Bulletin du FMI : Perspectives du Moyen-Orient : une amélioration modeste, mais toujours avec des risques
le 5 mai 2015
- Les pays exportateurs de pétrole enregistrent une croissance stable en dépit de la chute des prix du pétrole, mais ils devront réduire leurs dépenses
- Une croissance plus élevée est attendue dans les pays importateurs de pétrole; les retombées des conflits régionaux représentent des risques
- La région a besoin de réformes structurelles et budgétaires pour créer des emplois et accélérer la croissance
La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord connaît une reprise économique modeste, en dépit de la forte baisse des prix du pétrole et de l’intensification des conflits, note le FMI dans son dernier rapport sur la région.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES
Selon la Mise à jour des Perspectives économiques régionales, publiée le 5 mai, la croissance s’accélérera légèrement pour avoisiner 3 % en 2015 (voir tableau). Toutefois, les taux de croissance, même s’ils sont en hausse, restent trop faibles pour réduire de manière significative le chômage qui reste élevé dans la région.
«Bien que les pays de la région aient accompli des progrès dans la mise en œuvre des réformes, il reste du travail à accomplir non seulement pour stabiliser l’économie, mais aussi pour rehausser les perspectives économiques d’une manière durable et inclusive», a déclaré Masood Ahmed, Directeur du Département Moyen-Orient et Asie centrale du FMI, lors d’une conférence de presse organisée à Dubaï.
Par ailleurs, a-t-il noté, l’intensification récente des conflits en Iraq, en Libye, en Syrie et au Yémen pèse sur l’activité économique et la confiance, et constitue un risque considérable pour les perspectives de la région.
Les excédents des pays exportateurs de pétrole diminuent
Selon le FMI, la croissance dans les pays exportateurs de pétrole de la région a atteint environ 2½ % en 2014 et devrait rester à ce niveau en 2015. L’an prochain, la croissance devrait monter à 3½ %, mais, pour que cette prévision se réalise, la situation sécuritaire devra se stabiliser et la production de pétrole se redresser dans les pays exportateurs de pétrole hors Conseil de coopération du Golfe.
En dépit d’une baisse de moitié des prix du pétrole entre juillet 2014 et avril 2015, les pays exportateurs de pétrole ont réussi à maintenir leur croissance stable en utilisant les amortisseurs financiers qu’ils ont accumulés au cours des dix dernières années, a déclaré M. Ahmed.
Cependant, ces pays enregistrent une baisse considérable de leurs recettes d’exportation. Le recul des prix du pétrole transformera l’excédent des transactions courantes que dégagent depuis longtemps les pays exportateurs de pétrole de la région en un déficit de 22 milliards de dollars en 2015 ; les recettes d’exportation devraient être inférieures d’environ 380 milliards de dollars aux prévisions datant d’avant la baisse des prix du pétrole.
Les budgets des pays exportateurs de pétrole sont aussi gravement touchés par la chute des prix du pétrole : les soldes budgétaires se détériorent, avec un déficit moyen de 8½ % du PIB (voir graphique 1). En raison d’une forte hausse des dépenses ces dernières années, les budgets sont vulnérables à une baisse des prix du pétrole, a noté M. Ahmed. «La plupart des pays de la région ne peuvent pas équilibrer leur budget lorsque que le prix du pétrole s’approche de 60 dollars le baril», a-t-il déclaré.
M. Ahmed a attiré l’attention sur une série de mesures que les pays exportateurs de pétrole de la région pourraient prendre, tant pour faire face à l’évolution des prix du pétrole que pour assurer la bonne santé à long terme de leur économie. Comme l’on s’attend à ce que les prix du pétrole restent à un bas niveau pendant un certain temps, les pouvoirs publics devraient commencer à modérer le rythme de leurs dépenses, a-t-il déclaré. Mais comme les dépenses publiques constituent un moteur essentiel de la croissance non pétrolière, cet assainissement devrait être propice à la croissance et progressif, compte tenu de l’espace budgétaire et du financement disponible.
Les pays exportateurs de pétrole pourraient aussi profiter de l’occasion pour réduire les subventions énergétiques généralisées, qui restent élevées en dépit de la baisse des prix du pétrole. Par ailleurs, étant donné les nouvelles réalités du marché mondial du pétrole, il est d’autant plus urgent pour ces pays d’abandonner leur modèle de croissance fondée sur le pétrole pour adopter un nouveau modèle où la croissance économique et la création d’emplois sont portées par un secteur privé diversifié.
Les pays importateurs de pétrole connaissent une croissance plus élevée, mais font face à des risques
Les pays importateurs de pétrole de la région connaissent une croissance plus élevée, grâce à une gestion économique prudente, conjuguée à une conjoncture internationale plus favorable, a noté M. Ahmed. Ils ont profité de la baisse des prix du pétrole ; cependant, comme cette baisse a été répercutée de manière limitée sur les prix des carburants à la pompe, elle n’a que modestement réduit les coûts de production et accru les revenus disponibles.
Dans le groupe des pays importateurs de pétrole, la croissance montera probablement à environ 4 % cette année, contre environ 3 % en 2014, a noté M. Ahmed. Les pays ont choisi pour la plupart de mettre de côté les gains tirés de la baisse des prix du pétrole, ce qui les a aidés à réduire leur dette publique et à accroître leurs réserves de change (voir graphique 2). Des signes de confiance, tels qu’une montée des cours boursiers et une accélération de la croissance du crédit, apparaissent.
Mais M. Ahmed a averti que ces perspectives sont exposées à des risques considérables.
Les problèmes de sécurité et les retombées des conflits régionaux risquent de compromettre la reprise qui voit le jour. Une intensification de ces conflits pourrait aggraver cet effet négatif, a déclaré M. Ahmed. Les variations des taux de change, en particulier l’affermissement du dollar américain, constituent un autre risque qui pourrait peser sur la compétitivité de la région.
Selon le rapport, les pays devraient continuer d’utiliser les gains tirés de la baisse des prix du pétrole pour renforcer leurs amortisseurs afin de faire à des chocs inattendus à l’avenir et pour réduire la dette publique. Comme pour les pays exportateurs de pétrole, la baisse des prix offre aux pays importateurs l’occasion de continuer de réduire les subventions énergétiques coûteuses et inefficientes.
Les pays importateurs de pétrole de la région devraient poursuivre l’assainissement de leurs finances publiques en 2015, en privilégiant dorénavant des mesures qui permettent d’accroître les recettes. Ce surcroît de recettes, ainsi que les fonds dégagés grâce à la réforme des subventions énergétiques, pourraient être utilisés pour accroître les dépenses propices à la croissance, par exemple les dépenses dans le développement des infrastructures, l’éducation et les soins de santé, note le rapport.