu la région doit fortement progresser sur les fronts de la transparence et de la gouvernance. Les gouvernements doivent promouvoir une plus grande responsabilisation envers leurs citoyens. Cela permettra de donner une plus grande crédibilité à leur action économique et de mobiliser les investisseurs.
Le renforcement de la justice est également une grande priorité pour parvenir à une bonne gouvernance dans la région. M. Saddek El Kaber, Gouverneur de la Banque centrale de Libye, a signalé qu’une justice faible, voire absente, peut avoir de vastes conséquences. «En Libye, notre système judiciaire a accusé du retard et cela porte préjudice à l’ensemble du cycle économique et social».
Les panélistes ont en outre fait remarquer que pour améliorer la gouvernance dans les secteurs public et privé il est vital de disposer d’une société civile dynamique. M. Mohamed Boussaid, Ministre de l’Économie et des finances du Maroc, a parlé de l’Instance centrale de prévention de la corruption active dans son pays. «Le rôle de la société civile dans la lute contre la corruption est très important», a-t-il précisé.
Création d’emplois
Les panélistes ont souligné qu’il était absolument vital de créer plus d’emplois pour les jeunes (graphique 2) et qu’il fallait entreprendre une réforme globale, qui contribue également à l’inclusion des femmes.
M. Tarik Yousef, Président-directeur général de Silatech, organisation non gouvernementale régionale basée au Qatar, a traité du changement de mentalité qu’il fallait opérer pour ne plus voir dans l’État un employeur. La séance durant laquelle il est intervenu a également permis de signaler d’autres réformes dont la création d’un système d’enseignement qui puisse jeter des passerelles vers l’emploi productif, la conception d’une réglementation du travail qui protège les travailleurs sans imposer trop de contraintes aux entreprises, et la promotion d’un climat des affaires propice à la compétitivité.