Bulletin du FMI : L’affaiblissement de la croissance en Afrique subsaharienne nécessite un changement de cap
le 3 mai 2016
- Plus faible croissance depuis 15 ans, avec d’amples variations au sein de la région
- Des chocs sévères : faiblesse des cours des produits de base, durcissement des conditions de financement extérieur, sécheresse
- Un changement de cap est urgent pour assurer la croissance économique
Après une longue période de croissance économique vigoureuse, l’Afrique subsaharienne va vraisemblablement connaître une deuxième année difficile à cause des multiples chocs qui frappent la région, indique le FMI dans un nouveau rapport.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES RÉGIONALES
La chute des cours des produits de base et le resserrement des conditions financières ont engendré de fortes tensions dans beaucoup de grands pays; aussi le nouveau rapport appelle-t-il les pouvoirs publics à réagir de façon plus énergique pour contrer les effets de ces chocs et permettre à la région de réaliser son potentiel de croissance.
Le rapport indique que la croissance économique est descendue à 3½ % en 2015, son plus bas niveau depuis 15 ans. Cette année, elle devrait ralentir encore et s’établir à 3 %, c’est-à-dire nettement en recul par rapport aux 6 % enregistrés en moyenne au cours de la décennie écoulée, et à peine plus que la croissance démographique.
Des chocs multiples
La chute des cours des produits de base a durement frappé beaucoup des plus grands pays d’Afrique subsaharienne. Les cours du pétrole se sont un peu redressés depuis le début de l’année, mais ils sont encore inférieurs de plus de 60 % au pic de 2013 — c’est un choc sans précédent (graphique 1).
En conséquence, les pays exportateurs de pétrole tels que le Nigéria, l’Angola et cinq des six pays appartenant à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale continuent de se heurter à des conditions économiques particulièrement difficiles. La chute des cours des produits de base a aussi pénalisé les pays exportateurs de produits de base non énergétiques, tels que l’Afrique du Sud, le Ghana et la Zambie.
Ce choc est amplifié par le durcissement sensible des conditions d’accès aux financements extérieurs pour la plupart des pays préémergents de la région par rapport à la période qui s’est terminée mi-2014, au cours de laquelle ils avaient joui d’un large accès aux marchés de capitaux internationaux.
En outre, la grave sécheresse qui afflige plusieurs pays d’Afrique australe et orientale, dont l’Éthiopie, le Malawi et le Zimbabwe, expose des millions de personnes à l’insécurité alimentaire.
Les perspectives à moyen terme restent favorables
Cela dit, l’impact de ces chocs varie amplement au sein de la région et beaucoup de pays continuent d’enregistrer une croissance vigoureuse, même si celle-ci est mesurée par habitant (graphique 2).
En particulier, la plupart des pays importateurs de pétrole s’en tirent beaucoup mieux : un grand nombre d’entre eux, dont la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Sénégal et beaucoup de pays à faible revenu, enregistrent une croissance de 5 % ou plus. Ces pays continuent à bénéficier des investissements d’infrastructure et du dynamisme de la consommation privée.
Bien que les perspectives immédiates d’un grand nombre de pays d’Afrique subsaharienne restent difficiles, les perspectives de croissance à moyen terme de la région demeurent favorables. Les ressorts intérieurs fondamentaux de la croissance de ces dix dernières années n’ont pas disparu. En particulier, la nette amélioration du climat des affaires dans la région et la démographie favorable devraient favoriser la croissance à moyen terme.
Un changement de cap s’impose d’urgence pour réaliser le potentiel de croissance
Pour réaliser ce potentiel considérable, il est toutefois nécessaire de changer radicalement de cap dans de nombreux pays, car dans l’ensemble la riposte des pouvoirs publics n’a pas été suffisante jusqu’à présent.
Dans les pays exportateurs de produits de base, où les réserves budgétaires et extérieures s’amenuisent rapidement et qui se heurtent à des contraintes de financement, la riposte au choc doit être rapide et vigoureuse afin d’éviter un ajustement désordonné. Les pays qui ne sont pas membres d’une union monétaire devraient exploiter la flexibilité du taux de change, dans le cadre d’un ensemble plus vaste de mesures macroéconomiques, pour amortir le choc. Étant donné que les recettes provenant du secteur des industries extractives vont sans doute rester durablement basses, beaucoup des pays concernés doivent aussi absolument endiguer leur déficit budgétaire et constituer une base d’imposition viable dans le reste de l’économie.
Compte tenu du resserrement marqué des conditions financières extérieures, les pays qui ont accès aux marchés financiers et dont les déficits budgétaires et courants sont élevés devront aussi recadrer leur politique budgétaire de manière à reconstituer des amortisseurs aujourd’hui très amoindris et à atténuer les vulnérabilités qu’entraînerait une nouvelle dégradation des conditions extérieures. Les mesures requises induiront peut-être un recul de la croissance économique à court terme, mais elles éviteront ce qui pourrait être un ajustement bien plus coûteux et désordonné. Ces mesures créeraient les conditions nécessaires pour que la région réalise l’énorme potentiel économique qui reste inexploité.
Le rapport sur les Perspectives économiques régionales contient deux études de référence qui examinent, d’une part, le choc actuel sur les termes de l’échange des produits de base et la riposte des autorités au ralentissement de l’activité dans le passé, et d’autre part, l’impact économique des progrès réalisés en matière de développement financier. La région a fait des progrès considérables dans le domaine de l’accès aux services financiers grâce à l’utilisation des technologies mobiles et à l’expansion des banques panafricaines.